Végétarien ou vegan : un mode de vie qui fait recette à Clermont-Ferrand

A Clermont-Ferrand, de plus en plus de restaurants proposent au menu une option végétarienne. Des cuisiniers, une chef d’entreprise et une jeune femme vegan nous expliquent pourquoi ils ont constaté une évolution des mentalités sur le sujet.

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Dire adieu à la viande et au poisson, voire au lait et aux œufs, un choix que de plus en plus de Français ont adopté. D’après une enquête réalisée par FranceAgriMer en 2018, reposant sur des échantillons représentatifs de quatre pays européens, 12 % des 18-23 ans se disent végétariens, contre 2 % des plus de 55 ans (pour 5,2 % des Français au total – ils étaient 0,7 % en 1998, selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, Crédoc). 

Trois courants principaux

On distingue ainsi trois courants principaux :

- végétarien  : abstention de la viande, du poisson, mais consommation des œufs, du fromage, du lait ;
- végétalien  : abstention de la viande, du poisson, mais aussi de tous les produits laitiers et des œufs. Ne mange que les céréales, les légumes et les fruits ;
- vegan : qui s’efforce de vivre sans consommer de produits issus de l’exploitation des animaux, au profit des animaux, des gens et de la planète. Les vegans se nourrissent d’un régime à base de légumes, avec rien qui soit issu des animaux – pas de viande, ni œufs ou de miel par exemple. Un style de vie vegan évite aussi le cuir, la laine, la soie et autres produits animaux pour se vêtir ou pour tout autre usage.

Le témoignage d'une vegan

Pour Alicia Cuerva, éditrice de 30 ans qui vit à Clermont-Ferrand, l’arrêt de la viande et du poisson s’est fait par étapes. Tout est parti d’une prise de conscience suite à un voyage à l’étranger. Elle raconte : «  Je suis vegan depuis 2016 et avant cela, j’étais végétarienne depuis 2014. J’ai effectué un voyage en Amérique du sud et je me suis rendu compte de l’impact de l’agriculture sur les populations locales. Les populations autochtones étaient éjectées de leur sol. J’ai vu cela de mes propres yeux en voyageant. Je me suis dit que cela ne servait à rien de cautionner cela. J’ai donc arrêté de manger de la viande. Ca a été un déclic. Au départ, je n’avais pas conscience du bien-être animal, c’était plus une question écologique. Au Brésil, j’ai pu voir l’impact des cultures de soja notamment ».

"Cela n’a pas été si difficile que ça de devenir végétarienne"

Alicia Cuerva n’a pas rencontré de grandes difficultés en changeant de régime alimentaire : « Cela n’a pas été si difficile que ça de devenir végétarienne. La seule chose qui était compliquée était au niveau familial. Il fallait faire accepter à la famille certains choix. Ensuite, je suis devenue vegan car j’ai rencontré quelqu’un qui m’a fait découvrir le véganisme. Au départ, j’étais plus végétarienne par conviction écologique et quand cette personne m’a demandé si je buvais encore du lait, si je mangeais du fromage, j’ai commencé à me renseigner. J’ai vu qu’il était tout à fait logique d’arrêter tous les produits qui viennent des animaux ». Elle a finalement opté pour le véganisme : « Le véganisme est un mode de vie où on préconise des achats qui n’impliquent aucun élément qui provient des animaux, aussi bien leur chair que leurs sécrétions. On n’achète ni cuir, ni miel, ni œuf. Tout ce qui provient d’un animal est banni de notre porte-monnaie ».

Lutter contre les préjugés

La jeune éditrice veut combattre quelques idées reçues sur son régime alimentaire : « On pense souvent que l’on ne mange quasiment rien mais il y a une quantité immense de protéines dans le règne végétal, avec les légumineuses, certains légumes, certains fruits secs. La clef est d’avoir une alimentation qui est bien diversifiée. Je ne fais pas forcément attention à me dire que je n’ai pas mangé de protéines aujourd’hui car je sais que très régulièrement, je vais manger des pois chiches, des lentilles. J’adore cuisiner et bien souvent, j’arrive à surprendre ma famille. Je leur fait des lasagnes, des cheesecakes, des plats vegan. Parfois, ils préfèrent même cette version vegan à la version classique. On peut être créatif. Ce n’est pas une alimentation qui est triste et qui manque  de goût, bien au contraire ».

Des compléments nécessaires

Pour sa santé, Alicia Cuerva doit prendre des compléments. Elle explique : « Un végétalien est obligé de se supplémenter en vitamine B 12. C’est quelque chose que je fais deux fois par semaine, par le biais de petites gélules. Je n’ai jamais fait de tests sanguins pour savoir si j’ai des problèmes de carences. Je suis tellement en bonne santé que je pense que je n’ai pas de problèmes. Je ne ressens pas de fatigue et je suis très rarement malade donc je pense que c’est le signe que tout va bien ».

"Aujourd’hui quand je dis que je suis vegan, les gens ne me regardent plus autant de travers "

Au fil des années, la jeune femme a observé une mutation des mentalités sur la question du végétarisme : « Je suis arrivée à Clermont-Ferrand fin 2012. Depuis cette date, j’ai remarqué une grande différence dans les restaurants. Même des établissements qui ne sont pas 100 % végétariens ou vegan s’y mettent. Il y a de plus en plus une option adaptée à ces régimes alimentaires et ça fait plaisir de voir que les restaurateurs sont ouverts à ce genre d’évolutions. Les mentalités changent. Aujourd’hui quand je dis que je suis vegan, les gens ne me regardent plus autant de travers ». Alicia Cuerva poursuit : « Quand je suis invitée, on arrive à respecter mon choix. Je cuisine aussi pour faciliter la tâche des personnes qui m’invitent. Soit je leur donne une recette qui peut être compatible avec les deux régimes, par exemple en mettant la viande dans une autre assiette. J’en profite aussi pour leur faire découvrir des choses un peu hors du commun et les initier à manger différemment. Je n’essaie pas de leur imposer mon choix, j’essaie juste de leur montrer que rien qu’en réduisant sa consommation de viande, on fait beaucoup pour la planète et pour le bien-être animal ».

Un livre de recettes

La trentenaire s’est même lancée dans l’édition d’un livre de recettes : « J’ai écrit un livre de recettes vegan, « Les recettes qui volent ». Il y a quelque chose de très facile à préparer qui bluffe tout le monde, le fromage à tartiner aux graines de tournesol. Il faut des graines de tournesol, de l’huile et du citron. On mixe cela et on ajoute des fines herbes, de l’ail. On obtient une sorte de fromage à tartiner et c’est délicieux ».


Surprendre ses convives, c’est aussi l’objectif que suit Karima Biron, gérante de l’Atelier generous, un restaurant 100 % végétarien de Clermont-Ferrand. Elle-même végétarienne depuis 9 ans, elle s’est lancé le défi d’ouvrir son propre établissement : « J’ai été le 3e restaurant végétarien à ouvrir à Clermont-Ferrand, en 2017. J’ai travaillé avant dans un café végétarien et j’ai toujours voulu avoir mon restaurant. En travaillant là-bas, je me suis rendu compte que ma cuisine plaisait et que je pouvais me lancer ».

Des ateliers très prisés

Très vite, les clients ont répondu présents. Elle prépare des repas végétariens. Elle propose aussi des options vegan, sans gluten et sans lactose, pour essayer de contenter ses clients. Karima Biron souligne : « Ca a très bien marché, dès le début. J’ai aussi mis en place des ateliers de cuisine. Il y a une grosse demande de personnes qui veulent apprendre à cuisiner végétarien. Je pense qu’il y a de plus en plus de personnes qui se posent la question de mieux manger, de mieux consommer, de savoir ce qu’il y a dans leur assiette ». Elle a remarqué qu’elle n’est plus la seule à Clermont-Ferrand à surfer sur la vague du végétarisme : « A Clermont-Ferrand, il y a plusieurs établissements qui ont ouvert sur ce même créneau, mais davantage pour de la restauration rapide ». Son credo est l’inventivité. Karima Biron veut montrer que la cuisine végétarienne n’est en rien tristounette et pauvre en saveurs : « Je pense que la créativité définit ma cuisine. Il y a les couleurs des légumes, pour créer à l’infini ». La gérante de l’Atelier generous prévoit de sortir un livre de cuisine végétarienne en 2022.

"Les modes de consommation évoluent"

Autre chef à avoir misé sur le végétarisme, Jérôme Bru, qui est derrière les fourneaux du Smorrebrod à Clermont-Ferrand. Son restaurant propose de nombreux plats végétariens dans sa carte. Jérôme Bru indique : « Il y 5 ans, quand on a ouvert, on a fait le choix de proposer une alternative végétarienne. Il y avait des demandes et les modes de consommation évoluent. Il y a une part importante de ma clientèle qui est végétarienne, même si l’ensemble de mes clients ne le sont pas. Les gens sont contents d’avoir le choix, de pouvoir déjeuner ou dîner différemment. Les personnes végétariennes savent qu’il y a une vraie garantie dans notre restaurant car ce n’est pas acquis partout. Il est dommage que les écoles hôtelières ne forment pas assez sur le végétarisme, qui est une partie intégrante de la cuisine. Si vous êtes végétarien et que vous allez dans un restaurant qui ne propose pas cette option, ça devient un casse-tête pour manger ».

Tenter d'être inventif

Lui aussi essaie d’être créatif, tout en se jouant des contraintes : « On ne travaille que des produits de saison et on essaie de travailler en local. J’essaie d’être créatif, avec les légumes, les racines. Les céréales sont aussi un joli terrain de jeu. Ici on a des productions de pois chiches locales, des épeautres, des orges perlés, des lentilles blondes, des pois carrés, les pois blonds de la Planèze. On peut trouver de nombreuses recettes, des textures différentes. Il y a aussi les graines et les laits végétaux. On enlève le beurre, la crème, le lait de nos préparations. On travaille aussi beaucoup les aromates, les épices ».

Une entreprise qui innove

A quelques kilomètres de là, à Riom, Marie Daumail est la gérante de Vegedome. Elle raconte : « J’ai créé Vegedome il y a 3 ans et demi. C’est une société qui fabrique des produits pour le goûter et le petit-déjeuner, en 100 % bio et végétal. Je n’utilise que des amandes et des noisettes. Il s’agit d’une fabrication artisanale. Je n’utilise que des produits que vous auriez dans votre cuisine. Il n’y a aucun ajout de texturants, de conservateurs, de colorants, d’arômes. Les produits sont vendus dans des magasins bio, des magasins de vente en vrac, des épiceries fines, des restaurants ». La gérante explique comment elle a eu l’idée de créer son entreprise : « J’ai été élevée aux laits végétaux. Mes parents avaient de fortes convictions là-dessus. Toute petite, j’ai bu du lait de soja. Puis on a découvert le lait d’amande, le lait de noisette, le lait d’épeautre. En grandissant, j’ai vu qu’on pouvait les faire soi-même. Je me suis renseignée et j’ai vu que ça n’existait pas du tout en fabrication artisanale. Je me suis dit que ça pouvait être une idée. Je suis passionnée par la nutrition et je voulais travailler dans ce domaine. Avec mon conjoint, j’ai commencé à créer des recettes. J’ai fait goûter à mes proches. J’ai parlé de mon projet à la chambre des métiers et de l’artisanat alors que je suivais des études en nutrition. J’ai été très bien accueillie. J’ai arrêté mes études et je me suis lancée dans la création de Vegedome ».

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"Je suis la seule en France à faire cela"

Trois ans plus tard, l’entreprise se porte bien et affiche en 2020 un chiffre d’affaires de 75 000 euros. La gérante vise les 100 000 euros cette année. « J’ai une salariée. On a 200 points de vente en France. Je suis la seule en France à faire cela. J’ai énormément de demandes. Ca plaît beaucoup » confie Marie Daumail. Elle aussi a remarqué une évolution des comportements : « Il y a beaucoup de végétariens et de végétaliens qui consomment nos produits, ainsi que des gens allergiques. J’ai senti qu’il y avait un coup à jouer car ce sont des produits qui se développent de plus en plus. Ce sont de nouvelles façons de consommer. J’espère que cela va rester ainsi et que ce n’est pas qu’un phénomène de mode ». La gérante planche sur de nouveaux produits et réfléchit à de nouveaux locaux plus adaptés à la croissance de l’entreprise.

Des écueils à éviter

Mais avant de se lancer dans un régime alimentaire végétarien ou vegan, il faut bien faire attention. Albane Guyonnet est psychonutrionniste à Royat, près de Clermont-Ferrand, ce qui signifie qu’elle met en avant la psychologie dans son approche. Elle rappelle qu’il ne faut pas commencer l’un de ces régimes alimentaires sans prendre quelques précautions : « Il faut à mon sens surveiller son poids car l’apport en protéines peut être insuffisant par rapport à ses besoins. L’un des grands dangers est la dénutrition. Il y a aussi une grande différence entre celui qui ne va manger aucun produit animalier et celui qui consomme des yaourts, du fromage ou du lait. S’il y a une exclusion des produits animaliers et donc des protéines, il faut faire attention. On peut apporter des compléments comme la spiruline ou les poudres de protéines. Il faut aussi prendre de la vitamine B12. Il faut aussi faire attention à ne pas manquer de fer, en prenant des compléments ». Albane Guyonnet conseille un suivi médical : « Quand on se lance dans ce régime, je recommande de faire un bilan sanguin pour voir s’il n’y a pas des carences. Ensuite, il faut réévaluer les choses au bout de trois à quatre mois ». Ainsi, lorsqu’on choisit de devenir végétarien ou vegan, un avis médical peut être utile, afin d’éviter toute carence.

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