L'ambiance est tendue dans certains quartiers de Clermont-Ferrand. Depuis lundi 25 mars, les forces de l'ordre sont déployés dans plusieurs points stratégiques du trafic de drogue. Une opération « Place nette XXL » voulue par le ministère de l’Intérieur pour envoyer un « signal fort » aux délinquants.
Depuis lundi 25 mars, les forces de l’ordre de Clermont-Ferrand reçoivent des renforts considérables dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue. Plus de 500 personnes sont mobilisées, gendarmes, policiers, douaniers, équipes canines, équipes de drones, unités de force mobile… Dans le cadre de l’opération « place nette XXL » voulue par le ministère de l’Intérieur, ils interviennent pour faire fuir et interpeller les délinquants dans les quartiers clefs du trafic de stupéfiants. Cela devrait s’accompagner d’opérations de nettoyage, pour retrouver « un quartier vivable », selon le préfet du Puy-de Dôme Joël Mathurin.
Les habitants n’en peuvent plus, les parents n’en peuvent plus.
Joël Mathurin, préfet du Puy-de-Dôme
Celui-ci s’est exprimé sur cette opération et les moyens mis en œuvre, ce jeudi 28 mars : « Les unités venues en concours nous ont permis d’organiser une opération dans un cadre global national pour démontrer par la force une capacité à assécher, déstabiliser, déstructurer la délinquance organisée et le trafic de stupéfiants. Ici, le quartier Saint-Jacques a été durement touché. C’est une action qui doit être répétée pendant un certain temps. Ça ne se compte pas en jours. Nous allons, avec les moyens qui nous ont été attribués par le ministère de l’Intérieur, faire en sorte de mettre en place une sécurisation, des moyens considérables d’investigation pour neutraliser cette délinquance qui s’est installée. » Selon le préfet, l’opération a pour objectif d’éviter l’installation de « systèmes pré-mafieux » et contrer une activité de délinquance organisée « soutenue » qui « essaie de se structurer ».
"La peur a changé de camp"
Pour lui, cette opération est là non seulement pour arrêter les délinquants, mais aussi pour rassurer les habitants bien souvent apeurés et désabusés : « L’objectif de l’opération place nette est de dire que la loi est là pour vous protéger. La force de la loi est à leur disposition », explique Joël Mathurin. Le préfet entend ainsi envoyer un « signal fort » pour « reconquérir les quartiers » et faire comprendre aux habitants que « la République est là pour les protéger ». Il ne croit pas à la résignation des riverains : « Je pense que les habitants sont contents de voir que là, la peur a changé de camp. Evidemment, il va falloir continuer avec opiniâtreté. Cet après-midi, la force est à la loi. Le quartier appartient à la loi de la République et à personne d’autre. Cet après-midi, personne ne contrôlera l’identité des habitants de ce quartier à part les forces de la République. » Il parle d’un enjeu de « reconquête de territoires ». « Ce n’est pas aux dealers de faire la loi dans les quartiers », martèle-t-il.
Une cinquantaine de gardes à vue
Une vingtaine de gardes à vue sont comptabilisées depuis mercredi, selon la procureure de Clermont-Ferrand Dominique Puechmaille, ce qui ramène à une cinquantaine au total depuis le début de l’opération. Un « tri » s’effectue en fonction des antécédents et des quantités de produit saisies. « Nous nous orientons soit vers des déferrements, des comparutions immédiates ou des convocations devant le tribunal correctionnel ou bien le tribunal des enfants », indique-t-elle. La procureure compte également profiter de cette opération pour cibler les individus faisant l’objet de fiches de recherche. Hier, une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt a pu être interpellée. « Nous nous faisons un devoir d’apporter une réponse la plus efficace possible contre ce qui est un fléau et ce contre quoi nous entendons combattre de concert avec les forces de sécurité intérieure », se félicite-t-elle.
Des interpellations à tous niveaux du trafic
Elle évoque ensuite le profil des interpellés : « On a un peu de tout. On a un individu interpellé avec une grande quantité, on parle de 30 kilos. On est sur un degré élevé. On a aussi ceux qui pourrissent la vie des habitants, les revendeurs de rue. Ils ont de petites quantités sur eux, mais ils sont toujours là. On a des majeurs et des mineurs. Pour l’instant, ce sont essentiellement des gens qui viennent de l’agglomération de Clermont-Ferrand. » Pour ce qui est des récidives, Dominique Puechmaille compte faire preuve de ténacité : « Je n’ai pas l’intention de m’avouer vaincue. J’applique ce que j’appelle la technique du Lego. Pour faire un beau Lego, il faut plusieurs briques. Pour faire un bon déferrement, parfois, il faut plusieurs interpellations. »
Déstabiliser les consommateurs
Arnaud Bavois, commissaire général, directeur interdépartemental de la police du Puy-de-Dôme, vante également les mérites de ces moyens supplémentaires, indispensables selon lui : « L’opération se passe bien. Ce n’est pas nouveau pour nous. C’est une opération nouvelle dans notre capacité à couvrir plusieurs points simultanément, mais on le fait quotidiennement à moindre échelle depuis maintenant 2 ans. Elle prend un format élargi pour une durée indéterminée. On fait une déstabilisation sur la profondeur. On reste plus longtemps, on voit comment le trafic va s’adapter à cette nouvelle donne pour, nous-même, nous réadapter. C’est un travail de fond. Si l’opération ne dure pas dans le temps, l’efficacité ne sera pas suffisante. » Au-delà des trafiquants, un nouveau public tout aussi responsable est également visé selon lui : « Le trafic n’existe que parce qu’il y a de la consommation. Le travail sur le deal, c’est bien mais il faut aussi travailler sur la consommation. Là, on vient perturber les deux. » Ces opérations pourraient durer encore plusieurs semaines.
-Propos recueillis par Romain Leloutre pour France 3 Auvergne