"Le bâtiment, c'est pas pour les filles !", et pourtant, elles ont choisi de se reconvertir comme plombières ou électriciennes

La Bâtisse, un centre de formation unique, à Lyon, permet à des femmes d'accéder aux métiers du BTP. Elles renoncent à des carrières plus typiquement féminines pour se lancer dans un secteur - le bâtiment - qui manque de main-d’œuvre mais doit encore s'ouvrir à la diversité.

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Sous les équipements de travail et derrière les lunettes de soudure, on ne distingue pas immédiatement le genre de ces élèves en plomberie chauffage. Il faut s'approcher pour s'apercevoir que la classe est composée à 90% de femmes.

Ce jour-là, la deuxième promo de la Bâtisse se forme à la pose et à la mise en service d'un lavabo. Chacune dans un box de l'atelier, Isabelle, Stéphanie, Marilu ou Cihame se mettent au travail, outils et matériel en main. 

Âgées d'une trentaine ou d'une quarantaine d'années, ces apprenties sont en pleine reconversion. "Moi, j'étais dans l'import-export", explique Camille. "C'était beaucoup de pression et nos dossiers s'étalaient sur 6 mois, avec plein de problèmes. J'aime bien les problèmes, mais je préfère ceux qui sont concrets : une fuite d'eau, une fuite de gaz... On répare, ça marche, c'est gratifiant !", ajoute-t-elle dans un sourire.

"Jeune, ça n'est venu à l'idée de personne de m'orienter vers le bâtiment"…

Grâce à cette formation proposée par la Bâtisse, la jeune femme réalise un vieux rêve : "Ça fait un moment que je voulais conduire des engins de chantiers, ou faire un truc comme ça ! Mais quand on est une fille, on nous incite à pousser le plus loin possible ses études pour finir cadre sup dans le marketing ou les RH... Et si on n'est pas dans le moule des études supérieures, on nous oriente vers le médico-social ".

Même schéma pour Stéphanie, qui se réoriente après une carrière dans le tertiaire. "Comme j'étais une fille, je n'avais jamais envisagé un métier du bâtiment. Pourtant, j'ai toujours été bricoleuse, j'ai toujours aimé les tâches manuelles. Alors, à plus de 40 ans, lorsque j'ai voulu me reconvertir, j'ai choisi un secteur où il y avait du travail et où on accepterait de prendre des femmes. Ce sont souvent les secteurs en tension qui acceptent de bouger les lignes."

Les secteurs en tension font une petite place aux femmes

Dans le BTP, 200 000 postes sont non pourvus, mais on compte seulement 1% de femmes sur les chantiers. Plombiers, chauffagistes, électriciens : ces professions sont d'ordinaire conjuguées au masculin dans les formations et les entreprises... La Bâtisse s'est donc donné pour mission de renverser les idées reçues et de lever les freins à la féminisation des métiers du bâtiment. Romain Bérodier, fondateur du centre d'apprentissage, identifie deux obstacles majeurs : "Il y a un frein lié au cadre de formation : en tant que femme, on s'y retrouve en minorité, voire seule, donc isolée, sans pair, sans rôle modèle, au risque de se démotiver ou d'abandonner. Il y a aussi un frein important lié à l'insertion professionnelle : les femmes rencontrent des difficultés à trouver un employeur, à s'insérer durablement dans les métiers du bâtiment."

L'alternance permet de s'ouvrir des portes : après 3 mois intensifs à l'école, Lucie poursuit sa formation dans une entreprise d'électricité. Elle y passera 9 mois parmi des collègues 100% masculins. Ses premières impressions sont plutôt encourageantes : "Je n'ai jamais subi de remarques directement sexistes", témoigne-t-elle. "Mais ma présence suscite la surprise, je la lis dans le regard des fournisseurs ou des clients. Il faut donc croire en soi pour s'affirmer malgré tout".

Pour Arnaud Rollet, électricien et patron de Lucie, féminiser l'équipe apparaît comme une solution face à la pénurie de main-d’œuvre, mais c'est aussi un vrai choix : "On a observé que les profils féminins sont particulièrement consciencieux, avec beaucoup de méthode, alors rien n'empêche de recruter des profils féminins et masculins."

Tout n'est pas rose pour autant : de retour de leur stage en entreprise, certaines apprenantes rapportent des expériences difficiles. Celle de la dureté du métier : les charges lourdes à porter, les travaux à l'extérieur par tous les temps, les risques liés à l'usage de certains outils... Mais aussi celle du sexisme ordinaire qui joue souvent les prolongations. Marilou se souvient de ce collègue qui lui a dit clairement que, selon lui, la place de la femme est à la cuisine, et que son rôle, c'est de faire des enfants, pas de travailler dans le bâtiment.

Les remarques passent parfois par des plaisanteries plus ou moins drôles, comme le raconte Camille : "Moi, je me suis sentie rabaissée, quand, par exemple, au moment de débriefer un chantier on nous disait : vous vous en êtes bien tiré pour une équipe 4, enfin de 3 et demi !" Et de conclure : "Ça demande quand même de partir un peu équipé, de se couler dans l'acier, pour ne pas se laisser marcher sur les pieds."

Ces femmes sont des pionnières. Avant l'ouverture de la Bâtisse, il n'y avait que deux plombières, à Lyon. La première promotion en a formé une vingtaine en plus et chaque nouvelle année va féminiser un peu plus les métiers du BTP, car elle envisage de doubler ses formations. De quoi changer les mentalités, pour Romain Bérodier : "Désormais, quand on appelle quelqu'un pour faire de la plomberie, ça peut être une femme."

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