Depuis près d’un mois, elles sont les stars des légumes de saison : blanches, vertes, en velouté ou en vinaigrette, les asperges font un retour remarqué dans nos assiettes. Aux Martres-de-Veyre, près de Clermont-Ferrand, pas moins de 10 agriculteurs en produisent.
De début avril jusqu’à fin mai, Jordane Baldassini s’active chaque matin pour récolter le précieux trésor. Basé aux Martres-de-Veyre, près de Clermont-Ferrand, ce producteur se lève tôt et passe jusqu’à 4 heures chaque matin dans son champ. Les asperges n’ont plus de secret pour lui. « Les asperges poussent à partir d’une griffe qu’on va planter dans la terre à environ 30cm de profondeur. Ensuite, tous les ans, il y a des pousses qu’on appelle des turions, qui ne sont ni plus ni moins que l’asperge qu’on va manger », explique-t-il. Il faut ensuite se montrer patient. Les premières asperges ne pourront être dégustées que 3 ans après les avoir plantées, « de façon à ce que la griffe prenne de la force. » Sur sa parcelle, comme des vagues de différentes couleurs ondulent : « Si on souhaite faire des asperges blanches, ce que l’on fait, c’est qu’on les butte. On fait des buttes de terre. Ce qui pousse va rester blanc car il n’y a pas de photosynthèse. Si elles sortent un tout petit peu, elles vont avoir le bout violet. Si elles sortent complètement, on aura des asperges vertes. »
« On est obligé de ramasser tous les jours »
Pour les ramasser, Jordane Baldassini utilise une gouge. Certaines de ces buttes sont couvertes de bâches. Bâcher les asperges permet de créer un effet de serre : « L’important pour l’asperge, c’est la chaleur. C’est une des premières choses qui la fait pousser. Si on n’a pas de chaleur, on n’a pas d’asperge. Les bâches permettent aux asperges de démarrer plus tôt et, quand les nuits sont fraîches, ça évite que la chaleur ne parte. Par contre il ne faut pas que les asperges touchent la bâche, sinon, ça les brule. Cette année, il y a eu des nuits froides. Ça les arrête, elles arrêtent de pousser dès qu’elles ont froid. On espère qu’il n’y aura pas un coup de froid en mai comme l’année dernière. »
Mais la nuit a été douce et le travail ne manque pas : « On est obligé de ramasser tous les jours pendant toute la saison, sinon les asperges continuent à pousser et elles deviennent vertes. La demande d’asperges vertes à tendance à augmenter dans le département mais c’est culturel, chez nous, de manger des asperges blanches. Je n’ai jamais fait d’asperges vertes. On s’adapte à la demande du client », raconte le producteur.
« Avec la surface que j’ai, je ne peux pas en vivre »
C’est la sixième saison pour lui : « J’ai aidé un ami lorsque j’étais plus jeune et j’ai ma propre exploitation depuis 6 ans. C’est un légume qui vient bien chez nous. La terre est adaptée, la terre est riche, ça lui donne un goût un peu spécial. Dans le sud, elles poussent dans le sable. Le rendement est supérieur car il n’y a pas de résistance de la terre. C’est la même chose pour les poireaux. Par contre, le goût n’est pas du tout le même. » Malgré le temps investi dans sa production, faire pousser des asperges n’est pas son activité principale. En parallèle, il travaille à Clermont-Ferrand. « Avec la surface que j’ai, je ne peux pas en vivre », explique Jordane. Pourtant, cela lui demande beaucoup de travail : « En pleine saison, pour ramasser le champ que j’ai, je mets 4 heures tous les jours. »
Des menaces sur la production
La production dépend du temps. En cas de nuit froide, la production est divisée par 2 voire par 4. Mais le froid n’est pas le seul ennemi des asperges : « Le problème, c’est le manque d’eau. Il est énorme. On n’a pas d’eau depuis octobre-novembre, pas de pluies importantes. On espère qu’il y aura de l’eau, des pluies abondantes pour la nature et les récoltes. » Mais la météo n’est pas la première préoccupation de cet exploitant : « Aux Martres, on est 10 producteurs d’asperges. Sur les 10, on est 5 à être expropriés totalement ou en partie pour de l’urbanisation ou du loisir. Le problème, c’est qu’on n’a pas de terre en échange. Notre plus grand ennemi ce n’est pas le temps mais les pouvoirs publics. Ils nous enlèvent nos terres et on ne peut pas travailler. On entend parler de proximité, de consommer local, mais si on enlève les terres aux agriculteurs et aux maraîchers, je ne vois pas bien quelle solution on a pour avoir une indépendance alimentaire. » En effet, une voie verte va traverser son champ. « Ce que je demandais, c’est que les pouvoirs publics me donnent des terres en compensation. J’avais trouvé des terres pour pouvoir travailler, ils n’ont jamais voulu. Ils m’indemnisent mais l’indemnité ne fait pas manger les gens et ne fait pas consommer local. Au lieu de tout perdre, on finit par signer un arrangement. »
Une clientèle régulière
Mais pour l’instant, la récolte doit lui permettre de répondre à la demande. Vers 10 heures, la clientèle commence à arriver : « Je viens une fois ou deux par semaine. Ce sont de bons produits, faits et ramassés avec amour, avec un commerçant sympathique. Là, j’en ai pris 3 kilos je vais les faire cuire à la vapeur et les manger avec une petite mayonnaise faîte maison », se réjouit un client régulier. Les commandes sont assez régulières dans l’exploitation de Jordane avec un pic lors du week-end de Pâques et des clients qui lui commandent entre 1 et 5 kilos d’asperges en moyenne.
« Il y a des gens du coin surtout mais des gens de partout. Il y a des gens qui viennent d’assez loin. Hier, j’ai eu des clients de Lyon mais la plupart, c’est autour de 10 kilomètres. Les Martres sont assez réputées pour l’asperge. On est 10 et tout le monde vend sa production. » Alors, cet agriculteur doit s’organiser : « La demande est quand même forte à l’heure actuelle pour ce type de produit. J’essaie de gérer de façon à ce que ma production soit équivalente à ma demande ». Pour vous procurer ses asperges, comptez entre 9 et 10 euros le kilo, avec un tarif dégressif au cours de la saison. « C’est un produit de luxe et il faut que ça le reste. Au prix du kilo c’est assez onéreux mais ça donne beaucoup de travail. C’est le premier légume printanier. » A déguster en sauce vinaigrette ou mousseline ou bien en velouté.