Noël. “C’est comme un cambriolage dans une maison” : ces propriétaires forestiers victimes de vol de sapin

Pour décorer leur salon sans dépenser un centime, certains n’hésitent pas à tomber dans l’illégalité. En effet, chaque année, des propriétaires forestiers sont victimes de vols de sapin, un phénomène inquiétant, alors que les vols de bois de chauffage sont aussi monnaie courante.

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En France, la plupart des forêts appartiennent à des particuliers, qui ont à leur charge de les entretenir et d’en prendre soin. Chaque année, à la période de Noël, nombre d’entre eux sont victimes de vols bien spécifiques : certains individus peu scrupuleux n’hésitent pas à abattre des sapins pour décorer leur intérieur. Une réalité que déplore Antoine d’Amécourt. Il est agriculteur et sylviculteur dans la Sarthe et préside Fransylva, fédération qui regroupe les 78 syndicats départementaux et interdépartementaux. “Les vols de sapin, c'est tous les ans. C'est déplorable. Je ne comprends pas qu'on puisse faire la fête au pied d'un sapin de Noël qu'on a volé. À la rigueur, si on nous demandait, dans un peuplement, quelques arbres sont un peu plus petits. Ils pourraient être coupés pour faire des sapins de Noël, mais là, au lieu de ça, le long des routes, ils coupent les plus beaux. Ces arbres d'avenir sont destinés à faire du bois d'œuvre. C’est toujours catastrophique pour un propriétaire, parce que c'est compliqué la gestion forestière. De génération en génération, on se passe le flambeau, c’est un travail qui prend des années. C'est assez insupportable quand même ce type de vol.” 

Des vols ponctuels

Tous les ans, au mois de décembre, un peu partout en France, des sapins sont coupés en toute illégalité “et la plupart des propriétaires qui ont des forêts ne portent même pas plainte !” s’insurge Antoine d’Amécourt. Selon lui, la peur de ne pas être pris au sérieux les dissuade. “S'ils vont à la gendarmerie pour signaler le vol d’un petit sapin au bord de la route, les gendarmes, c'est vrai qu'ils ont d'autres choses à faire. On n'arrive pas à comptabiliser les vols. Mais quand j'en parle à d'autres particuliers, ils me disent tous que, dès qu'ils ont une parcelle avec du Douglas, de l'Épicéa ou du sapin Normand en bordure de route, ils ont des vols. C'est très désagréable.”   

Particuliers et professionnels touchés

Les professionnels sont eux aussi concernés par ces vols. Ils mettent en place des mesures pour s’en prémunir, ce que ne peuvent pas forcément faire les particuliers : “Quelqu'un qui a un champ avec une parcelle qui est vouée à la culture de sapins de Noël, c’est d'autant plus désagréable qu’il comptait le vendre, ce sapin, dans un bref délai. En général maintenant, il y a des grillages tout autour pour éviter que les gens rentrent. Pour une sylviculture en bordure de route, on ne va pas grillager les parcelles pour qu'on ne pique pas un sapin de Noël, donc c'est plus compliqué. D'une façon générale, les producteurs de sapins de Noël font très attention parce qu'ils s'en font voler aussi”, explique-t-il. 

Des méthodes approximatives

Si Antoine d’Amécourt est si virulent, c’est qu’il a lui même été victime de vol de sapin : “Je l'ai vécu chez moi, ils coupent en hauteur, à 1 mètre de haut parce qu'ils ne peuvent même pas se baisser. Ils coupent ça avec une hache ou avec du matériel qui n’est pas très approprié. Ils prennent juste la partie qui les intéresse pour faire la fête à côté de la cheminée. Ils prennent le plus bel arbre. En période de Noël, quand les gendarmes voient des voitures avec des remorques, avec des sapins, s'ils ont le temps, ils arrêtent pour voir. Mais bon, c'est anecdotique, c'est très compliqué.” Il alerte également les propriétaires. En cas d’accident lors d’un vol sur leur propriété, leur responsabilité peut être engagée : “On a des assurances responsabilité civile, mais c'est vrai que ça engage notre responsabilité. Le moindre accident qui a lieu chez un particulier, c'est de la responsabilité du particulier.” 

Des vols de bois de chauffage

En dehors des périodes de Noël, les actions de vol d'arbre existent. “Malheureusement, il y a beaucoup de vols de bois de chauffage. Il y a des piles de bois en forêt et le lendemain, il y a une remorque qui est partie avec. Dans le Grand Est, ou au bord de la frontière espagnole, ils abattent des gros arbres pour les emmener à l'étranger. Pour un propriétaire, c'est encore plus dur parce que c'est tout son peuplement, tous les arbres qu'on a fait pousser depuis 3 générations. Ça remet en cause la gestion durable des forêts. Ce sont de vraies mafias. Ce n'est pas le cas sur les sapins de Noël. Là, ce sont de vrais réseaux qu'il faut arriver à démanteler. Si on laisse passer les vols de sapin par-ci et par-là, on laisse les propriétaires s'habituer à des vols de plus grande importance. Il y a des gens qui ne comprennent pas que la forêt n'appartient pas à tout le monde. Il y a, de génération en génération, des gens qui paient des impôts. C'est quand même incroyable qu'on puisse les spolier comme ça de leurs biens. C'est comme un cambriolage dans une maison. C'est très difficile à accepter”, dénonce-t-il. 

Des conseils de prudence

Alors, pour s’en prémunir, Antoine d’Amécourt incite les propriétaires à se rapprocher du voisinage pour démultiplier la surveillance. En cas de vol, il faut le signaler aux autorités mais aussi au syndicat : “Beaucoup de particuliers n'habitent pas à proximité de leurs bois. On conseille de contacter les voisins, de se présenter aux voisins. On redit à nos adhérents qu’il ne faut pas accepter la moindre atteinte à leurs biens, il faut la faire remonter. Il faut absolument qu'au niveau national on ait les données pour pouvoir inciter le gouvernement et les forces de l'ordre à agir.” Outre la perte financière, c’est également une perte de travail pour les propriétaires : “Au fur à mesure que le peuplement avance, on travaille au profit du plus bel arbre et si on le coupe, cela casse complètement l'objectif de la gestion durable du peuplement avec toujours l’objectif de produire du bois d'œuvre qui va construire des maisons, qui va faire du meuble...”, regrette Antoine d’Amécourt. En France, 75% de la forêt est privée, soit 3,5 millions de propriétaires forestiers. 

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