Une tenue provisoire grâce à des chevalets de bois sur lesquels flotteront les voiles de Shéhérazade. Ou de ZAD si le mauvais temps ne suspend pas son vol...
Vu du ciel, on dirait trois longues traces d'un arc-en-ciel en vrac zébrant la terre rouge de la place Bellecour...
Sur les images de synthèse qui présentent l'œuvre telle qu'elle sera à terme in situ, on comprend que ces longues traces multicolores seront constituées de larges bandes de tissu accrochées sur de gigantesques chevalets de bois de 7 mètres de hauteur. 1500 m2 de voilages destinés à apporter un peu d'ombre sur la place Bellecour.
Sous ces ombrages à trous dans lesquels on imagine que la brise se prendra avec malice voire avec furie les soirs d'orage, des blocs qui paraissent de bois. Faits pour que le passant s'y asseye, le temps que son confort postérieur atteigne ses limites, tant il est vrai que le bois en bloc, c'est une tannée...
Sans oublier les brumisateurs, qui dispersent de nano gouttelettes d'eau, rafraîchissant les têtes et saccageant les brushings.
Du bois et des voiles
Sur le papier (ou sur les écrans), l'idée est assez poétique. Certes moins odorante qu'une fraîche allée de tilleuls mais bien plus prometteuse que l'aride étendue actuelle, mi-bitume mi-gorrhe beaujolais. Le gorrhe, c'est précisément ce sable rougeâtre qui habille jusqu'ici la nudité de Bellecour.
Ces structures de bois et de voiles qui strieront dès juillet 2025 et pour 5 ans la place la plus emblématique de Lyon constituent simultanément un geste artistique provisoire, la concrétisation du premier budget participatif (un million et demi d'euros) auquel l'équipe municipale lyonnaise semble tenir beaucoup, un sujet de polémique qui fonctionne déjà très bien et hélas une promesse de décrépitude rapide de l'œuvre en question.
Le mauvais temps qui passe
Car aucun urbain doté d'yeux en état de fonctionnement n'ignore désormais que le bois en ville vieillit mal. Il noircit, il se déforme, il se soulève ou s'enfonce dès qu'il en a l'occasion. Et les voiles ne sont pas plus coopératives avec le temps et les vents qui passent. Elles s'arrachent, se déchirent, s'effilochent ou pendouillent.
C'est comme ça, la malédiction qui frappe tant de réalisations urbaines contemporaines transforme en deux coups de cuillères à pot la beauté flamboyante (ou fragile) des débuts en esthétique de ZAD. Six mois de bonheur à la fraîche et quatre ans et demi de désolation visuelle. C'est moche, comme perspective...