Chemsex : drogue et sexe à haute dose, un élu du Rhône alerte le ministre de la santé

Le chemsex est une pratique qui consiste à prendre des drogues puissantes pour augmenter ses sensations lors de rapports sexuels. Yann Botrel, élu de la commune de Charly dans le Rhône et membre d' " Elus locaux contre le Sida" a envoyé un courrier au ministre de la santé pour l'alerter sur un phénomène qui touche un public de plus en plus large.

Le chemsex contraction de chemical et sex, chimie et sexe, devient une pratique de plus en plus courante. Des soirées où la fête et le plaisir sont recherchés en hyper-abondance, parfois jusqu'à l'excès. Pour trouver des partenaires, les chemsexeurs téléchargent une application de rencontres qui les géolocalise, et en une heure les premières invitations arrivent. Benoît en a fait l'expérience.

On se retrouve dans un appartement où il va y avoir au niveau de la cuisine une assiette avec la 3-MMC et chacun va pouvoir commencer à prendre des traces, prendre un petit peu de GHB également.

Benoit, ancien chemsexeur

Yann Botrel, élu local de la ville de Charly dans le Rhône et membre de l'association "Elus locaux contre le sida", a envoyé un courrier au ministre de la santé le jeudi 9 février 2023. 

"Sur le terrain les associations semblent porter seules le poids de cette alerte et de la prévention." L'élu local rappelle qu'un rapport a été remis au ministère de la santé par le Professeur Amine Benyamina un an plus tôt " je souhaite, à l'instar des associations des professionnels de santé et élus engagés de tous bords que ce rapport ne reste pas au placard" écrit Yann Botrel. 

Des drogues aussi accessibles que les partenaires

Trouver des drogues comme la 3-MMC sur internet est aussi facile que trouver ses partenaires. Une drogue bon marché qui se vend à 15 euros le gramme et qui entraîne des week-ends à hauts risques. "Ça commence le vendredi soir, ça dure toute la nuit du vendredi et ça peut ensuite continuer le samedi, le dimanche" se souvient Benoît. "On va chercher des partenaires en plus, il y en a qui arrivent, il y en a qui repartent. Il y a de la musique. Ça dure, ça dure vraiment longtemps".

Les adeptes du chemsex perdent la notion du temps et de leur corps. La 3-MMC, dérivée de la cathinone injectée par intraveineuse, provoque une sensation de plaisir et de désir sexuel. Quant au GHB, tristement connu sous le nom de "drogue du violeur", il provoque amnésie et inconscience. 

C'est pourquoi, depuis un an, Benoît a décidé d'arrêter de participer à ces soirées. "Effectivement, j'ai fait un coma. Et dans une soirée, quand je me suis réveillé, je ne savais plus exactement où j'étais. Ce n'était plus les mêmes garçons qui étaient dans l'appartement. Il y en avait un qui était en train de faire du slam (injection) en face de moi, donc ça m'a un petit peu choqué parce que c'est une pratique que je n'ai jamais faite."

Et il y a un des mecs qui étaient là-bas qui m'a dit que, en gros, il avait eu un rapport avec moi pendant que j'étais inconscient, donc j'ai eu un rapport non consenti à cette occasion-là. Ce que je vois qui m'a un peu inquiété et m'a motivé aussi à témoigner, c'est qu'il y a beaucoup de jeunes mecs qui peuvent arriver de la Loire, de l'Isère, de Savoie, qui tombent là-dedans très très vite et qui sont très très jeunes.

Une centaine de patients dépendants soignés à Lyon

Le chemsex présente ce risque de rendre à la fois dépendant au sexe et à la drogue. Une double addiction vers laquelle Benoît a "glissé". "Au départ, en fait, ça paraît très joyeux. Enfin, on navigue un petit peu sur l'amitié, le plaisir. En fait, c'est assez insidieux. Au fur et à mesure, moi, par exemple, j'ai glissé vers la dépendance et au bout d'un moment, ça a eu un impact sur mon travail, sur mes relations avec ma famille."

Pour sortir de cette spirale, Benoît a dû trouver les mots. Comme une centaine d'autres patients dépendants, il raconte désormais son parcours aux médecins et infirmiers de l'hôpital de la Croix-Rousse. "Ce à quoi je ne m'attendais pas, c'est que ça a été quand même assez long pour que j'aie vraiment un sevrage total" avoue Benoît.

Les cathinones de synthèse sont en effet très addictives grâce à leur pouvoir empathogène et contactogène. Selon Frédéric Buathier, un des infirmiers du Centre d'addictologie, spécialisé en sexologie, "on va plus facilement vers l'autre et on va avoir des sensations qui vont aussi être décuplées et magnifiées. Et puis ça peut durer plus longtemps parce qu'il y a d'autres pratiques un peu plus hards qui vont du coup amener aussi d'autres sensations."

Bien cibler la prévention

Si la pratique du chemsex a débuté chez la communauté gay dans les années 2000, elle s'est répandue depuis. Responsable du CSAPA (Centres de Soin, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie) de l'hôpital de la Croix-Rousse, le Dr Philippe Lack a participé à une étude l'année dernière. "Cette étude s'adressait à des patients qui étaient hors du système de soins, environ un peu moins de 3000 personnes qui ont répondu à un important questionnaire".

On a découvert 15% de femmes qui pratiquaient le chemsex. On a découvert qu'il y avait entre 5 et 6% de personnes se disant hétérosexuels masculins, qui pratiquaient le chemsex donc on voit qu'il y a une modification à la fois des pratiques, des consommations, des modes de consommation et des publics concernés.

Violé ou violeur?

Le goût du plaisir se conjugue ici à celui du risque. Pour en prendre conscience, un film de sensibilisation tourne dans de nombreuses salles à Lyon.  Le chemsexeur ne doit pas perdre de vue le danger que sont la maladie sexuellement transmissible et l'absence de consentement. Des enjeux à la fois sanitaires et judiciaires selon Raphaël Gréget, fondateur de l'Agence santé sexuelle. "Pendant une soirée chemsex, est-ce que je peux être agressé? Où est-ce que je peux être agresseur aussi? Ça peut être quelque chose de dangereux parce qu'après les victimes n'osent pas forcément en parler, parce qu'il y a un gros sentiment de culpabilité. C'est un petit cercle vicieux, on se dit bon bah tant pis, il s'est passé ça, je ne peux pas vraiment faire quelque chose."

Isabelle Massona Modolo est psychologue et co-pilote du groupe de prévention Corevih. Beaucoup de ses patients estiment avoir été abusés. "Ce qu'on attend, c'est surtout que la police puisse justement accepter de concevoir qu'il y a aussi des viols et que malgré la volonté de s'y être rendu, il n'y avait pas non plus de consentement."

Des excès qui peuvent mener à la mort. Selon plusieurs associations, 8 décès liés au chemsex ont été recensés à Lyon, en un an. 

Les associations appellent collectivement à renforcer le travail de prévention notamment auprès des jeunes en élargissant le spectre des personnes ciblées. Le rapport du Pr Amine Benyamina préconise également de mener une grande étude épidémiologique car il n'a été étudié qu'à petite échelle et la plupart du temps dans les milieux homosexuels. 

S'il reste d'évaluer le nombre de personnes concernées, le rapport rendu au ministère de la santé signale qu'au minimum entre 100 000 et 200 000 personnes pratiquent le chemsexe en France. 

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