Stéphane Alzraa, soupçonné d'être impliqué dans le volet lyonnais de la vaste fraude à la taxe CO2, comparait depuis le 1er juillet devant le tribunal correctionnel de Lyon. Une peine de 10 ans d'emprisonnement a été requise mercredi à son encontre pour escroquerie et blanchiment en bande organisée.
Stéphane Alzraa, 38 ans, est soupçonné d'avoir participé à une vaste escroquerie fiscale à la taxe carbone, à la fin des années 2000. Il était jugé à partir de ce lundi 1er juillet par le tribunal correctionnel de Lyon pour "escroquerie et blanchiment en bande organisée" dans le volet lyonnais de cette fraude sur le marché des quotas d'émission de CO2. Il est le principal prévenu de ce procès qui se déroule devant la 16e chambre jusqu'au 5 juillet.
Le trentenaire et quatre autres prévenus encourent la peine maximale de dix ans d'emprisonnement. Parmi les prévenus figurent son ex-compagne, son ex-secretaire et un ami d'enfance qui a servi de prête-nom. L'un de ses comparses, Michael Aknin, l'autre cerveau présumé de ce dossier, est absent. Ce dernier est toujours en Israël, en attente d'extradition. Son cas a été disjoint du procès.
Les réquisitions
Ce mercredi 3 juillet, la procureur a requis une peine de dix ans d'emprisonnement à l'encontre de Stéphane Alzraa, "même s'il n'est pas le seul bénéficiaire de cette fraude sans précédent". Un délit financier qui peut lui coûter la peine maximale. Le procureur a également requis le maintien en détention du prévenu, "pour qu'il mesure ses responsabilités" et parce que rien n'a pû être saisi dans cette affaire pour rembourser le fisc français. La défense parle de "vindicte contre Stéphane Alzraa". Maître Martine Malinbaum a dénoncé des réquisitions "disproportionnées" à l'encontre de son client, "associé de près ou de loin au dossier Neyret et Lyon ne pardonne pas cette infraction".De la prison avec sursis a été requise contre les autres prévenus : deux ans avec sursis pour l'ami d'enfance d'Alzraa, ainsi que six mois avec sursis à l'encontre de son ancienne compagne. La procureure Emmanuelle Jouffrey a laissé le tribunal apprécier la peine de l'ancienne secrétaire.
La décision de justice a été mise en délibéré au 12 juillet.
Le dispositif taxe carbone contre le changement climatique
À la fin des années 2000, la Commission européenne met en place un système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, afin de lutter contre le changement climatique.Son principe est simple : les États imposent aux entreprises polluantes un plafond sur leurs émissions de CO2. Chaque année, en fonction du niveau de leurs émissions, les entreprises ont la possibilité d'acheter ou de vendre leurs quotas sur le marché européen. Ainsi, une entreprise qui émet plus de CO2 que son plafond ne le lui permet doit se procurer les quotas manquants. A contrario, une entreprise qui émet moins que son plafond autorisé peut revendre ses quotas non utilisés.
Profitant des failles du système, les fraudeurs sont entrés, via des sociétés fictives, sur le marché du carbone.
En quoi consistait la fraude à la taxe carbone ?
Les faits ont débuté en octobre 2008 et ont duré jusqu’en juin 2009. La fraude consistait à acheter des droits d'émission de CO2 hors taxe dans un pays étranger à des sociétés fictives. Il s'agissait ensuite de les revendre en France à un prix incluant la TVA, puis d'investir les fonds dans une nouvelle opération. L'argent détourné était également placé sur des comptes offshores à l'étranger puis blanchi. La TVA n'était jamais reversée à l'État. Cette taxe de 19,6%, l'administration fiscale n'en a jamais vu la couleur. Les opérations sur les quotas carbone seront finalement exonérées de TVA en juin 2009.
Ce sont des régulateurs français du marché qui ont eu la puce à l'oreille à l'automne 2008. Tracfin, la cellule anti-blanchiment de l'État, a été alertée.
Volet lyonnais de l'escroquerie: près de 51 millions d'euros
Le dossier a été qualifié d'"escroquerie du siècle" par la Cour des comptes. Cette arnaque à la taxe carbone aurait coûté au total 1,6 milliard d'euros de pertes au fisc français, entre 2008 et 2009. La plus importante escroquerie jamais montée en France. L'arnaque en col blanc s'élevait à 5 milliards d'euros dans l'ensemble des pays de l'Union européenne, selon Europol.
Concernant le volet lyonnais de cette fraude à la TVA appliquée à la taxe carbone, le franco-israélien Stéphane Alzraa est soupçonné d'avoir dirigé des sociétés ayant détourné environ 51 millions d'euros aux dépens du fisc français.
Corrupteur de Michel Neyret, ancienne star de la Police de Lyon
Stéphane Alzraa est par ailleurs considéré comme l'un des principaux corrupteurs de l’ancien directeur-adjoint de la police judiciaire de Lyon, Michel Neyret. C'est par contumace qu'il avait été condamné à 30 mois de prison et 250 000 euros d'amende par la cour d'appel de Paris en 2018. Il avait été reconnu coupable d’avoir prêté voitures et villa de luxe à l’ex-commissaire en échange d’informations.
L’homme d’affaires s’était enfui de France en novembre 2015, alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement pour abus de biens sociaux. Stéphane Alzraa avait profité d’une permission de sortie pour ne pas regagner sa cellule de la maison d’arrêt de Corbas. D’où son absence aux côtés de l’ex-star de la police lyonnaise.
Stéphane Alzraa a été extradé en avril dernier d'Israël. Il s'était réfugié dans ce pays où il a finalement été arrêté en 2016. Cette fois, il est donc bien présent dans le box des prévenus pour son procès. Stéphane Alzraa devra s’expliquer sur son implication cette fraude à la taxe carbone dont le préjudice du seul volet lyonnais est évalué à près de 51 millions d’euros.
Un procès hors norme qui a débuté ce lundi 1er juillet à Lyon. C'est à l'automne 2008 que Stéphane Alzraa, un natif d'Irigny qui a déjà un long passé d'arnaqueur, se lance dans la fraude à la taxe carbone. Une affaire qui a même inspiré le cinéma et Olivier Marchal, le réalisateur des Lyonnais. Une arnaque à la TVA qui a permis à ses auteurs présumés de mener grand train ...
Le compte-rendu de cette première journée d'audience....