Le RN peut-il contester la domination de la Droite dans le Rhône ? La Gauche parviendra-t-elle à conserver son unique canton ? Quel rayonnement pour le Rhône privé de la Métropole de Lyon ? Le débat est lancé pour les principales forces politiques du département. Ce qu'il faut en retenir.
Trois candidats en lice dans le département du Rhône se sont prêtés au jeu du débat sur les questions de budget, de mobilité ou encore des infrastructures. Mais une question prime : comment vit-on dans le Rhône la perte du territoire de la Métropole de Lyon ? Entre perte des trois quarts de sa population et redécoupage territoriale, le Rhône est passé de 54 cantons à 13, voilà six ans.
Ce lundi 14 juin 2021, Daniel Valéro (DVD), Jules Joassard (PS) et Rémi Berthoux (RN), étaient sur le plateau de France 3 Rhône-Alpes pour un débat animé.
Qui sont les candidats ?
Daniel Valéro (LR), maire de Genas, se représente dans le canton de Genas où il avait été élu en 2015 aux côtés de Christiane Guicherd face à un binôme Front National. Pour le scrutin 2021, le conseiller sortant affronte les urnes avec Christine Hernandez. Le binôme de droite fait face à un binôme d'union de la gauche composé de Lucille Gonzalez et Zaher Harir. Egalement en lice, un binôme étiqueté Rassemblement national : Mickaël Dos Santos et Tiffany Joncour.
Jules Joassard (PS) est candidat dans le canton de Saint-Symphorien d'Ozon. Il est en lice avec Chantal Gallo. Trois autres binômes sont en campagne : Jean-Jacques Brun et Mireille Simian pour la majorité départementale; Valerie Allagnat et Gérard Korn (centre droit); Chantal Dubos et Louis Lardet pour le Rassemblement national.
Rémi Berthoux (RN) est candidat dans le canton de Thizy-les-Bourgs, un canton rural du nord-ouest du département du Rhône. Originaire de Bourg de Thizy, il est professeur des écoles à Vénissieux. A 24 ans, il a déjà fait acte de candidature lors des sénatoriales et des élections métropolitaines. Il est numéro 2 du Rassemblement National dans le Rhône. Dans ce canton, il affronte un binôme d'union de la droite et du centre (la sortante Colette Darphin et Patrice Verchère, maire de Cours et Président du COR) et un binôme divers gauche (Pascale Cernicchiaro et Aymeric Hergott).
Une absence très remarquée et critiquée
Le président sortant Christophe Guilloteau est absent du plateau de France 3 Rhône-Alpes. Après avoir répondu favorablement à l'invitation, l'élu LR, candidat à sa réélection dans le canton de Brignais, s'est finalement ravisé et a décliné l'invitation quelques jours avant le débat. En cause : un débat public. Comment ont réagi les trois invités ? Un tour de table.
"Il est en réunion publique ce soir. Le président n'est pas là mais j'espère que vous ne regretterez pas de m'avoir invité à sa place," justifie Daniel Valéro.
Le candidat Rassemblement National, Rémy Berthoux se dit "extrêmement déçu" et ne mâche pas ses mots : "Je crois qu'un président au bout de ses 5 années de mandat doit rendre des comptes auprès de ses administrés."
- "6 années de mandat !", corrige Daniel Valéro, bien décidé à ne rien laisser passer.
"C'est bien dommage. Peut-être que Monsieur Guillotteau a peur. Il a peur sa majorité part divisée dans différents canton ; je pense que monsieur Guillotteau n’a pas eu beaucoup de courage, j'aurais aimé débattre avec lui," poursuit sans se démonter Rémy Berthoux.
"Ce n'est pas très respectueux pour les débatteurs que nous sommes, pour les électeurs de son canton et du nouveau Rhône", regrette Jules Joassard "extrêmement déçu".
Les thèmes du débat
Le Rhône est traditionnellement un bastion du Centre. Michel Mercier l'a d'ailleurs présidé de 1990 à 2013. Le département a basculé vers la droite en 2015. Pour cette élection, des binômes de la Droite et du Centre sont présents dans tous les cantons. La Gauche a peu de chance de l'emporter : elle détient un unique canton, celui de L'Arbresle. Cette force politique va-t-elle parvenir à "sauver le soldat de L'Arbresle"? Sur le Rhône, la gauche réalise de faibles scores; contrairement au Rassemblement National (ex FN) qui n'avait pas réussi à obtenir de sièges lors des dernières élections départementales mais qui s'était maintenu dans presque tous les cantons. Le RN était même premier en nombre de voix en 2015. Parviendra-t-il à décrocher un ou plusieurs cantons ?
1 - les enjeux politiques
Sur la question de la division à Droite, et notamment la défection d'Antoine Duperray (candidat dans le canton du Val d'Oingt) qui a rejoint les rangs du RN, Daniel Valéro assène : "l’entente, elle est parfaite, je n'ai jamais vu une entente aussi parfaite et cordiale qu’aujourd’hui!". Pour le candidat sortant de la majorité présidentielle, le départ d'Antoine Duperray est lié à "une querelle de personne". Ce que conteste fermement le candidat du RN, Rémy Berthoux. Il réplique : "Ce n'est pas une querelle de personnes mais une querelle de valeurs. En fait, Monsieur Guilloteau et Vous-même, vous représentez cette Droite qui trahi ses électeurs et ses valeurs depuis des années. Monsieur Duperray nous rejoint et ça montre la crédibilité que nous avons à gérer des collectivités".
Avec l'intervention de Jules Joassard, le ton est donné et le candidat prêche pour sa paroisse : "Une discussion entre la droite et l'extrême-droite, je ne vais pas forcément la commenter mais dire que la Gauche a de réelles chances. Il n'y a pas de raison que ce département soit voué à être dirigé par la Droite."
Petite précision sémantique, Rémy Berthoux tente de désarçonner l'élu de Sérézin-du-Rhône et enseignant à l'IEP, en lui demandant une définition de "l'extrême-droite", dont il se défend être le représentant. "Un parti dont de nombreux candidats sont convaincus de racisme. Personne ne me fera une diffamation en la matière".
2 - L'autonomie du Rhône, amputé de la métropole de Lyon
Depuis cinq ans, le Rhône a perdu une grande partie de ses habitants. La ville la plus importante du département du Rhône est à présent Villefranche/Saône mais le département est privé de chef-lieu. La cité Caladoise n'est qu'une sous-préfecture, à une quarantaine de kilomètres de sa grande voisine et rivale lyonnaise. Les services du département sont toujours installés à Lyon. Elle est tout de même la capitale du Beaujolais.
Le Rhône était le 4e département en nombre d'habitants avant la création de la Métropole de Lyon. Il est à présent en 55e position. Mais près de la moitié des actifs rhodaniens quittent le département pour travailler dans la métropole de Lyon. "Les questions de déplacement sont au coeur des préoccupations des habitants du Nouveau Rhône," rappelle Jules Joassard. "Ce n'est pas parce que le département s'est désengagé qu'il ne peut pas avoir des ambitions en la matière", ajoute-t-il. Pointés du doigt : le développement des mobilités douces, la défense des petites gares, l'amélioration des routes... autant de questions sur lesquelles "le département a des choses à faire", selon le candidat du canton de Saint-Symphorien d'Ozon.
En terme de mobilité, quid des liens avec le Sytral ? "Si on parle des bus, le canton de Villefranche, comme les six communes de l'ouest lyonnais avec Brindas ou la communauté de communes de l'est lyonnais font déjà partie du Sytral; Et le Sytral va être l'entité qui va s'occuper de tout le département du Rhône et de la Métropole au 1er janvier 2022," explique Daniel Valéro. "Mais on parle d'une compétence qui n'appartient pas au Département. C'est en 2017 que le Département a laissé sa place à la Région. Cette règle de ce nouveau Sytral, c'est encore une fois l'Etat qui l'a mis en place et le Département a été blackboulé", rappelle-t-il.
Faut-il transférer le siège du département à Villefranche/Saône ? Pour Rémy Berthoux, cela n'apporterait rien aux Rhodanien, notamment aux habitants des petites communes rurales, sauf à engendrer des frais supplémentaires.
Pour Jules Joassard, ce n'est pas une priorité. "Il faut sortir de cette crise sanitaire majeure." Les deux autres candidats approuvent. "Faut-il mettre 100 millions pour faire un siège, ou ces 100 millions faut-il les mettre ailleurs ?" ajoute Daniel Valéro.
Mais la séparation ne s'est pas faite sans difficulté et au prix de nombreux ajustements. "Avec le nouveau Rhône, il a fallu s'adapter, réorganiser et s'occuper du personnel qui travaille à Lyon. Il a fallu réadapter tous ces services qui ont été explosés en deux. Et il a fallu travailler main dans la main avec la Métropole de Lyon pour que cette séparation se passe au mieux"?, précise Daniel Valéro.
Bonne ou mauvaise idée cette scission voulue par Michel Mercier et Gérard Collomb ? A l'époque, Jules Joassard n'avait pas vu d'un bon oeil cette opération consistant à "amputer le département d'une partie de sa population, de ses ressources financières et d'une partie de sa dynamique économique". "Je suis de ceux qui disent qu'il faut profiter aujourd'hui de cette taille réduite et de cette agilité pour avoir de nouvelles ambitions. Ce qui n'a pas été le cas ces 6 dernières années".
3 - les enjeux budgétaires
La CANOL a donné un satisfecit à l'équipe sortante du département. L'association a étudié les résultats financiers du Département (Nouveau Rhône) depuis 2015 jusqu'en 2019. "La nouvelle équipe a géré ce département avec des moyens beaucoup plus limités que précédemment dont des dépenses sociales importantes et imposées en mettant fin aux subventions clientélistes et non-contrôlées, (...)" a indiqué la CANOL dans ses conclusions. Soulignant la bonne gestion de la collectivité, elle ajoute : "les dépenses de fonctionnement ont fortement diminué, de même que les frais de personnel. Les subventions ont baissé de 25%." Elle précise également : "A la fin de ce mandat, la situation de la collectivité est saine et les orientations budgétaires 2021 sont également sous le signe d’une gestion rigoureuse". Qu'en pensent les candidats ?
Sur les baisses de subventions, Jules Joassard condamne et cite la candidate Sheila McCarron (candidate sortante de gauche du canton de L'Arbresle) : "A un moment, il n’y a plus ni gras, ni maigre, et quand même l’os est rongé, on attaque l’essence même des services du département, de ses services publics locaux, l'essence même des services qu’attendent les administrés".
Le département du Rhône est dynamique car sa population est dynamique.
A propos des subventions clientélistes : "Christophe Guilloteau a souvent pris la parole pour dire qu'il n'était pas d'accord avec la présidence de Michel Mercier". A propos de la baisse des subventions : "le rapport de la CANOL compare 2015 à 2019"... "Mais nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons mis en place", précise-t-il après avoir énumérer les actions de la présidence sortante pour le monde associatif.
Pour Rémi Berthoux, l'Etat doit reprendre la main sur les charges sociales trop lourdes pour les collectivités locales : "elles doivent redevenir une compétence de l'Etat pour que les départements aient une bouffée d'oxygène. Le département est asphyxié par les charges sociales qui représente la moitié de son budget".
"C’est la raison d’être du département cette action sociale, A tous les âges de la vie, il faut protéger les gens," intervient Jules Joassard.
"On est obligé d'aider les gens, mais il faut aider ceux qui en ont vraiment besoin", précise Daniel Valéro. Concernant la question du RSA, la charge s'est alourdie sur le département avec la crise Covid malgré une économie de 12 millions d'euros réalisée par l'équipe sortante, notamment via des contrôles de fraude. "Le RSA était à 29 millions d'euros à l'année en 2015, à 36 millions aujourd'hui."
Sur la question du RSA Jeunes pour les 18-25 ans, Rémy Berthoud est catégorique :"Je veux vivre d'une profession; la jeunesse, il faut l’aider à trouver un emploi". Daniel Valéro se dit également "contre" le RSA Jeune.
Augmenter les impôts fonciers pour avoir plus de latitude financière, ce n’est pas vraiment un sujet tabou pour le candidat de gauche : "La latitude financière peut être trouvée ailleurs que dans les hausses d’impôts mais c’est une option qu’il ne faut pas s’interdire," explique Jules Joassard. De son côté, Daniel Valéro l'assure : les hausses d'impôts ne sont pas au programme.
Voir ou revoir le débat
Pour le premier tour de scrutin du 20 juin 2021, 41 binômes seront en lice dans le département du Rhône pour les 13 cantons. 26 sièges sont à pourvoir. Les tendances politiques représentées seront au nombre de quatre. La droite alliée au centre, la gauche unie (avec les écologistes), le Rassemblement national. La République en Marche présente un unique binôme.