Le nom vous est sans doute familier. Vercingétorix, héros à Gergovie, défait à Alésia, ennemi juré de Jules César, est le symbole du valeureux gaulois. Pourtant, on dispose de peu d’informations fiables à son sujet. Voici 5 faits et théories que vous ignoriez peut-être.
Personnage emblématique du premier siècle avant J-C, Vercingétorix suscite partout en France un vif intérêt. Chef du peuple arverne, qui résidait en Auvergne actuelle, quand la France était encore la Gaule, il est connu pour avoir tenu tête à Jules César lui-même, avant d’être finalement vaincu à Alésia. Très connu, il est l’objet de beaucoup de fantasmes et de croyances, d’autant que l’on dispose de peu d’écrits d’époque à son sujet. Arnaud Pocris, directeur culturel du musée de Gergovie près de Clermont-Ferrand, dévoile quelques secrets et théories méconnus sur Vercingétorix.
1. Vercingétorix ne se prononce peut-être pas comme on le pense
Il existe de nombreuses zones d’ombres autour de ce personnage historique, à commencer par son nom même, Vercingétorix. Arnaud Pocris explique : “C’est un nom qui apparaît dans le texte de Jules César sur la guerre des Gaules. C'est aussi un nom qui apparaît sur des pièces de monnaie qui le représentent et qui ont été frappées au cours de l'année 52 avant Jésus Christ, au moment où Vercingétorix prend le pouvoir chez les Arvernes. Il rentre en rébellion contre César et ses légions. Les Gaulois n'ayant pas leur propre alphabet, ils utilisent des lettres latines pour écrire leur nom, et notamment le nom de leur chef sur leur monnaie. Si on tient compte de la prononciation latine, ce serait plutôt prononcé “Wer-kine-guéto-rix" On n'a pas de certitude absolue, mais d'après les linguistes qui s'intéressent au sujet, Vercingétorix veut dire “Grand roi des guerriers”.” Ce nom qui prévoit un destin glorieux au chef, n’est pas dû au hasard : “Au cours de l'année 52 avant Jésus-Christ, on peut dire que c'est un nom prédestiné. C'est un nom qui, peut-être, décrit sa future fonction militaire. S'il est devenu chef de cette rébellion, ce n'est pas un hasard. Il est issu de l'élite du peuple Arverne, une aristocratie guerrière pour qui le métier des armes n'est pas étranger. Sa destination en tant que fils de d'aristocrate était effectivement d’avoir à commander, à un moment, à des guerriers, d'où ce nom, Vercingétorix.”
2. Vercingétorix ne ressemblait (probablement) pas à un barbare
Il y a très peu de témoignages sur la vie de Vercingétorix et encore moins sur son apparence, explique Arnaud Pocris : “On n’a qu’un témoignage écrit par quelqu'un qui l'a côtoyé, c'est celui de César qui décrit Vercingétorix au cours de l'année 52 avant Jésus Christ. C'est son ennemi, il va le dépeindre d'une manière qui sert ses intérêts. Il n'y a pas du tout de description physique. Il évoque seulement le fait qu'il était effrayant. À partir de ce texte écrit par Jules César, d'autres auteurs grecs et latins ont écrit et ont brodé autour de cette histoire. Ils vont essayer de donner un côté un peu plus romanesque au personnage. C'est ce qui va progressivement permettre aux historiens du XIXème siècle, et ensuite aux peintres, sculpteurs, de donner des représentations de Vercingétorix avec les cheveux longs, avec une moustache, avec un air de barbare.”
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Mais il est possible et même probable que l’apparence du Gaulois ait été toute autre ! “Aujourd'hui, grâce à l'archéologie, aux connaissances que l'on a notamment sur cette classe sociale des aristocrates du premier siècle avant Jésus Christ, des aristocrates gaulois, on peut peut-être revenir sur cet aspect. Son apparence était certainement plus proche de ce à quoi pouvait ressembler un noble Romain qu’un Gaulois tel qu'on l'imagine, comme un grand guerrier avec des cheveux longs et des grandes moustaches. En fait, l'aristocratie gauloise, au premier siècle avant Jésus Christ, est ouverte sur l'extérieur. Elle a des contacts avec le monde méditerranéen, avec les Grecs, par l'intermédiaire de Marseille, avec les Romains. On peut imaginer que cette élite gauloise calque ses usages sur ceux des Romains avec lesquels ils sont en contact. Par exemple, adopter une coupe de cheveux courte comme les sénateurs romains, avoir le visage intégralement rasé, peut-être avoir le goût du luxe, de la vaisselle précieuse, des bijoux...”
Il semblerait, selon Arnaud Pocris, que Vercingétorix ait pu être assez coquet et aimer les belles choses : “Vraisemblablement, dans cette classe aristocratique gauloise, il y avait une appétence pour tout ce qui peut être de l'ordre de l'apparat. Vercingétorix était donc probablement soucieux de son apparence et soucieux de tout ce qui peut donner une image de son rang. Ce n'est pas un guerrier gaulois qui va s'habiller avec n'importe quelle étoffe. Il va se tourner vers des étoffes de prix, va certainement porter des bijoux qui sont à la hauteur de son rang...”
3. Il pourrait avoir appris l’art de la guerre aux côtés de... Jules César lui-même
Une théorie fait état du fait que Vercingétorix ait pu connaître César avant la guerre des Gaules mais surtout, avoir appris l’art de la guerre à ses côtés : “Cette théorie, assez probable, fait état du fait que Vercingétorix n'a pu tenir la dragée haute à César que parce qu'il connaissait parfaitement les stratégies romaines, le fonctionnement de l'armée romaine, les faiblesses et les forces de la légion romaine pendant la guerre des Gaules. On peut imaginer que Vercingétorix, en tant que jeune noble, fils d'aristocrate, ait pu faire ses armes auprès des Romains, notamment au début de la guerre des Gaules, et pourquoi pas auprès de César ! Il y a un passage, dans un des textes qui décrit la reddition d'Alésia, où César reproche à Vercingétorix de l'avoir trahi. Si Vercingétorix a trahi César, ça veut dire qu'ils étaient en amitié auparavant. Donc ça corroborerait l'idée que finalement, Vercingétorix avait pu être très proche de César”, révèle Arnaud Pocris.
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Il précise : “Au début, les Arvernes sont pas du tout opposés à la présence des Romains en Gaule. Il est fort probable d'ailleurs que les Arvernes aient pu, même, tirer profit de cette présence romaine. Il fallait alimenter cette légion, il fallait leur fournir des provisions, du ravitaillement et pourquoi pas commercer avec eux. Donc les Arvernes ont peut-être pu trouver un certain intérêt à la présence des Romains pendant ces premières années et sceller des alliances.”
4. Des zones d’ombre autour de sa reddition
Vercingétorix s’est rendu à César, mais peut-être pas de la manière dont vous l’imaginez, raconte Arnaud Pocris : “Un élément qui est assez éclairant sur ce mystère, c'est la scène de la reddition d'Alésia. On a tous ce tableau en tête de Vercingétorix qui arrive sur un cheval et qui jette ses armes au pied de César devant Alésia après la défaite. Or, cette image commune à tout le monde est issue d'une description qui a été faite bien plus tardivement par Plutarque, 2 siècles après. Dans le texte de César, qui a vécu les événements, il est simplement dit que Vercingétorix s'est livré. On peut même traduire de deux manières différentes la phrase qu'il utilise. On ne sait pas si c'est lui-même qui s'est livré à César ou s'il a été livré par les autres chefs gaulois. Ce n’est pas du tout cette histoire de Vercingétorix qui arrive en caracolant sur son cheval, qui fait 2 fois le tour du trône de César avant de jeter ses armes à ses pieds. Tout ça a été construit par la suite”.
5. Un chef plus cruel que ce que l’on croit
Loin de l’image du valeureux guerrier sans peur, Vercingétorix pourrait avoir fait preuve de lâcheté, voire de cruauté envers son peuple. Arnaud Pocris décrit le récit fait par Jules César du siègle d’Alésia : “Il parle du fait que Vercingétorix est contraint de faire évacuer de l'oppidum d'Alésia toutes les bouches inutiles, donc femmes, enfants et vieillards. Il les dirige vers les lignes de fortification romaine dans la plaine en comptant que César va les laisser passer. En fait, César ne les laisse pas passer et ils meurent de faim au pied des remparts. Cette scène, elle est assez terrible. Elle montre à la fois à quel point Vercingétorix est aux abois, elle montre aussi un peu l'inhumanité de César. Dans un certain nombre d'autres passages de la guerre des Gaules, il se montre toujours très clément, y compris envers les chefs qui se sont révoltés contre lui. Là, cette scène est un peu particulière, mais elle est là pour montrer la rigueur de ce combat, qui est un peu le combat de la dernière chance pour les peuples gaulois indépendants et un peu le combat de la dernière chance pour les Romains. S'ils sont battus à Alésia, c'en est fini des ambitions de César en Gaule et à Rome.”
Arnaud Pocris nuance cependant : “Il faut toujours prendre ce texte comme celui d'un vainqueur, celui d'un vainqueur qui s'adresse à la postérité romaine. Il faut bien comprendre que César est sans arrêt dans la justification de son action. Il a besoin d'argent, il a besoin de soldats, et cet argent et ces soldats, il est obligé de les demander au Sénat. Il n’est pas tout seul à la tête de Rome, à ce moment-là. Dans ce récit qui est fait des batailles, il lui faut toujours justifier l'emploi de tous ces moyens. L’une des justifications, c'est aussi de montrer à quel point l'ennemi peut être terrible et inhumain, même si César ne se donne pas le très beau rôle dans cette scène.”
Le personnage de Vercingétorix n'est un objet de fantasmes que depuis le XIXe siècle. Auparavant, on s'intéressait très peu à Vercingétorix. Il devient alors l'emblème d'une première victoire et surtout d'une première unité nationale. “Il fait l'union de tous les peuples gaulois qui sont traditionnellement désunis. Cette défaite est présentée comme quelque chose qui n'est pas si mal, une défaite de transition, qui montre qu'on ne se laisse pas faire avant d'être entièrement conquis. C'est ce qui a fondé l'image du chef gaulois qui reste valeureux dans la défaite, qui se bat jusqu'au bout et qui fait sacrifice de son corps pour le bien de tous. Au XIXe siècle, cela n'est perçu que comme un épisode qui va permettre aux Gaulois d'accéder enfin à la civilisation grâce à la conquête romaine, ce qui est vraiment très caricatural puisque la culture gauloise et déjà largement avancée, même à l'époque de la conquête romaine.” Si vous voulez approfondir vos connaissances sur le sujet, rendez-vous au musée de Gergovie.
>>> Retrouvez l'interview de Frédéric Nancel, directeur du musée archéologique de la bataille de Gergovie, dans ce podcast en cliquant ici
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