Avec le beau temps, les allergies aux pollens font leur grand retour. La quasi-totalité de l’hexagone est en alerte rouge aux graminées, au grand dam des allergiques, qui sont de plus en plus nombreux selon cette allergologue du CHU de Clermont-Ferrand.
Alerte rouge. Fin mai, le Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA) a publié un bulletin qui indique que le risque d’allergie aux pollens est élevé dans toute la France. Pas moins de 90 départements sont touchés, au grand dam de ceux qui sont frappés par ces allergies.
Voici ci-dessous la carte du RNSA.
Daniela Muti, allergologue au CHU de Clermont-Ferrand, explique pourquoi la carte de France vire au rouge : « A l’heure actuelle, on est à des taux très élevés de pollens, notamment les graminées, dans notre région. Au sud de la France, il y a aussi l’olivier et les pariétaires. Mais dans toute la France, il y a une alerte aux graminées. Ce n’est pas inhabituel mais ce qui est un peu différent c’est qu’en mai il a plu et il a fait plutôt frais. La saison est arrivée un peu brutalement. De plus, les orages ont plutôt un effet négatif sur les pollens. L’orage peut faire éclater les graines de pollen, du coup les fines particules vont aller plus loin dans les voies aériennes, notamment dans les poumons, ce qui peut induire des crises d’asthme plus facilement ».
Des signes multiples
Pour Daniela Muti, l’allergie est avant tout une réponse inadaptée de notre corps, qui peut intervenir à tout moment : « Toute allergie sera déclenchée du jour au lendemain. On est tous exposés à des pollens mais à un moment donné, notre système immunitaire reconnaît à tort le pollen comme étant dangereux et il fabrique des anticorps contre le pollen. Du jour au lendemain, quand les anticorps sont déjà là, on va avoir des symptômes. C’est une réponse à une erreur de notre propre corps. Les symptômes sont suggestifs. On aura un diagnostic clinique de rhinite, conjonctivite ou d’asthme et on doit prouver qu’il y a mécanisme allergique. Il faut faire un bilan allergologique. Mais on peut avoir une rhinite, de la conjonctivite ou de l’asthme sans être allergique ».
La médecin indique les signes qui caractérisent une allergie aux pollens : « On peut déjà avoir des signes ORL, comme la rhinite. Cela veut dire qu’on éternue, on a le nez qui démange et qui coule. On peut aussi avoir de la conjonctivite, avec les yeux rouges qui pleurent, qui grattent. On peut aussi avoir de l’asthme, avec des difficultés respiratoires, une respiration sifflante, une toux, parfois des réveils nocturnes ».
De plus en plus d'allergiques
Le nombre de personnes allergiques (pas seulement aux pollens) ne cesse d’augmenter. Daniela Muti souligne : « A l’heure actuelle, en France, il y a 25 à 30 % de la population qui a une rhinite allergique, ce qui est plus qu’avant. On prévoit qu’il y aura jusqu’à 50 % d’allergiques en 2050. Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer cela. Il y a d’abord les changements de l’environnement, nos habitudes de vie. Il y a différentes expositions dans la petite enfance et dans la vie qui font qu’on a des réponses différentes. On fait aussi moins d’infections donc on suppose que notre système immunitaire va dévier sa réponse vers les allergies. Ce phénomène est vraisemblablement multifactoriel ».
Selon l’allergologue, il ne faut pas prendre une allergie à la légère : « On peut avoir des formes d’allergie plus sévères. Mais on a aussi une reconnaissance qui est meilleure. On y pense plus vite donc on va diagnostiquer plus vite. On va pouvoir traiter plus vite. Même si on peut avoir des symptômes très importants, le retard de diagnostic est moindre par rapport à ce qu’il était il y a 20 ans. A mon sens, l’asthme est l’allergie respiratoire la plus grave car elle est responsable de consultations aux urgences et la vie du patient peut être en danger. En France, l’asthme est responsable de quelques milliers de morts par an. Mais la mortalité de l’asthme a été diminuée de 20 % grâce aux traitements. Il est très important que les patients se traitent correctement. On peut aussi faire des œdèmes mais pas tellement liés aux pollens. C’est plus lié à des piqûres d’insectes comme les abeilles et les guêpes, ou à des médicaments ».
Des traitements adaptés
Elle détaille le profil-type des nouveaux patients allergiques : « Généralement ce sont les enfants, les adolescents, les jeunes adultes qui sont touchés. Mais on peut aussi avoir des allergies qui débutent à 50 ans, ou même plus tard encore ». Heureusement des traitements de l’allergie sont possibles : « Il y a d’une part les traitements symptomatiques car il faut traiter les symptômes, comme la rhinite, la conjonctivite ou l’asthme. Quand on arrête son traitement les symptômes reviennent car l’exposition est toujours là. D’autre part, il y a des traitements comme la désensibilisation. Elle va permettre de modifier la maladie, pour qu’on devienne moins allergique, qu’on réponde moins. L’allergologie est devenue bien plus scientifique qu’elle ne l’était il y a 50 ans. A l’heure actuelle, on a bien plus de preuves que cela marche. On a des traitements plus efficaces aujourd’hui ».
Des allergies croisées
Daniela Muti poursuit : « En étant allergique aux pollens, on peut avoir des allergies croisées avec certains aliments. D’une manière générale, pour les graminées il peut aussi y avoir des allergies alimentaires mais qui sont moins fréquentes par rapport aux pollens de bouleau. Le pollen de bouleau donnera plus de réactions alimentaires croisées que les graminées. Mais les graminées en donnent aussi. Le pollen est la cause initiale et dans les aliments il y a des allergènes communs avec le pollen».
Réduire les contacts avec les pollens
Il est difficile d’éviter complètement les pollens mais quelques gestes peuvent s’avérer efficaces : « Pour diminuer l’exposition, on peut faire des gestes simples. Il faut aérer tôt le matin et tard le soir. On peut se laver les cheveux en rentrant le soir à la maison. Il ne faut pas amener les vêtements de dehors dans la chambre parce qu’on peut introduire les pollens. Il ne faut pas sécher son linge dehors ». Enfin, si l’on effectue un trajet en voiture, il est préférable de ne pas baisser la vitre, malgré le beau temps, pour ne pas laisser rentrer le pollen dans l’habitacle.