Coronavirus Covid 19 : l'hôpital psychiatrique du Vinatier à Lyon face à l’épidémie

Soignants contaminés, patients fragilisés par le confinement, manque de masques, le Vinatier, l’hôpital psychiatrique lyonnais, manque de moyens pour travailler en toute sécurité.  

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L'hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon, doit faire face à l’épidémie du coronavirus... aussi !

Soignants contaminés, patients fragilisés par le confinement, manque de masques, le Vinatier, l’hôpital psychiatrique lyonnais, manque de moyens pour travailler en toute sécurité.  

La psychiatrie n’est pas épargnée par l’épidémie de Covid 19. Aujourd’hui, mercredi 25 mars, l’hôpital du Vinatier à Lyon recense 9 cas au moins de contagion parmi son personnel soignant, dont 3 médecins. Aucun cas grave n’est pour l’instant à déplorer. 

Parmi les patients, 3 ont été pris en charge à l’UHCD, l'unité d’hospitalisation de courte durée. Ils sont dans un état stable. En revanche, un patient au moins à l’extérieur est dans un état sévère.

Anne Parriaud-Martin, psychiatre, cheffe de service, et le Docteur Patrick Thimonnier, responsable de l’hôpital de jour, sont inquiets.

Nous faisons face à une pénurie de masques. Seulement un par jour et par soignant ! Nous sommes obligés de les garder toute la journée alors qu’ils ne sont efficaces que 3 ou 4h. Nous n’avons pas non plus assez de gel hydroalcoolique et de sur-blouses.

 

Gérer la crise au quotidien 

Pour limiter la contagion, le nombre de professionnels sur place a été réduit pour pouvoir tenir sur la durée. "Les gens savent qu’ils sont «mobilisables» à tout moment. Les jeunes retraités ont même été rappelés pour savoir si le cas échéant, ils pourraient venir nous aider."

Pour préserver la sécurité des patients et des personnels, le dispositif d’accueil à l’entrée des structures ambulatoires a été renforcé. Une mesure nécessaire "afin d’évaluer rapidement les constantes (température), les symptômes somatiques et psychiques et faire barrière le cas échéant tout en traitant la situation."

Pour les patients confinés à l’intérieur, visites et sorties de courte durée y compris dans le parc sont interdites. Les repas ne sont plus donnés en salle à manger mais en chambre. Le service de soins de suite et de réadaptation "Semmelweis" a été aménagé pour recevoir les patients psychiatriques diagnostiqués Covid19 nécessitant des soins autres que critiques. 
 

Les malades face à l’isolement

Quant aux patients qui vivent en dehors de l’hôpital et qui sont accueillis en ambulatoire, Anne Parriaud-Martin et Patrick Thimonnier observent chez certains "une incompréhension et une méconnaissance parfois totale des gestes barrières et de la nécessité de se munir d’attestations de sortie." 

Certains sont dans un déni de gravité, d’autres aux prises avec une grande angoisse souvent liée à l’isolement ou à la perte des rythmes habituels. D’habitude, la déambulation permet à certains patients de mieux vivre avec leurs symptômes, mais là avec le confinement, cette impossibilité à se déplacer pourrait accentuer le risque de rechute. 


Les mesures de sécurité mises en place pour lutter contre le virus privent également les malades de contact avec le personnel soignant ou "des postures empathiques ou protectrices dont la vocation est de rassurer." 

Pour ne pas rompre le lien avec l’hôpital et limiter au maximum les déplacements, une procédure d’appel téléphonique auprès des patients a été instaurée à l’hôpital de jour. "Elle devait au départ se limiter à un appel par personne chaque semaine, mais les besoins de parler sont tels qu’on appelle désormais chacun tous les jours." 

Les deux psychiatres appréhendent les semaines à venir. "On s’inquiète des conséquences de ce confinement sur la durée. Pour nos patients bien sûr, mais aussi en termes de résistance des soignants qui vont être contaminés en grand nombre."

Leur constat est sans appel. "Depuis des décennies, la psychiatrie publique a été largement négligée par les politiques de santé. Les moyens matériels ont été accordés préférentiellement à d’autres spécialités médicales développant des moyens techniques dits modernes. On mesure aujourd’hui avec cette crise l’écart entre les missions qui lui sont confiées et les moyens dont elle dispose."

En 2019, l’hôpital psychiatrique du Vinatier a suivi 26 700 patients. Le service G32 où travaillent Anne Parriaud-Martin et Patrick Thimonnier comporte 2 unités d’hospitalisation de 24 lits chacune, 2 centres médico-psychologiques, 2 centres d’accueil thérapeutique à temps partiel situés à Vaulx-en-Velin et à Rillieux-la-Pape, ainsi qu’un hôpital de jour également à Rillieux. 
 
"Les masques  se désagrègent, les particules volent dans les yeux et la bouche"
Témoignages recueillis par Sylvie Cozzolino

L’aide-soignante qui nous livre ces informations tient à conserver l’anonymat. Nous l’appellerons Sophie. Elle est aide-soignante à l’hôpital du Vinatier depuis près de 30 ans. Sophie est affectée auprès des malades psychiatriques âgés. Si elle reconnait que la direction de l’hôpital psychiatrique fait son possible pour fournir du matériel de protection aux personnels, son constat est amer. "On a droit à 1 masque FFP2 par jour et par personne. On vient tout juste de les recevoir. Mais ils sont périmés depuis 2007. Au bout d’une heure, ils se désagrègent et les particules volent dans les yeux et dans la bouche. On attend encore la livraison de FFP2 efficaces."
Par ailleurs, 9800 masques chirurgicaux ont été livrés il y a 2 jours. Chaque professionnel à droit à 4 exemplaires par jour. Sophie confirme que l’hôpital a fermé 3 unités  d’hospitalisation, soit environ 70 lits pour les mettre à disposition de patients touchés par le Covid-19. Pour être accueillis, ceux-ci doivent présenter une pathologie ou avoir fait l’objet d’une prise en charge psychiatrique, comme une dépression par exemple.
A ce jour, 3 patients du Vinatier ont été testés positifs. Ainsi que 8 soignants.
Récemment des premiers patients sont arrivés au Vinatier en provenance des hôpitaux de Lyon. Ils ont été admis au service de soins de suite et de réadaptation.


"On a dû renvoyer chez eux des patients lourdement atteints pour libérer des lits."

Natalie Giloux est chef de service du secteur "Villeurbanne" à l’hôpital du Vinatier. Elle gère 2 unités de 25 lits chacune. Elle est également responsable d’une grosse structure de psychiatrie ambulatoire à Villeurbanne. Soit 1600 patients par an.
Au Vinatier, une des 2 unités du docteur Giloux a été fermée pour accueillir les patients atteints du Convid-19. 25 lits sont disponibles. "Nous avons donc dû renvoyer les patients chez eux pour libérer des lits. 80% de nos patients sont atteints de schizophrénie. Ce sont des pathologies très lourdes."
Le médecin  explique que ces patients sont souvent dans une grande misère socio-économique et affective. Ils sont fragiles. Alors pour que ce retour dans les familles se passe en toute sécurité, les équipes du docteur Giloux ont mis les bouchées doubles. "On a raccompagné nous-mêmes les patients qui vivaient seuls. Nous sommes allés  faire les courses avec eux. On a pris du temps pour leur expliquer les gestes barrières. On les appelle tous les jours." Natalie Giloux appelle ce dispositif "l’accompagnement protégé." Elle précise que sur la quinzaine de patients retournés à leur domicile, 2 seulement ont dû être hospitalisés à nouveau.
 
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