Pénurie de carburant et impossibilité d'aller au travail : quels sont vos droits ?

File d’attente à rallonge devant les stations-service, rupture de stock... En raison de la pénurie, certains ne parviennent pas à trouver d’essence ou de gasoil pour se rendre sur leur lieu de travail. Salaire, sanctions, voici ce que dit le droit du travail dans cette situation, selon un avocat spécialisé.

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C’est une mésaventure dont Laura, coordinatrice municipale près de Clermont-Ferrand, se serait bien passé. Lundi 10 octobre, alors que l’essence et le gasoil se font rares dans les stations-service de l’agglomération clermontoise, elle se retrouve incapable de se rendre sur son lieu de travail, à 25 kilomètres de son domicile : “Je suis rentrée tard vendredi et je n’ai pas utilisé ma voiture du week-end. J’étais sur la réserve. Lundi matin, je fais comme à mon habitude en partant un peu plus tôt parce que je sais qu'il faut que je prenne de l'essence.” Mais, arrivée devant la station essence où elle se rend habituellement, tous les compteurs sont à 0. “Je change de station, les compteurs sont encore à 0, donc là je comprends que je vais avoir du retard au travail.” Ses recherches restent vaines. Au bout de la cinquième station en rupture, à la limite de la panne d’essence, elle prévient son employeur qu’elle ne pourra pas se rendre au travail.  

Prévenir l'employeur

En accord avec son responsable, Laura a posé des heures de congé. Elle a finalement pu se rendre au travail le lendemain : “Il n’y avait pas beaucoup d'options qui s’offraient à nous, donc j’ai pris ma journée. Ils ont été plutôt compréhensifs puisque ça faisait partie des actualités et les services techniques étaient concernés aussi par le manque d'essence.” Laura n’est pas la seule à avoir eu des difficultés à se rendre au travail, en raison des ruptures de stock ou encore des files d’attente, où les automobilistes patientent parfois plusieurs heures avant de pouvoir faire le plein. Selon l’Insee, 74% des salariés rejoignent leur lieu de travail en voiture. Mais alors, que dit le droit en cas d’absence liée à l’approvisionnement en essence ? Voici l’expertise de Me Jean-Louis Borie, avocat de Clermont-Ferrand spécialiste en droit du travail. 

Que faire si je ne peux pas me rendre au travail en voiture ? 

Selon Me Borie, tout dépend d'abord de la distance entre le domicile et le lieu de travail : “Il est certain que si le salarié a des possibilités alternatives pour pouvoir se rendre au travail, ne serait-ce qu'une distance relativement faible qu'on peut parcourir à pied, il faut envisager d'y aller.” Si la distance nécessite un trajet en voiture important, à ce moment-là, le salarié doit d'abord prévenir son employeur. Il doit éventuellement se constituer des preuves de l'impossibilité de circuler comme “une photographie de sa jauge d'essence vide, une photo de file d'attente, une carte des stations à proximité" pour être en mesure de les fournir à l’employeur si celui-ci le demande.  

Mon absence est-elle autorisée ?  

Pour rentrer dans le cadre d’une absence autorisée, Jean-Louis Borie conseille d'abord de prévenir immédiatement son employeur et “d'instaurer avec lui un dialogue constructif” pour essayer de trouver des alternatives sous forme de télétravail par exemple. “Si ce n'est pas possible, on se situe de mon point de vue dans le cadre d'une absence autorisée de fait, parce que le salarié n'est pas fautif ".  

Peut-il y avoir des sanctions ? 

Dans le cas où la pénurie vous empêche d’aller travailler, Me Borie voit “difficilement des sanctions envisageables”. Mais selon lui, tout dépend des circonstances concrètes. “Si vous habitez à 4 km du travail on ne peut pas dire que vous n'êtes pas en mesure de trouver des solutions alternatives pour vous y rendre. Si vous demeurez à 30 km de votre lieu de travail, et qu’il n’y a pas de transports en commun, on peut difficilement vous reprocher de ne pas être venu.” Pour éviter toute sanction, il faut donc être capable de justifier du fait que l'on n'a pas de solution alternative. 

Puis-je être rémunéré ?  

En revanche, le salarié qui ne se rend pas au travail n'a pas droit au paiement du salaire. Une absence de ce type ne peut être rémunérée qu’en cas de force majeure. La question est donc de savoir si on se situe dans un cas de force majeure qui empêche le salarié de se rendre sur son lieu de travail : non, selon Maître Borie. “Compte tenu de la définition légale de la force majeure, je pense que non. La force majeure doit être extérieure, imprévisible et insurmontable. Que ce soit extérieur au salarié, c’est indiscutable mais que ça soit imprévisible, ça se discute par contre.” 

Comment ne pas perdre une journée de salaire ?

Pour ne pas perdre une journée de salaire, des options sont possibles en accord avec l’employeur : “ On se met d'accord avec lui pour poser un jour de RTT s'il en existe dans l'entreprise, voire un jour de congé payé pour pouvoir percevoir une rémunération. On peut également envisager de rattraper les heures non travaillées à un autre moment.” Sinon, l’absence du salarié se fera dans le cadre d'un congé sans solde, car, comme le précise Me Borie, “l'employeur n'a pas obligation de payer de salaire.” Jean-Louis Borie rappelle que l'employeur ne peut pas non plus imposer le congé, mais peut le proposer. 

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