Annuler les rendez-vous en pharmacie, tenter de répondre aux questions de patients dans les salles d'attente : la suspension temporaire du vaccin Astra Zeneca suscite beaucoup d'interrogations. Reportage à Lyon au coeur d'une réorganisation forcée.
C'est la course dans les pharmacies, les salles d'attentes des médecins, chez les infirmiers. L'annonce soudaine de la suspension du vaccin AstraZeneca en France par Emmanuel Macron a obligé tout le secteur médical à se réorganiser.
La peur de ne pas être vacciné
"Les personnes au téléphone sont plus déçues que craintives, elles ont peur de n’être vaccinées que cet été" explique une pharmacienne de la place Saint-Nizier à Lyon dans le 1er arrondissement. Selon cette professionnelle, cela n’entache pas la confiance dans ce vaccin. "Tout est dans la balance bénéfices risques" conclut-elle.
Une catastrophe selon plusieurs médecin
Dans le cabinet du Docteur Jean-Claude Linder, le téléphone n'arrête plus de sonner. "C'est comme ça toutes les dix minutes", commence-t-il, avant d'être interrompu par la sonnerie. "Alors Docteur, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Et moi je n'ai pas le droit au Pfizer?" demande un patient. Le médecin explique qu'il faut être éligible pour bénéficier du vaccin Pfizer, c'est-à-dire réunir au moins deux maladies dans les listes désignées de comorbidité.
Pour celles et ceux dont c'est le cas il faut s'inscrire dans un "vaccinodrome" via le site santé.fr ou les Hospices Civils de Lyon.
"C'est une catastrophe" insiste le médecin qui doit répondre aux questions à un rythme effréné, sans oublier les autres pathologies. "C'était déjà difficile de convaincre nos patients, on a réussi et maintenant c'est un coup d'arrêt dans notre campagne de vaccination." regrette-t-il tout en précisant que lui-même est vacciné avec l'AstraZeneca.
"D’un seul coup, on introduit un doute"
« C’est une grande surprise parce que jusqu’à présent on nous disait qu’on pouvait continuer à utiliser ce vaccin. Il y a deux solutions : soit de nouvelles données scientifiques sont apparues et sont suffisamment importantes pour suspendre la vaccination, soit c’est un principe de précaution poussé à l’extrême », affirme Vincent Rébeillé-Borgella, médecin généraliste et secrétaire général de l’union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins libéraux en Auvergne-Rhône-Alpes.
Il pratique depuis plusieurs semaines des injections d’AstraZeneca et n’a constaté que de légers effets secondaires chez ses patients, des états grippaux passagers. La suspension brutale de ce vaccin l’inquiète : « On avait réussi à remonter la pente depuis le début de l’année. Les gens étaient très hostiles au vaccin en début d’année, mais on a réussi à remonter la pente et maintenant ils le réclament. D’un seul coup, on introduit un doute. Quelle que soit la décision qui sera prise après, ça va être la catastrophe. »
Emmanuel Macron pourrait "prendre de nouvelles décisions"
Quelques heures après l'Allemagne, la France a suspendu temporairement l'utilisation du vaccin AstraZeneca à cause de possibles effets secondaires trombo-emboliques. Le président de la République l'a annoncé lors d'un déplacement à Montauban. Il a également annoncé qu'il devrait "prendre de nouvelles décisions" dans les prochains jours.
L'autorité européenne doit rendre mardi 16 mars un avis sur le recours à ce vaccin. "D'ici là, nous avons décidé de suspendre la vaccination avec AstraZeneca en France, en espérant la reprendre rapidement si l'avis de l'EMA le permet" a précisé Emmanuel Macron.