Elle tente l’aventure : une agricultrice du Puy-de-Dôme a planté près de 220 oliviers sur la plaine de la Limagne. Une expérience à grande échelle pour, peut-être, déguster les premières olives d’ici 3 à 5 ans.
C’est un projet ambitieux, lancé par une agricultrice du Puy-de-Dôme : planter une parcelle d’oliviers sur la plaine de la Limagne, professionnaliser la récolte d’olives loin de ses terres d’origine. Un défi incertain, même pour Séverine Fabre-Darsonville. Agricultrice depuis plus de 25 ans, elle en connaît pourtant un rayon : “Je suis installée depuis 1998 sur la ferme familiale, c'était la ferme de mon père, pas très loin de Billom. C'était une ferme à l'époque assez classique avec du blé, avec du maïs semence, du maïs consommation et de la betterave. Je suis également administratrice de Limagrain mais le projet oliviers n’a pas de lien avec mon mandat, c'est une initiative personnelle.”
Des "changements profonds" liés au climat
Le changement climatique a déjà impacté son activité, ce qui l’a poussée à se lancer dans de nouveaux projets pour s’adapter : “Je faisais de la betterave et, en 2019, j'ai arrêté, quand la sucrerie a fermé. Je pense que c'est de là qu'est venue ma réflexion globale sur le changement climatique. C'esf une culture qu’on faisait dans la région depuis extrêmement longtemps, quasiment depuis son introduction en France par Napoléon, une culture historique avec beaucoup de réussite. Voir qu'on avait de plus en plus de difficultés à faire cette culture ancestrale, ça matérialise pour moi des changements profonds et la nécessité de sortir du cadre de ce que l'on a toujours fait, toujours connu.”
Diverses expériences
L’agricultrice n’en est pas à sa première expérience. Elle a déjà importé des cultures traditionnellement du sud, avec succès, mais ce projet oliviers est plus risqué : “Il n’y a pas de certitude que ça va marcher mais c'est une aventure. Il y a quand même des signes. Je me suis déjà mise à faire de la lavande, j'ai aujourd'hui une dizaine d'hectares de lavande et ça marche très bien. C'est vraiment une culture qui s'est très bien adaptée chez nous. L'automne dernier, j'ai planté aussi du thym pour accompagner ce genre de diversification. Puisqu'aujourd'hui, ces cultures-là fonctionnent, qu’est ce qui fonctionnera demain ? Dans la même dynamique, je me suis dit que finalement, l'olivier, ça pouvait se tenter.”
De nombreux atouts de l'olivier
Mais alors, pourquoi l’olivier ? Séverine Fabre-Darsonville a mûrement pesé les pour et les contre avant de se lancer : “Premièrement, c'est une culture emblématique d'une zone de production très limitée, de manière ancestrale. Il y a la zone de culture de l'olivier, et puis, 30 ou 40 km après, il n’y en a plus. Je me suis dit, si on arrive à faire cette culture-là à 200 km de sa zone d'origine, ça ouvre le champ des possibles. Deuxièmement, son cycle me paraît assez adapté aux contraintes qu'on peut avoir chez nous. Il ne fleurit pas au mois de mars, il fleurit au mois de mai. On verra chez nous si, tendanciellement, il fleurit au même moment que dans le sud-est. Autour de mai, les dernières gelées sont en général derrière nous. Son cycle me semble à peu près correspondre. On a une souplesse pour déclencher la récolte qui, là aussi, est assez rassurante, on n'est pas obligé d'attendre un certain stade pour récolter donc ça permet de pouvoir s'adapter à l'année. S’il y a des années où les gelées viennent un petit peu plus tôt, on a une souplesse dans le cycle que je trouve intéressante !”
Choisir des variétés
“Je me suis dit, mais quelle variété mettre ? Je ne sais pas, il n’y a aucune donnée sur quelle variété peuvent le mieux s'adapter”, raconte Séverine. Confrontée à cette difficulté, elle a consacré du temps à rechercher les oliviers les plus adaptés aux contraintes d’Auvergne. “Il existe des variétés un petit peu plus résistantes au gel, mais il y en a plusieurs. Il faut faire un test variétal sur cette parcelle. Aujourd'hui il y a 1,3 hectare de planté. Il y a un petit peu moins de 220 oliviers, 218. Il y a 6 variétés choisies pour leur résistance au gel d'hiver, leurs qualités agronomiques et leur intérêt gustatif. J'ai pris le parti de choisir 6 variétés françaises. Je me suis dit que les variétés du sud de la France seraient peut-être celles qui seraient amenées à monter au nord et peut-être que dans le sud de la France, ils vont être amenés à faire remonter des variétés plutôt italiennes ou espagnoles, dans le sens du climat.” Son choix s’est arrêté sur les olives Aglandau, Négrette, Bouteillan, Amellau, Grossane et Olivière. “Elles s'adaptent assez bien aux régions montagneuses, méditerranéennes, qui ressemblent à notre climat actuel.”
Dans sa parcelle, les 6 variétés sont installées à la manière d’un un essai scientifique. "J’en ai parlé à certaines personnes de l'INRAE qui m'ont dit : “Cela nous intéresse de suivre un sujet comme ça, on aimerait bien suivre ça et avoir des publications scientifiques qui soient attachées à cet essai-là." Donc j'ai mis mes variétés en répétition pour que ça ne soit pas juste une approche empirique d'un essai agriculteur.” Elle a donc planté 4 répétitions par variété tout au long de la parcelle.
Un essai scientifique
Avec des plantes de 2 ans, “c'est un essai au long cours” pour Séverine. “Je pense qu’on aura les premiers résultats intéressants dans à peu près 7 ou 8 ans. Les résultats de ces essais, ce qui serait très intéressant, c'est de pouvoir les rendre accessibles à tous. L'objectif est de répondre à 2 questions : est-ce que l'espèce s'adapte ? Je pense que oui, parce qu'il y en a beaucoup dans les jardins et qui fructifie, encore faut-il le prouver. Et puis : quelles variétés s'adaptent le mieux ? Une fois qu’on aura répondu à ces deux questions, il faudra savoir comment les cultiver, à quelle densité les planter, comment s'en occuper sur l'année, combien ça coûte en main d'œuvre, pour quel rendement, pour quelle finalité, pour quelle rémunération. L'idée c'est, dans 6 à 8 ans, d'être capable de sortir une fiche pour guider les agriculteurs qui voudraient se lancer avec des données plus locales. La chambre d'agriculture suit aussi le projet pour s'occuper ensuite du volet de diffusion de ces données et de ces informations.”
Des olives dans 3 à 5 ans ?
Les oliviers plantés ont deux ans, le stade classique que l'on trouve en pépinière professionnelle. Selon les variétés, les premières fructifications sont données dans 3 à 5 ans. “Mais ça, ça reste encore à observer, nuance Séverine. Avec notre climat, on ne sait pas. Je pense que dans 3 ans, il y aura les premières olives auvergnates, si tout se passe bien. Là encore, je reste prudente et humble parce qu'on est sur de l'expérimentation.” Une expérimentation avant, qui sait, de lancer une production d’olives auvergnates à grande échelle.