Ils se sont déplacés dans la nuit : des dizaines de personnes, expulsées des hébergements d’urgence de Clermont-Ferrand, avaient trouvé refuge place du 1er Mai. Pour échapper à la multiplication des contrôles d’identité et de leurs tentes, ils se sont déplacés sur le parvis de la Maison du Peuple vendredi 12 avril, demandant “l’asile municipal” à la mairie.
Plusieurs dizaines de personnes, sans solution d’hébergement, campent ce vendredi 12 avril devant la Maison du Peuple à Clermont-Ferrand. Installés sur l'esplanade au niveau du parking, ils demandent l’asile municipal. Une demande dont s’est fait relais la députée du Puy-de-Dôme Marianne Maximi (LFI). Dans un communiqué, elle indique : “Cet après-midi (jeudi 11 avril, NDLR), nous étions 350 à souhaiter pour ces familles un hébergement digne et la fin des menaces répétées de la part de la préfecture et des forces de l’ordre. Ces dernières semaines, la préfecture du Puy-de-Dôme a expulsé des hébergements d’urgence plusieurs dizaines de familles dont une trentaine d’enfants qui ne demandent que d’aller à l’école et d’avoir un logement où dormir.” Les associations sur place demandent des solutions pour ces familles.
Un accueil proposé
Le préfet du Puy-de-Dôme, Joël Mathurin, indique que le dispositif d'hébergement d'urgence compte 1 750 places. “L'hébergement d'urgence, comme son nom l'indique, permet d'accueillir les personnes qui sont sans-abri et ensuite proposer une orientation pour les personnes. L'objectif est de les sortir de l'hébergement d'urgence pour leur proposer un logement social ou des centres d'accueil des réfugiés pour les personnes qui sont déboutées du droit d'asile. Quand on demande l'asile en France, on peut avoir un refus. Quand on est débouté, la proposition que je fais systématiquement, c'est un accueil dans un centre d'hébergement pour préparer le retour.”
Il y aura de la place pour tous ceux qui veulent, toutes les personnes qui veulent être hébergées ou préparer au retour.
Joël Mathurin, préfet du Puy-de-Dôme
Il affirme que les personnes auxquelles le droit d’asile a été refusé, et qui sont actuellement sans-abri, se sont vu offrir une place dans ce centre : “Au moment où je vous parle, j'ai 30 places de libre dans le centre d'hébergement pour les déboutés de l'asile, pour préparer le retour dans leur pays d'origine, puisqu'elles ont eu un refus de séjour. Évidemment, pour les personnes, c'est une situation où il faut faire un deuil d'un projet d'installation en France. C'est la raison pour laquelle nous proposons, dans la dignité, une place systématique dans un centre d'hébergement pour préparer le retour. Je suis donc allé sur la place du 1er Mai avec mes équipes. Elles ont été proposer systématiquement aux personnes cet accueil.” Le préfet est formel, aucune de ces familles ne sera laissée sans toit : “Il y aura de la place pour tous ceux qui veulent, toutes les personnes qui veulent être hébergées ou préparer au retour. Nous dégagerons des moyens pour qu'elles soient hébergées dignement.”
"Il y a une solution"
Il indique également que certaines personnes auraient refusé de venir s’installer dans le centre d'hébergement : “Elles ne veulent pas être dans la logique de la préparation au retour. C'est leur droit. Mais nous reformulons cette proposition. Toutes les personnes qui sont déboutées ont vocation à être accueillies et à être hébergées dignement. Les enfants seront scolarisés, sans conséquence de la situation administrative de leurs parents, jusqu'à la dernière heure du départ. Je le redis, pour les familles, il y a une solution, dans la dignité. Être sous une tente, ce n'est pas la dignité”, martèle Joël Mathurin.
Donner du "répit" aux sans-abris
Mais pour la députée Marianne Maximi, la pression exercée par le préfet est responsable du déplacement de ce camp de fortune : “La politique de harcèlement mise en vigueur par le préfet du Puy-de-Dôme à l’égard des familles étrangères les a conduit, avec les collectifs et les habitants, à se réfugier à la Maison du peuple.” Pour Daniel Pagès (Réseau Education Sans Frontière), cela donne un peu de répit aux familles : “Ce n’est pas une situation qui va durer. Le but c'est de mettre les gens à l'abri. L'objectif était de les soustraire à la pression policière et à la pression du préfet. Les incursions des services de la préfecture ou de la police de l'air et des frontières sur la place du 1er Mai faisaient que gens avaient peur. Ils se sauvaient.” Selon lui, ce lieu est moins facilement accessible pour les services préfectoraux : “Ça leur donne un peu de répit parce que la police ne peut pas venir comme elle veut ici. Ce n'est pas sûr qu'on les laisse rentrer.”
La lutte continue pour le droit d'avoir un toit au-dessus de la tête.
Daniel Pagès, RESF
L'objectif est également de “maintenir la pression” sur la préfecture pour qu'elle “arrête de vider les hébergements d'urgence et réinstalle ces gens dans l'hébergement d'urgence, auquel certains ont droit”, affirme Daniel Pagès. Il raconte : “On a déjà des jeunes qui sont arrivés hier, ils sont Afghans, ils sont en France depuis quelques mois, ils sont en demande du statut de réfugié. Ils sont en situation tout à fait légale de demandeur d'asile et, à ceux-là, l'État doit l'hébergement, c'est la loi. Ils (les services de la préfecture, NDLR) viennent intimider les gens, ils viennent poser des questions dont ils ont déjà les réponses puisque c'est eux qui ont mis les gens à la rue. Ils veulent connaître leur statut mais ils le savent. Par contre, s'ils viennent et qu'ils nous demandent s’il y a parmi eux des demandeurs d'asile, on leur dira qu’ils peuvent rapidement les héberger, ce qu'ils ont fait hier. Il y a une dame qui est partie, mais ça faisait 2 mois qu'elle vivait dans la rue. La lutte continue pour le droit d'avoir un toit au-dessus de la tête.”
L'asile municipal
L’association est également en contact avec la mairie, en charge de la gestion de la Maison du Peuple, pour trouver des solutions : “Ils savent qu'on est là, ils ne sont pas en colère contre nous, il n’y a pas de problème. Les organisations syndicales qui sont dans la maison savent qu'on est là, les RG, les renseignements généraux savent qu'on est là puisqu'ils sont passés ce matin”, affirme Daniel Pagès, insistant sur le fait qu’il s’agit d’une solution “temporaire”. Le maire (PS) de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi n’a pas souhaité s’exprimer sur cette situation.