Le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand a rendu son jugement ce lundi 7 février, dans l’affaire du suicide d’une employée du magasin Carrefour de Thiers. Son ancien supérieur hiérarchique a été condamné à 4 mois de prison avec sursis. La société a été condamnée à verser 50 000 euros d’amende.
Le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand a tranché dans l’affaire du suicide d’une employée du magasin Carrefour à Thiers, dans le Puy-de-Dôme. Viviane avait mis fin à ses jours en 2017. Son ancien supérieur hiérarchique a été reconnu coupable d’homicide involontaire et condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis. Il a également été reconnu coupable de harcèlement moral envers deux autres victimes, caractérisé par des « changements d’horaires » ou encore des « reproches répétés ». Le tribunal, considérant que le manager avait agi « dans le cadre d’un litige de nature personnelle » condamne la société Carrefour à une amende délictuelle de 50 000 euros. La société devra également afficher la décision dans tous les supermarchés du Puy-de-Dôme pendant un mois.
" Le tribunal reconnaît la souffrance de la victime et la responsabilité de Carrefour dans son suicide"
L’avocate de la partie civile Me Clémence Marcelot a réagi : « On a à la fois une condamnation du supérieur hiérarchique et de la société Carrefour au titre de l’homicide involontaire, mais je suis partagée parce que j’ai l’impression qu’on les a dédouanés d’infractions dont ils étaient à mon sens responsables. L’idée d’avoir une condamnation pénale devrait soulager la famille, il y a l’idée d’une page qui se tourne. Les responsables du décès de Viviane ont été condamnés. Je ne sais pas en revanche si la peine et suffisamment importante pour apaiser leur peine. Carrefour a écopé de 50 000 euros d’amende, c’est beaucoup pour un particulier mais pour une société de la taille de Carrefour, je ne suis pas sûre que ce soit si important que ça. Le tribunal reconnaît la souffrance de la victime et la responsabilité de Carrefour dans son suicide, puisqu’ils sont condamnés pour l’homicide involontaire mais pas pour le harcèlement qu’elle a vécu au quotidien. Ça m’interpelle. »
Suite à ce jugement, la société indique dans un communiqué que « la direction du magasin ainsi que le manager de caisse ont changé ». Carrefour se dit « profondément affecté par l’acte désespéré de cette collaboratrice » et précise qu’un dispositif d’écoute et de soutien psychologique confié à l’association EIPAS a été mis en place à la suite des faits, « afin d’accompagner au mieux ses collaborateurs […] Ce dispositif est toujours en place aujourd’hui et est devenu un outil pérenne de prévention des risques psychosociaux au sein du magasin de Thiers. Il s’ajoute au dispositif mis en place au niveau national par Carrefour Hypermarchés. » L'enseigne dispose de 10 jours pour faire appel de cette décision. Une amende de 100 000 euros avait été requise contre la société Carrefour pour "homicide involontaire".
Des faits qui remontent à 2017
Le 3 avril 2017, Viviane M., 46 ans, avait mis fin à ses jours à Vollore-Ville (Puy-de-Dôme). Cette hôtesse d'accueil employée depuis 27 ans au magasin Carrefour de Thiers, avait laissé une lettre mettant en cause son environnement professionnel et le harcèlement moral dont elle disait être victime. Une enquête de l'inspection du travail avait corroboré ces faits de harcèlement et l'entreprise a déjà été condamnée pour "faute inexcusable" par le pôle social du tribunal judiciaire le 25 novembre dernier (elle a fait appel). "Il résulte de l'audition des salariés que l'ambiance générale dans le magasin de Thiers était très mauvaise et ce depuis plusieurs années", avait souligné dans son jugement le pôle social. "L'organisation mise en place par la direction a provoqué des tensions entre collègues", ajoute-t-il évoquant "des situations de favoritisme" entre les hôtesses ou au contraire "de représailles (changement d'horaire, surveillance, refus d'attribution de congés)" de la part de la direction et du manager contre d'autres employés. Les comptes-rendus de plusieurs CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) avaient fait état de risques psychosociaux.