Coronavirus. Les difficiles conditions des personnes handicapées en foyers d'hébergement

Avec le confinement, les résidents handicapés intellectuels et psychiques souffrent d'un double manque de discernement de la situation d'enfermement et des nouvelles pratiques liées au covid. Pour les accompagnants, on commence à sortir la tête de l'eau après un errement de plusieurs semaines.

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Pendant les trois premières semaines de confinement, ce n'est pas peu dire que la situation était tendue pour le personnel de bon nombre d'établissements d'accueil d'adultes handicapés de la région lyonnaise. "Nous n'avons eu qu'un masque par semaine par éducateur", dit Juliette alors que trois suspicions de Covid étaient recensées dans son foyer du nord de Lyon. D'autant plus problématique que la plupart des résidents sont des personnes fragiles, dont le niveau immunitaire est faible, certains avec des antécédents pulmonaires, des traitements médicamenteux en cours.

Heureusement, les tests ont été effectués rapidement. Mais les résultats ont mis du temps à arriver, une bonne semaine. "On a travaillé avec le peu de matériel dont on disposait", avoue Juliette. Désormais, les choses commencent à rentrer dans l'ordre, avec notamment la création d'un pôle de contamination, mais il n'en a pas été toujours le cas.

Face à des personnes naturellement stressées, tous les gestes sont devenus très compliqués. Guidage, accompagnement à la toilette, habillement, repas : avec les gestes barrières, le quotidien de ces établissements a parfois été cauchemardesque. "Pour certaines des personnes hébergées, on doit les aider à se moucher, les gestes relatifs à l'hygiène, ne serait-ce que se laver les mains ou se les désinfecter, c'est loin d'être évident quand nous-mêmes ne sommes pas correctement protégés", confie Margot, une autre monitrice-éducatrice. "La direction s'est démenée comme elle pouvait face aux directives paradoxales de l'autorité de santé."
 

"Faire comprendre que les bisous, c'est fini"

Le matériel est arrivé au compte-gouttes. Les personnels disposent maintenant de deux masques hebdomadaires, mieux que rien. Pour les foyers médicalisés, l'ARS avait transmis 1 300 masques à se répartir entre la douzaine de foyers médicalisés et foyers de vie de cette importante association lyonnaise. Toujours soutenus par leur direction, les accompagnants des unités de confinement ne cachent pas que la fatigue commence à les gagner. Parmi les résidents, beaucoup sont trisomiques, autistes, déficients mentaux légers et moyens, des personnes à qui il est globalement épuisant d'expliquer les règles et de les faire respecter. "Difficile de leur faire comprendre que les bisous, les câlins, la proximité sont interdits."
 

Chez certains, l'enfermement leur rappelle l'hôpital psy

Dans le sud de la Drôme, au sein d'une autre structure, les parcs dont jouissent les foyers ont sauvé bien des situations. Ils peuvent passer une bonne partie de la journée dehors, entre détente et tâches d'ordinaire confiées à des prestataires extérieurs. Exemple : passer la tondeuse, sous haute surveillance, ou faire le ménage dans les parties collectives voire passer des désinfectants quand ils ont suffisamment d'autonomie. "Au départ, on a commencé à tout faire par nous-mêmes. Rapidement, on s'est aperçu que les intégrer était une meilleure solution pour les occuper, toujours sous haute surveillance", décrit Anne, coordinatrice du pôle habitat et de la vie sociale de cette association départementale.

En temps normal, tout est réglé comme du papier à musique, "surtout avec les handicapés intellectuels habitués à ce que tout soit ritualisé", poursuit Anne, qui a la responsabilité de trois foyers. Les jeux de société ne sont plus ce qu'ils étaient. Finis les jeux de cartes pour ceux qui pouvaient. Pour les jeux de plateau, chacun a son propre dé, régulièrement désinfecté. "On a trouvé notre rythme de croisière." Mais ça reste sensible avec les handicapés psychiques. "Ils comprennent mieux que les autres ce qui se passe. Mais l'enfermement actuel, sans sortie hors du périmètre du foyer, les coupant aussi de leurs familles, les renvoie à leurs passages en hôpital psychiatrique."
Dans les semaines qui viennent, tous les professionnels en conviennent, le risque c'est la décompensation.
 
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