En Auvergne-Rhône-Alpes, la Région prévoit une augmentation des tarifs jusqu'à 8% pour les TER et le Léman Express à partir du 1er janvier 2023. Une hausse supérieure à l'inflation.
Face aux prix élevés des carburants, les automobilistes qui pensaient abandonner leur voiture au garage pour se rabattre sur le train vont peut-être revoir leurs plans. En Auvergne-Rhône-Alpes, la Région dirigée par le parti Les Républicains a décidé une nette hausse des tarifs à partir du 1er janvier 2023 pour le réseau TER et le Leman Express. Dans le détail, les prix des billets vont augmenter de 2,95% pour les abonnés et de 8% pour les usagers occasionnels. Cette augmentation sera votée lors de la prochaine séance plénière fin octobre.
Plus difficile de se passer de la voiture que du train
En pleine crise de l'énergie, qui devrait se poursuivre dans les prochains mois en raison de la guerre en Ukraine, à quoi s'ajoute la pénurie plus temporaire de carburant en France à cause de la grève des personnels de six des sept raffineries en activité, cette hausse des tarifs des trains régionaux ne risque t-elle pas de décourager des habitants de la région d'emprunter les transports en commun plutôt que l'autoroute ?
"Les hausses progressives de prix sur le long terme ont peu d'effets sur les moyens de transport que nous empruntons, juge Alexandre Rigel, chercheur spécialiste des mobilités à l'Ecole urbaine de Lyon. Après, à court terme, une hausse brutale des prix crée un petit trouble. Surtout pour les transports en commun, dont l'attractivité est moindre que la voiture ou le vélo".
À l'inverse, la majorité des automobilistes dépend tellement de la voiture pour se déplacer, que la flambée du prix des carburants ne pousse qu'à la marge les Français à laisser leur véhicule au garage. "Il est beaucoup plus difficile de se passer de la voiture pour beaucoup de monde. Seuls les ménages vraiment en difficulté financière vont rogner sur leurs déplacements en cas de hausse des prix de l'essence", poursuit Alexandre Rigel.
Quand on regarde la fréquentation des lignes de TER, chaque hausse des prix de l'énergie est marquée par une hausse du nombre d'usagers dans les trains
Nicolas Peynardprésident de l'antenne régionale de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports
Cette hausse du prix des TER et du Leman Express pourrait donc décourager des habitants d'Auvergne-Rhône-Alpes qui hésitaient à troquer leur voiture pour le train sur certains trajets, comme pour se rendre sur leur lieu de travail par exemple.
"C'est courant d'avoir des hausses de tarifs pour le train et c'est normal. Mais pour les usagers occasionnels, la hausse des tarifs en 2023 dépassera l'inflation", regrette Nicolas Peynard, président de l'antenne régionale de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT).
Pour ce dernier, la hausse des prix risque de priver le réseau TER de cette hausse mécanique du nombre d'usagers. "Dans le contexte actuel, quand on regarde la fréquentation des lignes de TER, chaque hausse des prix de l'énergie est marquée par une hausse du nombre d'usagers dans les trains. Cela suit l'évolution du prix des carburants de manière assez automatique. Donc aujourd'hui, on pourrait s'attendre à avoir une hausse du nombre de passagers. Mais chaque nouvel usager, avant d'être un passager régulier, est d'abord un utilisateur occasionnel. Donc la forte hausse des prix pour les usagers occasionnels pourrait les dégoûter de prendre le train", développe Nicolas Peynard.
Les voyageurs réguliers choyés par la Région
Contacté par France 3, le cabinet du président de la Région, Laurent Wauquiez, oppose un autre point de vue à ce débat. En augmentant les tarifs pour les voyageurs occasionnels, la Région explique limiter la hausse pour les passagers réguliers qui empruntent le TER pour aller travailler.
"Dans le souci de protéger le pouvoir d’achat des salariés qui empruntent les transports régionaux pour aller travailler, la Région a choisi de réajuster le coût des abonnements à hauteur de 2,95 % alors même que l’inflation atteint selon l’Insee les 6%", nous explique le cabinet de Laurent Wauquiez.
On calcule très peu le coût réel de nos pratiques de transport. Quand le prix d'un moyen de transport peu apprécié des utilisateurs augmente, cela va renforcer les clichés autour du prix réel d'un déplacement en train vis-à-vis de la voiture par exemple
Alexandre Rigel,chercheur spécialiste des mobilités à l'Ecole urbaine de Lyon
"Sur un abonnement moyen qui représente 36 km, cette hausse représente environ 1,20 euro par mois (1,80 € sur Lyon-Saint-Etienne (59 km) par exemple) pour l’abonné", ajoute la Région. Cette hausse des prix du TER, même pour les usagers occasionnels qui subiront une hausse de 8% des tarifs, reste en effet moins élevé que le surplus que paye un automobiliste à la pompe pour un trajet équivalent. "On calcule très peu le coût réel de nos pratiques de transport. Quand le prix d'un moyen de transport peu apprécié des utilisateurs augmente, cela va renforcer les clichés autour du prix réel d'un déplacement en train vis-à-vis de la voiture par exemple", conclut le chercheur Alexandre Rigel.