Tarif progressif du prix de l'eau : les vendeurs de piscines ne veulent pas être des "boucs émissaires"

Jeudi 30 mars, Emmanuel Macron a présenté une cinquantaine de mesures pour améliorer la gestion de l’eau. Il a défendu la généralisation d’une « tarification progressive » de l’eau pour « les consommations de confort ». Le secteur des professionnels de la piscine nourrit quelques inquiétudes.

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Lors de la présentation de son « plan eau », jeudi 30 mars, le président de la République Emmanuel Macron a défendu la généralisation d’une « tarification progressive » de l’eau. « Depuis 2017, nous avons lancé des expérimentations sur cette tarification de l’eau et nous souhaitons, en concertation avec les élus, que cette tarification progressive et responsable de l’eau soit généralisée en France. Ça ne veut pas dire que le prix de l’eau va augmenter », a expliqué Emmanuel Macron. Cependant, il a indiqué : « Au-delà d’un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé, et c’est normal pour les consommations que j’appellerai de confort. Et pour inciter à la sobriété ». Parmi les consommations de confort, les piscines privées. Elles ont été pointées du doigt au cours de l’été 2022 et de sa sécheresse exceptionnelle.

Jean-Hugues Buisson est le gérant d’une entreprise de construction de piscines à Clermont-Ferrand. Il s’inquiète d’une flambée du prix de l’eau : « Je ne sais pas ce qu’on va raconter à nos clients, qui ont parfois économisé tout une vie pour se payer un petit coin de paradis. Nos carnets de commande sont déjà pleins mais si on nous met des bâtons dans les roues, on tombera, c’est sûr. Après le COVID, on était sur des augmentations de chiffre d’affaires incroyables ». Il rappelle que les professionnels du secteur ont changé de discours auprès de leurs clients : « Si on est un bon piscinier, on va indiquer au client qu’on ne jette jamais son eau. Le premier remplissage est important. Une fois qu’on gère bien l’eau, on n’a pas à changer d’eau. Quand on change l’eau c’est qu’on a mis du chlore à outrance. L’électrolyse au sel le remplace aisément ».

Des conséquences pour les constructeurs

Fabrice Poirier est lui aussi gérant d’une entreprise de construction de piscines à Mozac, près de Riom, dans le Puy-de-Dôme. Il nourrit quelques inquiétudes : « Si la tarification progressive de l’eau était décidée, cela nous impactera forcément. J’ai quelques craintes. C’est sûr que cela ne va pas nous aider ». Il insiste sur les efforts entrepris dans son domaine : « Il y a des économies d’eau qui ont été réalisées. Je vends un système d’eau en circuit fermé : on travaille et on recycle toujours la même eau ». Fabrice Poirier ne veut pas que les pisciniers deviennent des « boucs émissaires » : « On est pointés du doigt mais il faudrait que les gens réfléchissent et soient conscients des chiffres de perte d’eau dans les réseaux d’eau potable : c’est 2 à 3 000 fois la quantité d’eau utilisée pour remplir les piscines des particuliers. Il faudrait travailler sur le vrai problème de fond ».
Lors de l’annonce de son plan eau, Emmanuel Macron a évoqué des investissements importants à faire pour réduire les fuites (170 collectivités points noirs avec des taux de fuites supérieurs à 50%) et pour sécuriser l’alimentation en eau potable (notamment les 2 000 communes ayant connu des tensions en 2022), 180 millions d'euros par an d’aides supplémentaires des agences de l’eau dédiées au petit cycle de l’eau, conditionnés à une amélioration durable de la gestion de leur patrimoine.

Une mesure qui inquiète 

Même discours au sein de la FPP (Fédération des professionnels de la piscine et du spa). Gilles Mouchiroud en est l’administrateur. Il explique : « Cette mesure de tarification progressive semble nécessaire puisque les experts indiquent qu’elle permettrait d’économiser 12 % d’eau sur le territoire national. Mais elle nous inquiète car la piscine représente une faible consommation d’eau. On n’utilise que 0,15 % de la consommation annuelle d’eau. Je pense que les familles les plus riches seront les moins touchées. On a constaté que 23% des familles qui réalisent une piscine sont des ouvriers et des salariés ». Gilles Mouchiroud indique que le sujet de la gestion raisonnée et durable de l’eau est travaillé de longue date par les professionnels du secteur et leurs clients : « On discute des bonnes pratiques avec nos clients pour réduire les pertes d’eau. Nous restons attentifs car la réalisation d’une piscine ne doit pas représenter une consommation d’eau excessive. Nous sommes en train de travailler avec des préfets de départements déjà touchés par des mesures de restriction, comme les Pyrénées-Orientales, le Var, les Bouches-du-Rhône ou les Alpes-Maritimes. Nous insistons sur les économies d’eau et nous mettons des rappels forts à la profession pour couvrir sa piscine, ne pas hiverner, utiliser des réducteurs stabilisants, pour consommer encore moins d’eau. On a diminué par quatre le volume d’eau en vingt ans, pour les piscines ».

Une gestion "raisonnée de l'eau"

L’administrateur de la FPP détaille les efforts réalisés : « Une piscine ne se vide pas. C’est aujourd’hui 25 à 30 m3 contre 120 m3 il y a 30 ans. Une piscine est filtrée, désinfectée. On ne jette pas l’eau à l’égout comme cela. Pour éviter l’évaporation, on peut mettre une bâche. On va essayer de maintenir un bon équilibre de l’eau, avec un bon PH pour que les produits désinfectants aient une meilleure efficacité. Dans la baignade, on privilégie une baignade plus ludique que sportive pour éviter les pertes d’eau. Ce discours est rappelé à nos clients. Depuis 20 ans, ma fédération se préoccupe d’être plus écoresponsable ». Il conclut : « On rappelle qu’il ne faut pas se tromper de combat. Entre 20 et 25 % des réseaux publics fuient donc la consommation d’eau est beaucoup plus importante. S’il manque d’eau dans certains départements, il y en a dans d’autres. A nous d’éduquer nos clients pour qu’ils soient les moins consommateurs d’eau possibles. Le secteur représente 3 milliards de chiffre d’affaires par an, plus de 3 millions de piscines enterrées en France. On compte 60 000 emplois directs et indirects. Il est important de préserver les emplois, surtout dans les entreprises les plus petites ». Gilles Mouchiroud souligne qu’en 20 ans, la consommation d’électricité a été baissée par 4 et le chauffage par 9, dans le cadre de la construction de piscines individuelles.

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