Coronavirus Covid 19 : les entreprises de pompes funèbres aussi en première ligne

Extrêment sollicitées en ces temps d'épidémie, les entreprises de pompes funèbres doivent jongler avec des directives qui changent, des délais d'incération rallongés, des mairies peu réactives et des familles privées de cérémonies. Sans parler de la peur de la contamination.

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"En une phrase ? C'est la galère" nous confie Francois*, cet entrepreneur de pompes funèbres de l'agglomération lyonnaise. "On nous demande de travailler dans l'urgence, sans avoir les moyens de le faire". Nous l'avions déjà constaté au début du confinement, à une époque où la profession connaissait un creux d'activité, du fait probablement de la baisse des accidents. "Mais là, confie-t-il, le volume est là. Et, pour tout dire, vivement que ça s'arrête"

Un sentiment de stress partagé manifestement par de nombreux professionnels du secteur. Ainsi, Manon* nous explique son dernier casse-tête : une dame âgée décédée lundi de Pâques à 8 heures du matin, et pour laquelle la mise en bière, c'est à dire en cercueil, doit être "immédiate" comme c'est le cas pour toutes les victimes du Covid 19.
 

Une astreinte des mairies parfois fictionnelle

Sauf que, en principe, la mairie doit déliver une autorisation de fermeture du cercueil. Mais, en ce jour férié, la mairie en question, dans la périphérie lyonnaise, est injoignable... "A 19 heures, toujours pas de nouvelle, en dépit des 5 mails envoyés et du coup de fil à la police nationale pour qu'ils me trouvent un élu."(...) J'ai l'impression d'être dans un film, lâche-t-elle dépitée. Je dis quoi à la famille ?"

Pourtant, "en période de crise" nous dit cette circulaire du 10 avril (... modifiant celle du 3 avril) "la fluidité de la chaîne funéraire ne doit connaître aucun blocage et le premier maillon est le maire".

Car, ce qui "use" les professionnels, c'est la différence entre la théorie et la pratique, et le méli-mélo administratif... Les textes -décrets, ordonnances, circulaires- qui tombent très régulièrement, qui se contredisent et les détails qu'il faut décoder.

 

Des maires qui peuvent "aggraver les mesures nationales"

Et puis , il y a les particularismes locaux liés à l'accès au défunt des familles : "chaque mairie à son protocole" commente Manon.

Ainsi dans les crématoriums de Lyon et Bron, les cérémonies de recueillement "pour les Covid" sont totalement proscrites mais autorisées dans certaines chambres funéraires ailleurs. Et encore, on parle de 10 minutes et 5 personnes au maximum. Pourquoi ? Parce que les textes laissent au maire le pouvoir de restreindre l'accès du public y compris dans les cimetières.

On est un métier d'accompagnement, et là on expédie" assène Manon. "Mettez-vous à la place d'une famille dont un ainé est décédé dans un EHPAD, confiné depuis un mois... La famille ne l'a pas vu pendant cette période et on les prive d'obsèques... au mieux dix minutes.

 

Des salariés aussi en première ligne

"Je ne l'ai pas revu", "il n'est pas vraiment mort" : des réactions de "grande détresse" des familles que les professionnels des pompes funèbres croisent désormais au quotidien et qu'ils vivent très mal

Même les familles qui ne sont pas touchées par le Covid 19 sont affectées. Ainsi, les soins "de conservation", qui permettent de rendre les défunts un peu plus présentables, ont été interdits quelles que soient les causes du décès. Alors, pour ces proches, qui peuvent eux se recueillir auprès de leur défunt, la vue d'un corps non préparé peut-être "un vrai choc" concède François.

On pourrait aussi parler des délais de crémation qui s'allongent -pas loin de 8 jours pour Lyon- de la difficulté de l'organisation des obsèques dans d'autres régions -11 jours de délai pour une inhumation en région parisienne- ou encore des salariés des entreprises de pompes funèbres "qui fatiguent".
 

Pas une profession prioritaire pour les masques, pourtant ...

"Ils ont peur pour eux-mêmes" reconnaît Manon, qui dans son entreprise a décidé d'allouer des primes, de partager le fardeau du quotidien avec ses salariés, et de jouer la "surenchère pour les protections". Elle a pris sur elle d'acheter des panoplies complètes au début... "mais maintenant, on ne peut plus se fournir".

François lui est plus direct : "l'absence de protection, c'est LE grand scandale". "Tout le monde reconnaît le risque de transmission d'un corps porteur du Covid (notamment le Haut conseil à la santé publique dans ses avis du 20 février et 24 mars 2020, ndlr), mais on est toujours pas une profession prioritaire pour les masques ! ". Lui avoue avoir réussi à en obtenir une centaine pour ses salariés "mais je me suis battu, sinon rien!"

Avis du Haut conseil à la santé publique du 20 février 2020


 

Le risque...

"Le risque, lâche pour finir Manon, c'est que bientôt des entreprises de pompes funèbres pourraient refuser de s'occuper des défunts morts du Covid 19 (ce qui est illégal car considéré comme de la discrimination). Et pour être honnête, je soupçonne certains de le faire déjà".


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