Le docteur Patrick Bellier, pneumologue et allergologue à Sainte-Foy-lès-Lyon, refuse de porter le masque, et ne reçoit en consultation que des patients qui ne le portent pas. Il fait valoir des convictions personnelles, professionnelles et scientifiques.
"J'en ai marre de cette hystérie collective ! " Le docteur Patrick Bellier, pneumologue et allergologue à Sainte-Foy-lès-Lyon, refuse de porter le masque et n'accepte en consultation que les patients qui ne le portent pas, quitte à défier l'obligation préfectorale. Contacté par notre rédaction ce mardi 8 septembre, il défend des positions scientifiques opposées aux recommandations et directives des autorités sanitaires.
"J'ai besoin d'examiner les patients"
Avant tout, le port du masque lui paraît incompatible avec son activité. Le docteur Bellier estime qu'il doit voir le visage de ses patients pour identifier diverses pathologies. "Comment je fais avec mes patients si je ne vois plus leur tronche ? Comment je les fais souffler ? J'ai besoin d'examiner les patients, et tout simplement de voir leur visage. Par exemple pour une paralysie faciale, comme pour de nombreux problèmes respiratoires, il faut voir la personne parler ! Avec les gens masqués, c'est de la pifométrie, et ça peut même conduire à la faute médicale", estime-t-il. Et d'ajouter à titre personnel : "moi le masque, je n'en peux plus !" Convoqué par l'Ordre des médecins
Le praticien prévient donc ses patients lors de leur prise de rendez-vous. S'ils veulent venir, c'est sans masque, sinon ils devront s'orienter vers un autre praticien. Un de ses patients a porté plainte contre lui auprès de l'Ordre des médecins du Rhône, qui a convoqué le pneumologue le 18 septembre prochain. Celui-ci ne semble pas pour autant s'en inquiéter, évoquant des plaintes qui pourraient également être déposées contre l'ordre des médecins pour "mise en danger d'autrui." Car pour lui, l'obligation du port du masque n'est pas seulement une contrainte en consultation, ce serait aussi une réponse contre-productive à la crise de la Covid-19, une pratique qu'il qualifie même de "criminelle".Il milite pour l'immunité collective...
Pour lui il est inutile de contraindre les "porteurs sains", asymptomatiques, car ils permettraient d'atténuer la virulence de la Covid-19. Il faudrait donc les laisser diffuser plus librement le virus pour atteindre une immunité collective. "Nous sommes tous porteurs de centaines de gênes pathogènes dans notre bouche, ça ne sert à rien de dépister des porteurs sains qui ont des germes de Coronavirus ! Si on dépistait le pneumocoque, on trouverait des germes de pneumocoque partout et pourtant la maladie ne se diffuse pas ! Les porteurs sains ont des gênes qu'ils neutralisent", affirme le praticien. "Obliger à porter le masque, c'est criminel, ça ralentit la propagation et donc la possibilité pour la population de créer sa propre immunité."...Qui reste controversée
Le principe d'immunité collective repose sur l'idée que si suffisamment de personnes ont contracté le virus et développé des anticorps, celui-ci s’éteindra de lui-même. Cette approche, que défend le praticien, a déjà été plus ou moins expérimentée au début de la pandémie par plusieurs pays, sans convaincre. Ainsi le Royaume-Uni, qui avait adopté ce type de stratégie avant de faire marche arrière, affichait le 4ème plus lourd bilan en nombre de morts liés au Coronavirus en proportion de la population selon les données connues au 9 septembre 2020*. Le Brésil atteignait la 8e place mondiale en taux de mortalité*, malgré des chiffres officiels régulièrement considérés comme sous-évalués. En Suède, qui n'a pas confiné sa population ni rendu systématique le port du masque, le bilan est moins lourd, (entre la 8e et la 11e place en taux de mortalité les 8 et 9 septembre*) mais reste controversé.Pour lui, le virus est moins virulent
Mais le docteur Bellier estime que désormais, la stratégie de l'immunité collective serait possible car pour lui, "le virus est moins dangereux".Le praticien s'appuie sur la baisse du nombre de cas graves en Suède, orientés à la baisse, alors que le port du masque n'y est pas obligatoire. Selon lui cette baisse suit les mêmes proportions que celle des pays qui obligent à porter le masque. [NDLR: A ce stade, la rédaction de France 3 Rhône Alpes n'est pas en mesure de préciser cet élément].
Et en France, pour le praticien, les chiffres récents attesteraient également d'une moindre virulence du Coronavirus, qui ne justifierait plus de porter le masque : "en ce moment on dépiste environ 7 000 cas par jour, et les réanimations ne sont pas pleines, il n'y a pas grand-chose," constate-t-il.
[NDLR: A ce stade, les autorités évoquent d'autres hypothèses pour expliquer le taux relativement faible d'occupation des services de réanimation. Selon elles, le virus se serait davantage propagé dans la population jeune cet été, moins susceptible de développer des cas graves.]
Le Conseil de l'Ordre réagit
Dans un bref communiqué de presse, le Conseil de l’Ordre des médecins explique qu'il a été saisi par des patients de plusieurs plaintes contre le docteur. Le conseil rappelle que "des règles de distanciation et le port du masque ont été instaurés par l’État en vue de protéger la population", et qu'il "entendra les explications du médecin", et "en tirera toutes les conséquences". Les autorités du ministère de la Santé, que nous avons sollicité pour réagir aux prises de positions du docteur Bellier, n'étaient pas disponibles pour répondre à nos questions.Une amende de 135€
Mardi 1er septembre, le Rhône a été placé en zone "rouge" de circulation active de la Covid-19. A Lyon et Villeurbanne, le port du masque est obligatoire dans l’espace public pour toute personne de 11 ans, à l'exception des cyclistes et joggers. Les personnes qui ne respectent pas cette mesure peuvent se voir infliger une amende de 135 €. En cas de récidive dans les 15 jours, l'amende passe à 1 500 €. En imposant ces mesures, la préfecture expliquait poursuivre 2 objectifs : "limiter la propagation du virus pour protéger les plus fragiles et éviter toute tension avec notre système de santé, et éviter un reconfinement, et d’éventuelles lourdes conséquences pour les tissus économique, culturel et social."*Etude de la Johns Hopkins University