La cour criminelle du Puy-de-Dôme a condamné le "paysan-guérisseur" à 12 ans de prison, vendredi 6 octobre. Il était accusé de trois viols et neufs agressions sexuelles sur des patients. L’avocat général avait requis 16 ans de prison.
Le "paysan-guérisseur" auvergnat, qui avait soigné des centaines de patients et fait l’objets de nombreux reportages et courts-métrages, a été condamné par la cour criminelle du Puy-de-Dôme à 12 ans de prison. L’homme était accusé de viols et agressions sexuels par 12 de ses patients. Les faits se sont déroulés entre 2015 et 2021. La cour a également prononcé une interdiction définitive d'exercer l'activité de rebouteux ou de magnétiseur.
Douze victimes
Le procès avait débuté mercredi. L'avocate générale Fabienne Cancelier a décrit "un individu qui a profité de son don présumé pour satisfaire ses envies, ses pulsions à l'égard des hommes, ce qu'il n'admettra jamais". "Eu égard à la gravité des faits", "au nombre de victimes" et "à la personnalité de l'accusé", elle a requis 16 ans de réclusion criminelle. Elle a également souligné le caractère délibéré des actes de ce rebouteux : "Bien évidemment que les actes reprochés à monsieur Boudon sont volontaires" et l'accusé "se cache derrière de faux arguments, de fausses vérités concernant l'anatomie du corps humain pour faire accepter l'inacceptable", a encore asséné l'avocate générale. Elle a insisté sur la vulnérabilité particulière de quatre victimes, liée à leur état physique ou mental. L'une d'elles, décédée depuis, était atteinte de la maladie d'Alzheimer. Une autre était polyhandicapée.
Le guérisseur avait pourtant pignon sur rue, en particulier dans la région. Michel Boudon, 72 ans, avait acquis une certaine notoriété après avoir fait l'objet de plusieurs reportages télévisés. Dans son village de Saint-Jean-des-Ollières (Puy-de-Dôme) des centaines de patients sont venus le consulter pour des douleurs, des problèmes de peau, des dépressions, etc. Au cours de l'audience, il a reconnu avoir pratiqué masturbations ou fellations -considérées comme un viol depuis 2018- sur certains de ses visiteurs, mais il a minimisé la portée de ses actes en affirmant qu'il s'agissait de "calmer les nerfs".
"Traits de personnalité perverse"
Un expert psychiatre a dit n'avoir relevé "aucune altération ou abolition du discernement", ni aucune pathologie psychiatrique, mais a décelé des "traits de personnalité perverse". Michel Boudon "se retranche derrière les soins" et "l'autre ne se retrouve pas dans son discours", a poursuivi le psychiatre, qui a aussi souligné le "côté narcissique" de l'accusé lorsqu'il évoque son "don" de guérisseur. Une psychologue a témoigné de sa "froideur relationnelle et affective". Selon elle, il "s'est servi de son métier pour assouvir un fantasme avec des personnes vulnérables car en demande, en souffrance".
Lors de l'audience, les hommes qui étaient en mesure d'être entendus ont dit leur "surprise", leur "sidération" et leur absence de réaction face à celui en qui ils avaient "confiance". Ils ont aussi raconté leurs traumatismes, leur "honte" après les faits. "Ils étaient venus chercher des soins, ils n'ont trouvé que la perversité traumatisante d'un homme froid", a plaidé Me Yann Fauconnier, avocat de deux plaignants. "Vous n'êtes pas l'Auvergnat de Brassens, vous n'êtes pas le paysan guérisseur (...), vous êtes un violeur, et vous avez fait plus de mal que de bien", a lancé à l'accusé Me Pierre-Emmanuel Girard, autre avocat des parties civiles.
"Il vous dit la vérité"
"Ce qui est impensable, c'est de se cacher derrière ces pratiques thérapeutiques", a souligné Me Elodie Dardat, avocate d'un autre homme. "Je vous demande de le considérer parce qu'il vous dit la vérité" et "il croit à ce qu'il dit", a plaidé de son côté son avocat Me Patrick Roesch. Plus tôt à la barre, le fils adoptif de Michel Boudon, qui l'a rencontré à l'âge de huit ans, l'a qualifié de "gentil", naïf", "simple", "ne sachant pas trop se défendre". "Il ne sait pas ce que c'est de faire du mal, il voulait aider les gens", a-t-il assuré. Semblant souvent détaché, l'accusé aux cheveux blancs et au visage émacié, qui a parfois du mal à entendre, a maintenu avoir "voulu faire du bien", tout en admettant la "gravité" de ses actes. "Je m'excuse auprès de certains si je leur ai fait du mal moralement", a-t-il fini par lâcher avant de demander "pardon".