Le jeune Idir Mederess, 22 ans est mort dans sa cellule de la prison de Corbas (Métropole de Lyon), le 9 septembre, deux semaines avant sa sortie. Un suicide selon les premiers éléments communiqués. Mais la famille révèle le témoignage d'un détenu qui dénonce un "passage à tabac". Le parquet dément.
Le 9 septembre, le jeune Idir Mederess, 22 ans, est mort dans sa cellule de la prison de Corbas (Métropole de Lyon): un suicide selon les premiers éléments communiqués, mais la famille et les proches remettent en cause cette version et parlent d'un "passage à tabac". Une enquête judiciaire est en cours.
"On n'est pas contre la justice. Mais on est contre l'injustice."
La marche blanche s'est déroulée dans le calme, encadrée par la gendarmerie, avec plusieurs dizaines de participants, depuis le marché de Corbas jusqu'à la prison. Plusieurs personnes ont pris la parole dont la mère du jeune homme Najet Kouaki: "On n'est pas contre la justice. Mais on est contre l'injustice" a-t-elle lancé dans un haut parleur.Au premier rang du défilé, une grande banderole avec ce slogan: "Prison pour punir, pas pour mourir". Beaucoup de personnes portaient un T-Shirt marqué "Justice et Vérité pour Idir".
Devant les grilles de la maison d'arrêt de Corbas, les ballons blancs se sont envolés, avec les larmes de la maman et de la petite soeur d'Idir.
Le témoignage de Yacine
Selon nos informations, la famille et les proches d'Idir ont reçu le témoignage d'un autre détenu, Yacine, qui était, selon eux, dans le même quartier disciplinaire. Les surveillants auraient été "très violents" le 9 septembre. Ils auraient "coupé l'électricité, pour couper les caméras de vidéo-surveillance." Yacine et Idir auraient alors été "passés à tabac", l'un après l'autre, par des surveillants. Idir n'aurait pas survécu.Yacine aurait été ensuite remis dans le quartier disciplinaire, dans la même cellule où Idir est décédé.
La famille envisage maintenant de prendre un avocat et de déposer plainte, faute d'avoir eu accès au rapport d'autopsie ou à l'enquête judiciaire qui est toujours en cours. Jusqu'à présent, seule une main courante a été déposée.
"S'il y a eu crime, qu'on le dénonce"
L'AFLID, (Association des Familles en Lutte contre l'Insécurité et les Décès en Détention), une structure créée en 1999 pour soutenir et défendre les familles dont un membre a subi des mauvais traitements en détention, remet en cause le manque de formation des surveillants de prison et souhaite supprimer les quartiers disciplinaires.Pour Nébia Réziga: "Quand il y a un mort au sein d'une prison, c'est très fermé, très restreint. S'il était mort dans sa chambre, ça ne se serait pas passé comme cela, avec une enquête beaucoup plus sérieuse. En prison, tout est fermé, on est au courant de rien. Il y a des suicides, mais on les pousse à faire çà. Les conditions de détention ne sont pas dignes d'un pays comme la France avec des droits du citoyen et des droits de l'homme. On a un beau pays, on a grandi ici, on est les enfants de la République. Aujourd'hui on demande des réponses à nos questions. S'il y a eu crime, qu'on le dénonce. On n'est pas là pour tuer ou maltraiter, torturer, tabasser ou humilier les gens. Personne ne supporte l'enfermement."
L'autopsie confirme le suicide
Le parquet de Lyon nous a confirmé lundi 12 octobre, que Idir Mederres "a été retrouvé pendu dans sa cellule du quartier disciplinaire le 9 septembre 2020".Le parquet a ouvert une enquête en recherche des causes de la mort.
"Les constations sur place effectuées par les services enquêteurs, en présence d’un magistrat du parquet qui se déplace de manière systématique en cas de décès en maison d’arrêt, n’ont révélé aucun élément permettant de suspecter l’intervention d’un tiers. En outre, le médecin légiste a conclu, dans son pré-rapport, que les données de l’examen externe et de l’autopsie sont tout à fait compatibles avec - une mort violente d’origine suicidaire -".
Le parquet précise également que l’enquête se poursuit sur la base d’une vidéo diffusé sur les réseaux sociaux mettant en scène un individu se présentant comme un détenu de la maison d'arrêt de Corbas souhaitant garder l’anonymat "et indiquant avoir recueilli le témoignage d’un autre détenu dénonçant l’intervention de tiers dans le décès du jeune Idir Mederres".
Enfin la famille du défunt "est tenue étroitement informée de l’avancée des actes d’enquête par les services de la Brigade de recherches de Mions, saisis de cette enquête, ainsi que par le parquet de Lyon via leur avocat".
Le syndicat Ufap dément toute violence
Pour Dominique Verrière, du syndicat UFAP-Unsa Justice: "ce qui est mal vécu, c'est d'être accusé d'un acte qui n'a pas été commis de la manière dont il est décrit. Des dérapages en prison, oui il peut y en avoir. Mais en l'occurence ce n'est pas ce qui s'est passé, puisque le détenu a été retrouvé avec un drap autour du cou. Il est décédé par strangulation. Ce n'est pas du tout ce qui est décrit par un autre détenu dont on ne connaît pas trop les motivations (...). J'attends avec impatience le résultat de l'enquête, mais je suis assez serein sur ses résultats."Au coeur de la polémique, les quartiers disciplinaires.
Le quartier disciplinaire : une sanction encadrée
Selon l'administration pénitentiaire que nous avons pu contacter ce dimanche 11 octobre, le jeune homme était placé en quartier disciplinaire dans le cadre d'une sanction.Avant d'y arriver, le détenu passe en général devant une commission spécifique, dans le cadre d'une procédure aux règles définies. Devant cette commission, le détenu est assisté par un avocat. Il y a également un assesseur venu de l'extérieur de la maison d'arrêt, pour trancher. Et un recours est possible devant le juge administratif.
Pendant le temps du placement dans le quartier disciplinaire, une visite médicale a lieu au minimum deux fois par semaine.
En cas de décès dans une prison, le parquet est automatiquement saisi, et mène à chaque fois des investigations. Tous les systèmes de vidéo-surveillance, les images, les écoutes, les relevés d'appels doivent être mis à disposition du procureur.
L’Observatoire international des prisons a comptabilisé 82 suicides en prison depuis janvier 2020 en France.