Jeudi 6 octobre, le gouvernement a présenté son plan de sobriété énergétique. Parmi les pistes : la diminution de l'éclairage la nuit, ce qui devrait permettre la diminution de la pollution lumineuse. Nous faisons le point avec les associations de protection de l'environnement.
Le gouvernement a présenté ce jeudi 6 octobre son "plan de sobriété", pour éviter les pénuries d'énergie cet hiver. Avec comme objectif baisser de 10 % la consommation. La limitation de l’éclairage sur la voie publique fait partie des pistes avancées. Il représenterait 30 % de la facture d’énergie des collectivités, selon le gouvernement.
Une diminution de l'éclairage la nuit que réclament les associations de protection de l'environnement, depuis plusieurs années, pour diminuer la pollution lumineuse. L'objectif : préserver la nature et le cycle de vie de la faune et de la flore. "Tous les animaux ne dorment pas la nuit. Il y a les hérissons qui crapahutent, les renards qui chassent, les hiboux, les chouettes, décrit Bernard Cazalbou, de l'association Armure, membre du réseau de la FNE (France Nature Environnement) du Puy-de-Dôme. Même ceux qui ne sont pas nocturnes profitent qu'on ne soit pas là pour chasser, se reproduire et se déplacer. Mais la lumière artificielle les perturbe."
Même les végétaux
L'éclairage nocturne perturbe le vol des insectes et des oiseaux. "Apparemment, la pipistrelle (une petite chauve-souris) a su s'adapter à l'éclairage artificiel la nuit, mais c'est loin d'être le cas de tous les animaux." Plus étonnant, les plantes aussi sont dérangées : " quand il y a de la lumière, elles n'ont pas de cycle de repos. Elles s'épuisent en grandissant et en fleurissant plus vite." Cette pollution lumineuse concerne 85 % du territoire métropolitain, selon un rapport de l'Office français de la biodiversité.
"Au début de l'année, nous avons fait un relevé sur les communes du Puy-de-Dôme. La bonne surprise, c'est que plus de la moitié avait déjà diminué leur temps d'éclairage la nuit, mais pas les grandes communes, comme Clermont, Riom ou Ambert." Bernard Cazalbou espère donc que la crise énergétique aura pour effet d'encourager les communes à sauter le pas, pour favoriser "une vraie nuit noire" dans davantage de secteurs.
Les leds : une bonne solution ?
Dans son plan de sobriété, le gouvernement encourage aussi à passer aux leds pour l'éclairage. "Une simple mise à niveau en passant à des éclairages LED avec pilotage automatisé permettrait une économie d’énergie, dès les premiers mois de 40 à 80 % avec un retour sur investissement complet entre 4 et 6 ans." Une mauvaise solution pour l'ANPCEN (Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l'Environnement Nocturnes), qui se mobilise depuis 20 ans contre la pollution lumineuse.
"Si l'État incite à éteindre les éclairages, nous ne pouvons qu'y être favorables : cela permet de réduire instantanément la pollution lumineuse et le coût, explique sa porte-parole Anne-Marie Ducroux. Mais si c'est pour installer des leds, avec un pilotage à distance qui demande de la maintenance, on accroit la dépense pour l'éclairage."
Comme un phare dans la nuit
Des installations de leds qui s'accompagnent d'une augmentation de la pollution lumineuse, selon la porte-parole. "On l'a constaté : comme les leds permettent d'économiser des kw/h, il y a souvent une multiplication des points lumineux. En plus la puissance n'est pas baissée, alors qu'elles éclairent beaucoup plus, surtout les leds blanches." Pour diminuer la pollution lumineuse, seule des vraies périodes de coupure seraient efficaces.
Sur les 35 000 communes françaises, déjà 12 000 ont réduit la durée de leur éclairage la nuit, indique l'association. La prise de conscience n'a donc pas attendu la crise de l'énergie. "Depuis 2 ou 3 ans, même les communes de 100 000 habitants commencent à y réfléchir." Selon un sondage réalisé par Opinon way pour l'association, 91 % des personnes sondées sont favorable à la réduction du nombre de sources lumineuses extérieures la nuit
Pour l'association, les entreprises doivent aussi diminuer leurs éclairages ce qu'a encouragé le gouvernement ce jeudi. Le " protocole de sobriété énergétique " adopté par les acteurs de la distribution et du commerce (applicable le 15 octobre) prévoit une baisse de 50 %, pour l’éclairage des surfaces de vente, avant l’arrivée du public.
Pour les centres commerciaux, l’extinction des enseignes et publicités lumineuses est aussi prévue après la fermeture des magasins. "C'est très important d'éteindre les zones commerciales la nuit, elles sont en contact direct avec la campagne", souligne le puydomois Bernard Cazalbou.
Moins de pub ?
Quelques heures avant la présentation du plan de sobriété énergétique, un décret a officialisé la fin de la publicité lumineuse entre 1 heure et 6 heures du matin. Jusque-là, la réglementation ne concernait que les villes de moins de 800 000 habitants. Dans les faits, cela n'ajoute que Paris et Marseille. "C'est le même décret qu'en 2012, fait remarquer Anne-Marie Ducroux. Il ne porte que sur la publicité. Il aurait fallu étendre la durée d'extinction pour qu'elle commence à la fermeture des entreprises ou à 22 heures."
Dix ans après le premier décret, le constat est sans appel pour l'association : "un décret ne suffit pas à faire changer les choses, s'il n'y a pas de plan d'action et des contrôles. Le temps de la pédagogie, c'est fini, il faut des sanctions." Le nouveau décret a gardé les mêmes exceptions : gares, aéroports, stations de métro ou arrêt de bus vont pouvoir garder leurs publicités lumineuses toute la nuit. Les amendes pour non respect s'élèvent jusqu’à 1 500 euros.
La sobriété énergétique sera encore au menu du gouvernement la semaine prochaine. Amélie Oudéa-Castéra, la ministre des Sports, doit dévoiler son plan de sobriété jeudi 13 octobre. On sait déjà que les organisateurs de match de football et de rugby vont réduire de près de 50 % le temps d'éclairage avant et après les compétitions, la journée. Pour les compétitions de nuit, c’est 30 %.