Grève du 5 décembre : à Clermont-Ferrand, le ras-le-bol des manifestants dépasse largement la réforme des retraites

A Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), entre 15 et 30 000 personnes ont défilé jeudi 5 décembre contre la réforme des retraites. Mais dans le cortège, les revendications étaient bien plus larges : chaque secteur professionnel avait une raison de crier son ras-le-bol.

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A Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), du jardin Lecoq à la place du 1er mai, il y a un peu plus de 2 kilomètres. Ce jeudi 5 décembre, de la première banderole au dernier manifestant, c’était à peu près la longueur du cortège. 


"Belle manif !” juge Catherine, retraitée de l’hôpital Clémentel, près de Riom. “Dès le départ, j'ai su que c'était une belle manif. A un quart d'heure du départ, il y avait déjà beaucoup de monde ! Ca veut dire que les gens prennent conscience que notre système de retraite, il faut qu'il perdure, au moins sur la répartition. Il est hyper moderne ! Quand on voit qu'en Suède, les retraites ont diminué d'année en année parce qu'ils sont passés à un système par points, quand on voit que la Belgique a refusé ce système, il faut qu'on se batte !”

C'est un pillage de la part de la finance

François est venu sur son triporteur. Salarié dans un quotidien régional, militant à la France Insoumise, il a emmené une de ses filles avec lui : "On est là pour protester contre les mesures que Macron s'apprête à prendre contre les retraites ! C'est un pillage de la part de la finance, 4 ans de notre vie qu'il veut mettre dans la bulle financière.” Lui aussi défile pour défendre le régime par répartition : “C'est une solidarité intergénérationnelle entre ceux qui travaillent et ceux qui ont travaillé. C'est un système qui a bien fonctionné et qui ne rémunère pas d'actionnaire, il n'y a pas de raison d'aller mettre tout ça dans les banques !" 
 
Romain est venu avec sa fille. © Fabien Gandilhon - France 3 Auvergne

Romain, agent de la métropole clermontoise, ne veut pas entendre parler de la “clause du grand-père” un temps évoquée par la gouvernement et qui consisterait à n’appliquer la réforme que pour les nouveaux embauchés : “C'est inadmissible : ça toucherait nos enfants et nos petits-enfants. Jamais on n’acceptera ça !"

La retraite, c'est ce qui a réuni ces manifestants. Mais il n'y a pas que ça. A chaque bannière qui passe, c’est un mal-être particulier qui s’exprime. Les professeurs sont venus très nombreux. Sur la banderole de David, on lit : “directeurs d’école épuisés, excédés”. “On est là aujourd'hui pour le mouvement des retraites, mais aussi parce qu’on se sent oubliés. On a des conditions qui sont dégradées depuis quelques années notamment pour les directeurs de petites écoles. On ne nous donne pas les moyens pour accomplir toutes nos tâches de gestion d'école en parallèle de notre métier d'enseignement. On est forcés de prendre sur notre temps personnel pour tout l'administratif, pour la communication avec les parents d'élèves … On aurait besoin de plus de moyens et de temps pour qu'on puisse s'occuper de tout ce qu'il y a à faire dans une école, et il y a beaucoup de choses à faire !” 

 

Il faudrait peut-être écouter un petit peu plus les gens

 

Plus généralement, David porte un regard critique sur la méthode du gouvernement : “Pour les retraites comme pour le reste, on voit bien que la manière dont les choses sont faites, c'est peut-être pas la bonne manière. Il faudrait peut-être écouter un petit peu plus ce que les gens imaginent localement pour améliorer leurs métiers et le fonctionnement général du pays ! On a l'impression qu'on n'est pas assez entendus.”
 
Les directeurs d'écoles se disent épuisés et excédés. © Fabien Gandilhon - France 3 Auvergne

A mi-chemin, les premiers comptages tombent. La préfecture annonce 15 000 manifestants. Les syndicats 15, 20 voire 30 000.  Amélie Prunet-Foch  représente le SNUIPP 63, syndicat des enseignants du premier degré. Elle a rarement vu ça à Clermont  : "C’est énorme, ça fait des années qu'on n'avait pas vu une telle mobilisation interprofessionnelle, intersyndicale, public et privé ! C'est une vraie réussite pour le début du mouvement."

Dans la sono, Damien Saez chante "Manu dans l'cul". Sous le soleil, les couleurs des banderoles chatoient. L’aéronautique avec l’AIA, la Banque de France, la SNCF, le commerce, les agents de l'électricité et du gaz ... Issam porte un drapeau vert “Sud Michelin” : “Dans le privé, ça prend un petit peu…. En tout cas, c'est un des mouvements qui a le plus pris ces deux dernières années.” La foule autour de lui le conforte dans sa décision de se mobiliser : “Plus on va dans le temps, et plus on perd nos droits et nos avantages ! Il faut être unis pour les défendre.

Notre paye c'est 734 euros nets en moyenne !

Particulièrement remontés, les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) font du bruit. “On vient pour la retraite, bien sûr parce que nous, on va être les premières impactées par le système de points ! On est des femmes, on est à temps partiel, on a eu des coupures de carrière et donc on va être dans les premières impactées !” raconte Nathalie. “Mais on vient aussi pour nos conditions de travail en général. On voudrait avoir un plein temps, être mieux payées. Notre paye c'est 734 euros nets en moyenne pour faire 24 heures. Et on a de plus en plus d'enfants à accompagner !”
 
Les AESH dénoncent leur bas revenus et la précarité de leur métier © Fabien Gandilhon - France 3 Auvergne

Read travaille dans un service de voirie. Lui aussi, ce sont les chiffres qui lui font mal : “En tant que fonctionnaire de base, en catégorie C, on touche 1 200 euros. Sur les 1 200 euros, il y a 300 euros de primes mais à la retraite, elles ne sont pas prises en compte ! Ça voudrait dire qu'à la retraite, on va toucher 800 euros !”

Chacun crie son ras-le-bol, la crise de son secteur. Patrick est particulièrement concerné. Il arrive de chez MSD, le laboratoire pharmaceutique de Riom qui vient d’annoncer la suppression de plus de 200 emplois. On sent chez lui de l'amertume, mais aussi le réconfort du nombre : "Il y a beaucoup de monde de chez nous, de partout même ! On s'aperçoit qu'il y a vraiment un problème dans notre société ... Après, est-ce que ça va le résoudre, je ne sais pas mais au moins il y a du monde qui est là pour s'exprimer."
 
Gilles a remis le gilet jaune pour l'occasion. © Fabien Gandilhon - France 3 Auvergne

Retraité du secteur agricole depuis 6 mois, Gilles est venu avec ses copains "pour nos enfants". Gilet jaune “au début du mouvement”, il a ressorti le chasuble fluo. Sur sa pancarte, une interpellation : “Et vous, présidents, ministres, députés, sénateurs, on regarde quand vos privilèges et vos régimes spéciaux ?” "Il y a plein de choses qui ne vont pas ! Sur mon panneau, je pose la question des élus. Il faudrait qu'ils justifient leurs salaires et leurs régimes spéciaux de retraite !”

Benoît Daudé porte aussi le chasuble, mais le sien est coloré de bleu et flanqué du logo de Force Ouvrière pénitentiaire. Son syndicat réclame le retrait pur et simple du projet du gouvernement. “Nous au niveau de la pénitentiaire, on est sous statut particulier. On a une bonification d'un cinquième par rapport à la retraite. Aujourd'hui, c'est complètement flou dans le plan, on est en train de promettre aux policiers qu'ils vont le conserver, nous on ne sait pas ... On nous explique qu'on va peut-être le conserver avec un calcul de répartition différent … On a énormément de mal à recruter dans nos professions ... Si on nous enlève ces avantages-là, plus personne ne voudra venir faire notre boulot. De toute façon, vu nos conditions de travail, après 50 ans, chez nous, les gens sont en maladie ...”
 
"Plus qu'un trimestre et c'était bon" © Fabien Gandilhon - France 3 Auvergne

A l’arrivée place de Jaude, le cortège éclate. Certains se dirigent vers la préfecture. Les agents du secteur de la santé font une photo de groupe au pied de la statue de Vercingétorix. Ils forment un des plus gros contingents. Ils sont là pour leurs retraites, mais aussi pour l’hôpital public qu’ils décrivent comme un navire en perdition : "Nos patients traînent dans des lits aux urgences pendant des heures …” déplore Marine, infirmière à l’hôpital de Riom. “Chez nous en gériatrie, on a de moins en moins de moyens. En chirurgie, c'est l'hécatombe, la moitié des services ferment, les chirurgiens orthopédistes vont ailleurs dans des cliniques ... On est plein à ressentir la même chose, il faudrait que le gouvernement nous écoute !” “Sans compter les postes de contractuels supprimés … “ ajoute sa camarade Mathilde, technicienne de laboratoire au CHU de Clermont.
 
Les salariés de l'hôpital public étaient particulièrement mobilisés. © Fabien Gandilhon - France 3 Auvergne

Derrière elles, la manifestation se disperse doucement. Certains regrettent la photo qui aurait pu être faite si tout le monde s’était regroupé sur la place. Mais les syndicats sont satisfaits. Dans l’air flotte l’odeur du stand de tripes de la CGT et l'envie de continuer "jusqu'à ce que Macron plie."
 
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