La grippe de retour en Auvergne : « Elle se propage même plus vite que le Covid »

Le taux d’incidence de la grippe remonte en Auvergne, depuis le milieu du mois de mars. Une épidémie tardive qui, éclipsée par le Covid, n’est pas à prendre à la légère.

Si l’épidémie de Covid repart à la hausse en Auvergne, les virus grippaux ne sont pas en reste et se propagent dans la population. C’est également ce que constate le Réseau Sentinelle sur le plan national qui indique, pour la semaine du 20 mars : « La semaine dernière, le taux d’incidence des cas d’infection respiratoire aigüe (IRA) vus en consultation (ou en téléconsultation) de médecine générale a été estimé à 313 cas pour 100 000 habitants. Ce taux est en augmentation par rapport à la semaine précédente : 214 », peut-on lire sur leur site.

Depuis, les contaminations ne cessent de grimper, comme l’a constaté Marianne Sarazin, référente Auvergne-Rhône-Alpes du Réseau Sentinelle : « On a une augmentation des cas qui est apparue depuis environ 3 semaines. Il y a une incidence des cas de grippe suivis à la fois sur le plan clinique et sur le plan viral. On a des médecins qui participent au dépistage, qui permet de typer et de caractériser la grippe. Ensuite, on a d’autres médecins qui font une déclaration clinique de tous les cas vus d’infection respiratoire aigüe. Depuis la venue du Covid, dont la symptomatologie est proche, on nous a imposé de suivre les cas d’infection respiratoire aigüe et non plus les cas de grippe. Ensuite nous sous-typons avec le suivi viral. » Au CHU de Clermont-Ferrand, le constat est similaire : « Il y a de très nombreux cas en ville, quelques cas qui sont hospitalisés au CHU mais on est surtout dans une période de recrudescence du Covid. Ça reste gérable, mais ce matin on devait tout de même avoir 8 patients dans le service et on a refait quelques transferts en réanimation. Ce n’est pas une grosse vague. Il y a aussi des cas de grippe, mais ça reste gérable », indique le professeur Olivier Lesens, infectiologue.

Une épidémie "tardive"

Cette épidémie de grippe intervient avec plusieurs mois de retard, constate le docteur Sarazin : « C’est un peu décalé par rapport aux autres années mais on a déjà constaté des épidémies décalées dans le temps comme celle-ci. Une épidémie est liée à tellement de facteurs que la temporalité peut varier d’une année à l’autre, mais ça reste une épidémie tardive. » Le professeur Lesens précise que ce retard est certainement lié aux gestes barrière préconisés pour lutter contre le Covid, qui ne sont plus aussi fermes : « C’est une épidémie de grippe qui est très tardive. D’habitude, ça survient pendant la période hivernale et là ça a été décalé, vraisemblablement à cause des mesures barrière. D’habitude, c’est plutôt la période où l’épidémie se termine que celle où elle commence. On peut espérer qu’avec les beaux jours, l’épidémie se tarisse très vite. » Le docteur Sarazin ajoute : « Effectivement, la levée des gestes barrière, un peu moins de précautions, les enfants qui retournent à l’école, ça contribue à ce que l’épidémie se propage plus facilement. Les enfants sont de gros vecteurs d’épidémie. »  

Gestes barrière moins présents

En effet, selon elle, les plus touchés par le virus sont les plus jeunes : « Ça touche toutes les tranches d’âge et tous les départements de la région, avec cette année une prédilection pour les plus jeunes. C’est peut-être lié au fait que, pendant deux ans, les enfants ont été confinés et du coup leur immunité de base est moins forte, n’ayant pas été en contact avec la grippe 2 années de suite ou très peu. Probablement, ils sont moins immunisés et la probabilité qu’ils développent des symptômes est plus grande. Quand on est immunisé, les signes cliniques sont tempérés voire inexistant, là, c’est vrai qu’on a constaté qu’ils étaient plus exacerbés chez les jeunes. Il y a peut-être d’autres facteurs ». Les jeunes étant une population peu sujette aux formes les plus graves de la grippe, la hausse des contaminations ne se ressent que faiblement dans les hôpitaux, constate Olivier Lesens : « Il y a deux facteurs principaux : d’une part, la diminution des mesures barrière, avec des gens qui ne portent plus le masque, y compris dans des gros regroupements comme des concerts… D’autre part, comme il y a eu très peu de grippe l’année dernière, il y a moins d’immunité collective et on peut comprendre qu’elle se propage extrêmement vite. La grippe se propage même plus vite que le Covid. Actuellement, il y a une grosse épidémie chez les plus jeunes. Ce ne sont pas ceux qui présentent le plus de risques de rentrer à l’hôpital, c’est pour ça qu’on a relativement peu d’hospitalisations, mais ils servent de réservoirs pour contaminer d’autres personnes plus à risque », alerte l’infectiologue. « Ça nous fait un surcroit de travail », concède-t-il malgré tout.

Des taux de vaccination "insuffisants mais habituels"

En revanche, cette épidémie affecte la médecine de ville déjà éprouvée par la pandémie de Covid, selon Marianne Sarazin : « La grippe est très présente en ce moment, c’est sûr. En ce moment on nous parle beaucoup plus de grippe que de Covid. Les médecins ont été très éprouvés par l’épidémie de Covid, où on les a pas mal exclus de la stratégie. On les sens « épuisés », ils nous déclarent les cas sans problème, mais on n’a pas encore toutes leurs impressions. Là, ils se retrouvent avec tous leurs patients qui ressortent de confinement, qui pour certains ont des complications liées au fait que les traitements ont été ralentis pendant 2 ans. Ils se retrouvent avec beaucoup de choses à gérer, avec toujours le doute du Covid lorsqu’ils ont une symptomatologie d’aspect viral. C’est compliqué ». Cette année, les taux de vaccinations contre la grippe n’étaient pas au beau fixe, selon le professeur Lesens : « Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas vaccinés contre la grippe, qui se disent « J’ai déjà été vacciné contre le Covid et comme je prends des précautions, ce n’est pas la peine de me vacciner contre la grippe », ça n’a pas été une année exceptionnelle pour la vaccination contre la grippe, par rapport aux autres années. Je n’ai pas de chiffres précis car la campagne n’est pas terminée mais sur l’hôpital, on est à peu près au même niveau que d’habitude. On a eu une bonne couverture vaccinale en 2020 car les gens avaient peur de la coïnfection covid-grippe, là, on est revenu à des taux insuffisants mais habituels ».

"La grippe envoie en réanimation, la grippe est dangereuse et nécessite des précautions"

Pourtant il le rappelle, la grippe peut être mortelle : « Il y a plusieurs milliers de morts de la grippe chaque année. Tout le monde l’oublie mais chaque année on rappelle que les patients fragiles doivent se vacciner contre la grippe car c’est une infection qui peut envoyer à l’hôpital et en réanimation. Elle est associée à une mortalité pour les patients les plus fragiles, avec des critères de fragilité qui sont à peu près les mêmes que le Covid. » Le docteur Sarazin, elle aussi, insiste sur la dangerosité de cette épidémie : « La grippe envoie en réanimation, la grippe est dangereuse et nécessite des précautions. Elle peut être dangereuse pour les personnes plus âgées, pour les immunodéprimés… ça a été malheureusement oublié mais il faut reprendre les réflexes qui existaient et se vacciner. » Pour la semaine du 20 mars, le taux d’incidence en Auvergne-Rhône-Alpes pour les infections respiratoires aigües s’élevait à 283, un résultat légèrement inférieur à la moyenne nationale.

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