Depuis de nombreuses années, les organisateurs du festival phare de Clermont-Ferrand Europavox font face à un casse-tête : réunir une foule toujours plus nombreuse et des artistes de toute l’Europe, en limitant l’impact environnemental. Pour cela, tous les aspects du festival sont passés à la loupe.
Cette année encore, des milliers de festivaliers se donneront rendez-vous du 28 au 30 juin, place du 1er Mai à Clermont-Ferrand, pour voir sur scène des artistes venus de toute l’Europe. Sans surprise, Europavox, un événement d’une telle ampleur, n’est pas sans conséquences pour l’environnement. L’écologie, François Missonnier, directeur du festival, s’en est emparé il y a déjà de nombreuses années, en accord avec une tendance générale des organisateurs d’événements : “D'une manière générale, c'est la prise de conscience de l'impact environnemental des événements culturels. C'est vraiment un sujet qui est considéré depuis extrêmement longtemps par les organisations et notamment sur les festivals de musique. Individuellement et collectivement, on travaille beaucoup au sein de syndicats, de fédérations, d'organismes de regroupement, on échange beaucoup sur ces sujets-là depuis une bonne quinzaine d'années. On se pose la question, pour les impacts environnementaux des événements qu'on produit, de voir comment, dans toutes les strates de l'organisation, on peut faire en sorte de les minimiser ou de les annuler, en ne renonçant pas à organiser des festivals.”
Alléger le transport
Alors, tous les aspects du festival Europavox ont été longuement étudiés, à commencer par le plus polluant, le transport : “Ces dernières années, des études montrent que 80 % du CO2 émis par la production de festivals, c'est la mobilité du public et potentiellement la mobilité des artistes. Si le festival est organisé dans un endroit reculé, cela implique que les gens utilisent leur véhicule, voire, sur les gros événements internationaux, prennent l'avion pour venir. Si on prend les plus gros événements mondiaux, Coachella par exemple, c'est plus de 100 000 personnes qui viennent du monde entier”, constate François Missonnier. Pour le directeur, la solution a été de choisir un lieu accessible par les transports collectifs : “Nous côté EuropaVox, le fait qu'on soit dans le centre de Clermont avec l'entrée du festival à 50 mètres d'un arrêt de tram, c'est évidemment un point qui est complètement vertueux. On est mécaniquement sur de la mobilité plus douce. Le principe est de compléter ce point-là. Pour les gens qui ne sont pas Clermontois, on est à 10 minutes à pied de la gare. On est en train de mettre en place un outil permettant le covoiturage entre festivaliers”, explique-t-il.
Se relier au réseau fixe
François Missonnier et ses équipes se sont ensuite penchés sur l’énergie. Un festival est un événement gourmand en énergie, et notamment en électricité. Là aussi, des dispositifs sont mis en place ou testés : “Quand on organise un événement dans un lieu qui n'est pas relié, c'est un groupe électrogène pour arriver à alimenter la scène, le service... Donc, nous, on a aussi la chance de notre côté, en étant organisé sur la place du 1er mai, d'être relié au réseau. L’essentiel de nos fluides sont des fluides pérennes et reliés aux dispositifs existants. Pour le reste, on a expérimenté l'an dernier de remplacer les groupes électrogènes par des systèmes de batterie. Ce sont des batteries évidemment, qui ne sont pas des batteries grand public, qui permettent de remplacer avantageusement la mise en place de groupes électrogènes”.
Des gobelets moches
La première chose qui a été travaillée par les festivals, c'est la gestion des déchets, raconte François Missonnier : “La première mesure qui a été mise en œuvre, c'est le principe des gobelets consignés. Les premiers réflexes qu'on avait pris, c'était de faire des gobelets consignés qui étaient jolis. On trouvait ça sympa que ce soit estampillé aux couleurs du festival, sauf que la problématique c'est qu'on en refabriquait tous les ans. On restait dans de la production de plastique.” Toujours dans une optique d’amélioration, le festival a testé un dispositif original : “On a expérimenté d'autres méthodes. Il y a 2 pistes, la piste qu'on a testée l'an dernier qui était les gobelets moches et non consignés. Au final les choses ne se sont pas tout à fait passées comme on le souhaitait. Avec les gobelets consignés, les gens font en sorte de garder le même gobelet et de ne le ramener qu'à la fin. Avec un gobelet non consigné, on a eu un peu trop de gens qui, à chaque verre, prenaient un nouveau gobelet. Les consommations d'eau n'étaient pas optimum, donc on va revenir à une logique de gobelets consignés. Ils seront à nouveau moches, mais consignés !”
Mais pour François Missonnier, le travail sur les gobelets peut encore être amélioré : “On est en train de consulter un certain nombre d'entreprises pour faire des gobelets communs. Au lieu de les fabriquer chacun dans son coin, qu'il y ait des fabrications mutualisées. On ne les fabrique pas que pour 3 jours d'exploitation, mais on les fabrique et après ça circule dans d'autres organisations. Ces gobelets ont une durée de vie beaucoup plus importante.”
Manger local
Que serait un festival sans food truck ? La nourriture, un autre aspect sur lequel se concentrent les efforts : “On lutte contre le gaspillage alimentaire en travaillant sur un dispositif et des flux de fonctionnement qui permettent de faire de la récupération alimentaire quotidienne de manière à pouvoir, en partenariat avec des associations, faire en sorte que ces aliments-là puissent être mis à disposition. C'est hyper efficace, mais ça implique par contre une logistique assez lourde à mettre en œuvre. C'est un de mes objectifs importants à moyen terme.”
Mais ce n’est pas tout. Les festivaliers mangeront des produits locaux : “On a une petite centaine de prestataires et fournisseurs, systématiquement, on privilégie les prestataires et fournisseurs locaux. On se déplace s'il n'y a pas les moyens humains sur place, mais on travaille vraiment dans cette logique-là. Pour ne parler par exemple que des restaurateurs, il y a une vingtaine de restaurateurs qui vont être présents sur le festival, je pense que 90 % d'entre eux seront des prestataires restaurateurs locaux. Dans les questionnaires et dans les échanges qu'on a avec eux pour les sélectionner, on demande aussi des engagements de leur part à ce qu'eux-mêmes s'approvisionnent en circuit court. Ce n'est pas que nous, on travaille avec des prestataires locaux qui eux-mêmes travaillent avec la filière locale pour s'approvisionner. On systématise la proposition d'offre végétarienne sur les stands, quels qu'ils soient. On n'est pas encore à 100 % mais je pense qu'il y a au moins les 3/4 des restaurateurs présents qui ont des déclinaisons végétariennes de leur proposition.”
Garder les artistes
Consommer local, un mantra pour la restauration, mais pas pour les artistes, qui viennent de tout le continent. Pour ne pas renoncer à la venue de ces jeunes talents, François Missonnier a des projets : “Plutôt qu’ils traversent l'Europe pour se produire 3/4 d'heure sur le festival et qu’ils repartent dans l'autre sens, on essaie d'organiser avec eux une multiplication des actions. C'est multiplier les actions pour diviser les impacts. On travaille avec des partenaires diffuseurs associatifs dans le voisinage, pour ne pas non plus multiplier les sauts de puce pour envisager la relation d'artiste sur un temps long. On a un peu expérimenté l'an dernier à l'échelle du Puy-de-Dôme avec 2 haltes de 2 artistes, un rappeur lituanien et puis un groupe de rock ukrainien qui ont joué pour l'un à Issoire, l'autre à Giat.” (non loin de Clermont-Ferrand, NDLR).
Concilier l’aspect écologique et l’aspect festif peut être un véritable casse-tête, et les efforts ne sont pas terminés : “C'est compliqué d'être irréprochable, mais année après année, on essaie de s'améliorer sur chacun de ces sujets-là. Ce point, il est très transverse. Ça touche à l'artistique, ça touche à la venue du public, ça touche aux propositions de nourriture, ça touche à l'énergie, ça touche aux déchets. Cette dimension-là, elle s'insinue dans tous les aspects de l'organisation. Je trouve qu'il y a un activisme, une prise de conscience et des choses qui sont faites de manière plus précoce par rapport à beaucoup d'autres pans de la société sur ces aspects-là. Il y a une demande aussi de la part des festivaliers qui est beaucoup plus importante”, explique le directeur. Une charte de développement durable pour les festivals a été développée en 2022, en concertation avec le ministère de la Culture.
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