Grippe aviaire : des éleveurs de volailles entre dépit et anticipation

Le ministère de l'Agriculture a décrété vendredi 05/11 le passage en niveau de risque "élevé" face à la grippe aviaire sur l'ensemble de la France métropolitaine. Une mesure de protection qui oblige les éleveurs à confiner les volailles pour éviter tout foyer de contamination. Réactions en Auvergne.

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Retour au confinement pour les volailles. Après les réglementations dues au Covid-19 et l'apparition de plusieurs foyers d'influenza en France l'an dernier, la décision a été prise, vendredi 5 novembre, de mettre sous cloche l'ensemble du secteur avicole. Une mise à l'abri ordonné par le ministère de l'Agriculture "face à la propagation du virus en Europe" pour ainsi éviter tout contact avec des oiseaux migrateurs potentiellement porteurs du virus.

"Depuis le mois d'août, 130 cas ou foyers d'influenza aviaire ont été détectés dans la faune sauvage ou dans des élevages en Europe, notamment au bord de la mer du Nord et de la mer Baltique, dont trois foyers dans des élevages allemands", explique le communiqué du ministère.

Une accélération de la dynamique d'infection, pour ce qui ne représente pas encore une épidémie, et un renforcement des contraintes vis-à-vis des agriculteurs déjà pénalisés à plusieurs reprises ces dernières années. Parmi celles-ci, une mise à l'abri des élevages commerciaux et la claustration ou la mise sous filet des basses-cours, mais aussi l'interdiction des rassemblements (marchés, foires...). Un arsenal de mesures complété également par une surveillance vétérinaire resserrée avec des réalisations de prélèvements. 

Une frustration des éleveurs face à la situation actuelle

Pour Rémi Depresle, éleveur à Monestier dans l'Allier avec une production de plus de 45 000 volailles labellisées chaque année, la spirale négative se poursuit. "J'ai déjà vécu un premier confinement de mes volailles l'an dernier et cela va recommencer cette année. Deux ans de production de volailles, deux ans de confinement !", constate-t-il. L'enfermement des volailles dans un espace clos a aussi des conséquences sur leur comportement et leur développement : "Elles mangent beaucoup plus, donc hausse de leur consommation d'aliments, elles prennent beaucoup plus de poids et on se fait pénaliser à l'abattoir car les poulets sont trop lourds. Ils veulent des poulets autour de 2 kg, moi j'étais monté à 2,5 kg".

C'est dévalorisant pour nous alors qu'on a choisi de faire de la production dehors

Et même si le maintien du label n'est pas remis en cause, "les poulets ne sont pas les mêmes [...] lls sont beaucoup plus nerveux. On a plus de piquages, ils s'énervent, on a des morts et beaucoup de déclassés à l'abattoir... C'est une souche qui a besoin d'espaces", continue-t-il. "On a un label rouge de qualité et la volaille fermière d'Auvergne qui reste dans le bâtiment, c'est dévalorisant pour nous alors qu'on a choisi de faire de la production dehors."  L'éleveur estime que les regards sont trop focalisés sur les grandes exploitations, ce qui a tendance à desservir l'image de sa profession en période de grippe aviaire : "On parle beaucoup de l'élevage professionnel, mais beaucoup moins des petites basses-cours et des étangs privés où s'arrêtent des oiseaux migrateurs. Or, c'est là qu'il y a je pense le plus de risques."

Quand d'autres ont déjà pris les devants

Dans une autre configuration, le cas de Javier Navarro, éleveur indépendant à Ambert dans le Puy-de-Dôme, résume là aussi les difficultés d'un secteur soumis à des crises à répétition et parfois privé de débouchés. "La production de volailles vivantes destinée aux marchés et qui était en place, il va falloir qu'on s'en débarrasse, c'est ça la grosse contrainte." Pour lui, la provenance des volailles est également à pointer du doigt pour expliquer ces épisodes de grippe aviaire : "Aujourd'hui, le secteur avicole fait souvent face à des épisodes de grippe aviaire à la même période juste avant Noël. À plus de 60%, le foie-gras vendu pour les fêtes provient de l'Europe de l'Est, qui n'est pas soumise aux mêmes normes sanitaires que nous, avec des canards prêts à être ensuite gavés en France."

Le coût de ces crises, il est direct et bien réel

Une problématique régulière qui l'a poussé à diversifier ses activités pour faire face au préjudice économique qu'un épisode de grippe aviaire peut représenter. "Je suis moins impacté que les autres agriculteurs, car je me suis spécialisé dans la livraison à domicile, avec un risque de contamination qui est quasiment nul par rapport aux marchés et aux foires." En parallèle, cet éleveur depuis plus de 35 ans a décidé de compléter son activité : "Depuis 2016, je me suis tourné vers de l'auto-entreprise en chantier, espaces verts et maçonnerie. J'ai été obligé parce que le coût de ces crises, il est direct et bien réel."  

En France, plus de 14 000 élevages doivent faire face à cette nouvelle menace de grippe aviaire pour le secteur avicole. À l'hiver 2020, ce sont près de 500 foyers de contamination qui avaient été recensés en France métropolitaine et plus de 3 millions de volailles abattues pour limiter son influence et sa propagation.

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