C’est la fin d’une épopée familiale, fin de bail et fin de l'aventure centenaire de Benoit-Guyot à Lyon

Concept-store bien connu des Lyonnais, l'emblématique Benoit-Guyot se prépare à fermer définitivement ses portes en juin 2024, après 125 ans d'existence. L'entreprise familiale était installée depuis quatre générations en presqu'île de Lyon, dans un lieu atypique. Sa marque de fabrique.

Une autre institution lyonnaise va fermer ses portes en presqu'île de Lyon : le concept-store Benoît Guyot, installé dans la petite rue Émile Zola, vit ses derniers mois. En juin 2024, après 125 ans d'existence, l'arrière-petit-fils du fondateur va tirer le rideau de la boutique. C’est la fin d’une épopée familiale commencée au cœur de la presqu'île, avec l’arrière-grand-père, Victor Benoit, en 1899. 

Concept-store

"Chaque génération a apporté sa sensibilité", résume Bertrand Guyot.  "En 1899, c'était une horlogerie bijouterie. Dans les années 25-30, le gendre de Victor Guyot l'a gardée, en ajoutant une orfèvrerie, les arts de la table, la cristallerie. Mon père est arrivé en 1958. Il était un peu artiste. Il a été séduit par l'ouverture sur le monde. Il s'est tourné vers les objets du monde." 

La boutique est un concentré d'histoire familiale. Depuis sa création en 1899, trois générations se sont succédé dans ces murs. Bertrand Guyot est l'arrière-petit-fils du fondateur. "Victor Benoit était horloger et c'était le fondateur de la boutique, avant que son gendre Marius Guyot la reprenne et l'appelle Benoît-Guyot. Les deux noms de famille accolés", explique-t-il. "La boutique occupait les deux vitrines centrales de la boutique actuelle, avant les agrandissements successifs", ajoute le commerçant. 

Le magasin avait la réputation de proposer de drôles d'objets de décoration. Des trouvailles insolites, parfois inattendues ou cocasses. Le commerce va manquer aux amateurs. "Nous venons ici depuis une trentaine d'années au moins. C'est une habitude. On vient ici parce qu'on sait qu'on trouvera des originalités, des produits venus du monde entiers, qu'on n'imagine pas", explique un client. "J'ai 65 ans, et je pense que je venais déjà ici, il y a une cinquantaine d'années, pour acheter des passoires, parce qu'elles étaient originales", renchérit un autre. Au fil du temps, l'enseigne devenue magasin de décoration était pour les Lyonnais un concept-store avant l'heure.

Fin de bail et loyers

La fin du bail commercial vient de signer la fin de cette histoire. C'est la fin d’une épopée familiale commencée au tournant du 20ᵉ siècle. Il y a un an, le commerçant de la rue Émile Zola a reçu son congé, "sans offre de renouvellement de la part du propriétaire". Ce dernier a accepté l'éviction, préférant ne pas se lancer dans une bataille juridique de plusieurs années. "L'aventure Benoit Guyot aurait pu continuer sur un autre site, mais sur deux ou trois magasins. C'était nécessaire pour retrouver l'intégralité de l'offre", explique Bertrand Guyot. 

Ce qu'on a fait sur 125 ans, ça s'est fait au fil du temps, ça ne peut pas se refaire en un jour. Il n'y a pas de locaux comparables en presqu'île. Pour moi, c'est la fin de l'aventure.

Bertrand Guyot

Impossible de s'acquitter d'un loyer plus élevé pour le commerçant. "Aujourd'hui, le loyer est de plus de 8% du chiffre d'affaires en presqu'île. Et c'est le cas de tous mes confrères en presqu'île, le loyer est devenu une charge très forte. En 1959, le loyer dans ce magasin représentait moins de 2%. La messe est dite !", affirme ce dernier.  

Déménagement impossible

Mais le loyer n'est pas le seul responsable de la fermeture de la boutique. Impossible pour lui d'imaginer déménager et quitter le site historique de la rue Zola. Le lieu était parfaitement pensé et adapté aux produits proposés par l'enseigne. "C'est un lieu plein de recoins. C'est une découverte que fait le client, ça ne peut pas se faire dans un lieu d'un seul tenant. Dans un hangar, ce n'est pas possible. Ça ne ressemblerait à rien. Ces ambiances que l'on crée dans les caves, dans les recoins du bâtiment, à l'étage, dans la salle voutée, c'est le charme de cette déambulation qui fait son succès ", assure le gérant.

La circulation automobile qui s'annonce de plus en plus compliquées pour les clients avec la future Zone à Trafic Limité en presqu'île a précipité la décision du commerçant lyonnais. "Avec la ZTL, le client ne peut plus charger ses achats encombrants devant la boutique (...) Dans les ZTL, le commerce ne décline pas, mais aucun commerce de meubles ne subsiste. C'était ce qui nous guettait. C'était la goutte d'eau, le coup d'épée final qui finissait de nous achever. C'est ce qui m'a décidé finalement en décembre à accepter l'éviction".  Bertrand Guyot possède un autre site à l'extérieur de Lyon, à Marcilly d'Azergues. Sa survie n'est pas assurée. 

Boutiques historiques : les fermetures s'enchainent

Les commerces historiques du cœur de Lyon ferment les uns après les autres. Le Crépin et son bric-à-brac pour maroquiniers et chausseurs, a fermé en septembre 2022. Depuis cette date, les fermetures et liquidations semblent s'enchaîner : l'Homme d'Osier, institution de la vannerie, lui a emboité le pas. Il s'est fait la malle un an après, cédant sa place à un chocolatier indépendant.

D'autres boutiques qui faisaient la richesse et la variété du tissu commercial local au nord de la place Bellecour s'effacent peu à peu. Les vitrines de Villa Borghese, autrefois noyées sous les fleurs artificielles, sont désespérément vides. Le chausseur Adrien fermera courant avril, faute de repreneur. La liquidation va bon train au grand dam de Valérie, la 3ᵉ génération à la tête de la boutique. Les clients ne lui ont pourtant jamais tourné le dos. 

Les parapluies Crozet, sis passage de l'Argue depuis les années 30, plient aussi bagages, faute de renouvellement de bail. Même sentence pour le concept-store Benoit Guyot. À une différence près, le couple qui a repris l'enseigne historique de parapluies s'est lancé dans une bataille juridique qui dure depuis 13 ans et dont la fin est imminente. 

Sans compter les enseignes qui appartiennent déjà au passé et à la mémoire, comme le train bleu, jadis rue de la Charité, ou encore la discrète et insolite petite clinique de la poupée, installée dans une ruelle borgne, la rue Chenavard. Reprise en 2007, la plus vieille clinique de la poupée de France a fermé en 2016. Ce lieu historique dédié au jouet depuis 1860 proposait de restaurer poupées, jouets en bois et ours en peluche. 

 

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