En automne, les soirées se rafraîchissent et la tentation d’allumer son poêle à bois est de plus en plus forte. Encore faut-il trouver du bois, et c’est là que cela se corse.
Le bois de chauffage semble être devenu une denrée rare, dans le Puy-de-Dôme. Sébastien Vialter travaille dans le secteur de la vente de bois depuis plus de 10 ans. Il fournit du bois à ses clients dans un rayon de 40 km autour de Combronde. Il constate que depuis plusieurs semaines, il a plus de mal à approvisionner sa clientèle. Cela se ressent sur les délais : “C’est particulier parce qu'on a toujours eu un petit peu de délai, mais aujourd'hui on est entre 3 et 6 mois environ. Cela va dépendre de la forte saison. En temps normal, on répond 15 jours à un mois maximum. On en est à multiplier entre 3 et 6 fois le délai.” En plus de la clientèle habituelle, le téléphone et la messagerie de cette entreprise fonctionnent davantage, amenant une nouvelle clientèle qui a du mal à trouver du bois. “Je n’ai pas de chiffres précis mais je pense qu’on a facilement 30 à 40% de clients en plus."
"Le bois répond à la demande"
"On a un bon réseau de fournisseurs”, ajoute Sébastien Vialter, mais la capacité à répondre à la demande est mise à mal. Les clients commandent entre 3 et 20 stères. “Les besoins diffèrent en fonction du mode de chauffage, si c'est de l'appoint ou si c'est du chauffage principal.”. Si la demande explose avec les premiers froids, c’est aussi en raison de l’augmentation du nombre de personnes qui se chauffent au bois : “Il y a de plus en plus de poêles pour différentes raisons. C'est surtout depuis la pandémie. Il y a pas mal de personnes qui sont restées chez elles, beaucoup de télétravail. Avec les problématiques des pouvoirs d'achat, le bois répond à la demande car il est nettement moins cher que les autres énergies. Les gens se sont reportés sur des modes de chauffage plus économiques, plus indépendants du système électrique. Ça nous crée une tension sur l'approvisionnement.”
Des chauffages d'appoint
Les tarifs sont stables, selon lui. “Ils ont fortement augmenté ces 2 dernières années. Actuellement ça s'est stabilisé. Il faut compter aux alentours de 80 à100€ le stère en fonction de la qualité, en fonction des essences et en fonction des politiques d'entreprise.” Thibaut Delaval, employé d’une autre société qui fournit le Puy-de-Dôme, indique ne pas connaître de pénurie, malgré une forte demande : “Nous, on a toujours du bois. Mais effectivement, on a beaucoup de clients, on voit une hausse. Il y a beaucoup de gens qui prennent des petites quantités en petite taille. Ils ont acheté des poêles d'appoint pour limiter leur facture d'électricité.” Depuis le début de l'année, de nombreux particuliers qui n’utilisent pas le bois comme mode principal de chauffage commandent de petites quantités, 2 ou 3 stères.
Pas de pénurie de bois
Malgré une clientèle qui afflue à cette période de l’année, pas de pénurie donc pour Thibaut Delaval. “L'année dernière on a eu des difficultés pour trouver du bois. Cette année il n'y a pas de souci. En revanche, on a un bon mois de délai pour livrer mais à cette époque de l'année c'est normal, c'est la grosse période, septembre et octobre. Il y a beaucoup de demandes. Dès que la rentrée scolaire est finie, c'est là où ça commence.” Les affaires marchent bien : “En nombre de stères, on est à plus de 1 000 par mois.”
Des délais différents selon les zones
Chez Damien Guillot, professionnel dans une entreprise familiale du secteur des Combrailles, même constat : “Les gens qui ne réservent pas le bois à l’avance et qui s’y prennent tard peinent à trouver du bois sec. Après, à la campagne c’est différent, car il y a beaucoup de monde qui en fait en autoconsommation ou bien pour vendre au black.” Maintenant que le froid se fait sentir, il compte entre 10 et 15 jours pour une livraison dans l’agglomération de Clermont-Ferrand. Dans les zones plus rurales où il peut effectuer deux tournées quotidiennes, le délai se réduit à 5 jours.
"Il y a un effet entonnoir"
Ce constat s’étend au-delà des frontières du département. Elle est constatée par l’interprofessionnelle du secteur, Fibois. Nicolas Da Silva, chargé de mission bois et énergie, constate une hausse de la consommation de bois “due à l'engouement du particulier, notamment parce que c'est un combustible qui est économique et écologique par nature.” Selon lui, cette année, “on sent quand même une demande un peu plus forte que d'habitude”. Il nuance : “Il y a un effet entonnoir. Il y a beaucoup de personnes qui n'ont pas forcément pris le temps de commander du bois au printemps, et qui s'engouffrent tous dans la commande. Forcément, ça se bouscule au portillon".
Des différences de prix
Selon lui, les délais habituels estimés à 3 semaines sont passés à 5 semaines en moyenne. Pas de tension liée à une essence particulière ne leur a été signalée. Malgré l’envolée de la demande, les prix ne connaissent pas de hausse notable selon Nicolas Da Silva : “ Les entreprises du bois de chauffage ont augmenté structurellement leurs prix dans les années passées. Là, elles maintiennent un prix de vente.” Pour inciter les clients à commander leur bois plus tôt dans l’année, certaines proposent malgré tout des prix plus attractifs au printemps : “Pour essayer de lisser cet engouement à l'entrée de l'hiver, certains proposent un prix du bois un peu moins élevé au printemps car le bois n’est pas prêt à l'emploi, il demande encore un peu à être séché. Ils augmentent un petit peu leur prix à l'entrée de l'hiver avec un bois qui est prêt à l'emploi et sec.” Cela s’explique aussi par les investissements dans des infrastructures pour stocker le bois.
Pas de tension sur la matière première
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le volume global de bois vendu par les professionnels n’a pas évolué. Les maisons sont mieux isolées, les appareils de chauffage sont plus performants. “Avec moins de bois, on arrive à délivrer autant d'énergie. Le nombre de particuliers, de foyers qui se chauffent au bois augmente, mais la quantité de bois qui est consommée à l'échelle de la région reste stable”. Pour ne pas se retrouver à devoir attendre de longues semaines, et payer parfois son bois moins cher, il recommande de l’acheter au printemps.