"Le wokisme est un cancer intellectuel", dénonce l'ancien président du Forum Gay et Lesbien de Lyon

Après quatre années de présidence, Philippe Dubreuil ne s'est pas représenté à la tête du Forum Gay et Lesbien de Lyon. Il s'explique.

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Philippe Dubreuil jette l'éponge, non sans un brin d'amertume après 25 ans de combats. Ce militant de la cause homosexuelle a passé ces quatre dernières années à la tête du Forum Gay et Lesbien de Lyon. Aujourd'hui il renonce mais rompt le silence, ou plutôt "le tabou". L'ancien président de l'association lyonnaise dénonce "l’emprise du mouvement “woke” sur la militance LGBTI depuis plusieurs années". 

Du verbe anglais "to wake", "se réveiller", le terme est né outre-Atlantique. Il désigne le fait d’être conscient des injustices subies par les minorités ethniques, sexuelles, religieuses, ou de toutes formes de discriminations. Le mot s’est répandu au sein de sphères militantes. 

"Lanceur d'alerte"

"Je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas!" Le quinqua n'hésite pas aujourd'hui à se présenter comme un lanceur d'alerte. Dans un long texte publié sur les réseaux sociaux le 7 février dernier, Philippe Dubreuil s'explique à travers ce qu'il dit être son "bilan moral". Un long texte argumenté sur les raisons de sa mise en retrait. Redevenu simple bénévole permanent au sein de cette association qu'il respecte, il ne se sent plus à présent tenu par un "devoir de réserve". 

Au sein du Centre LGBTI Lyon qui regroupe une trentaine d'associations, chacune dispose d'une voix, peu importe son poids. Dans son texte posté sur Facebook, l'ex président déplore l'emprise croissante du mouvement "woke" sur le Centre LGBTI Lyon. 

"Ces mouvements woke sont arrivés petit à petit dans l'association LGBTI, avec un projet politique vague; des jeunes souvent virulents qui prônent la déconstruction de la société. Ils ne veulent plus de ce qui fait la société actuelle, ils veulent en découdre", précise-t-il.

L'ancien président du Forum Gay et Lesbien de Lyon fustige cette nouvelle génération de militants "ultra" qui a "pris le pouvoir" et qui brandit l'étendard de la lutte contre une "homophobie systémique", "le fascisme" et "la répression de l'Etat". Un comble pour l'ancien président, militant depuis un quart de siècle à Lyon. Ce que Philippe Dubreuil dénonce aujourd'hui, par-dessus tout, c'est "une absence totale de débats et de dialogues" avec ces radicaux.

On est dans l'idéologie en permanence. Avec ces gens, la discussion est impossible. Vous n'êtes pas d'accord avec eux, vous êtes traités de fasciste !

Philippe Dubreuil

"Le Centre LGBTI Lyon qui nous héberge prend de plus en plus de pouvoir (...). Les règles qui nous sont imposées me sont devenues insupportables jusqu’à me faire regretter notre intégration dans cette structure qui était au départ, fédérative", déplore-t-il. 

"fourre-tout intellectuel"

Un activisme marqué par une farouche volonté d'ouverture aux autres, c'est ce qui caractérise notre militant. "Je ne suis pas pour la discrimination positive, je suis POUR l'égalité des droits !" insiste-t-il. Pendant 25 ans, j’ai milité pour l’égalité des droits entre les personnes LGBTI et hétéros; contre les discriminations envers les homosexuels et les transsexuels !"

Jamais je n'ai rencontré autant d'intolérance en 25 ans de militantisme ! Le wokisme est un cancer intellectuel !

Philippe Dubreuil

Des combats qui ont porté leurs fruits. Ces deux dernières décennies ont été marquées par des avancées législatives majeures en France, telles que le PACS ou la loi sur le mariage, la PMA. Mais aujourd'hui, on s'éloigne du sujet, selon lui. Et les nouveaux combats, agrégés dans "fourre-tout intellectuel", le laissent sceptique.

“Je ne me reconnais plus dans leurs nouveaux combats que sont l’intersectionnalité, la convergence des luttes des minorités contre la société, la lutte contre l’islamophobie exclusivement, le néo-féminisme, la non-mixité choisie sorte de nouveau communautarisme, le néo-décolonialisme, la discrimination positive, la suppression du genre", énumère Philippe Dubreuil  dans son message posté sur Facebook. Sa crainte : que ces nouveaux mots d'ordre ne viennent porter préjudice au travail des associations et à leur crédibilité.  

Ignorance et indifférence

Les activistes de 2022 se souviennent-ils qu'à l'été 1982, une loi mettait fin à la pénalisation de l'homosexualité après de longs combats ? L'ancien président de FGL pointe du doigt une mouvance animée par une génération militante amnésique. Ou plutôt ignorante des combats de ses aînés. Pire encore : indifférente

"L'ancienne génération, on est chassés, on est des vieux cons ! Ils ne reviennent pas sur l'histoire militante", déplore l'ancien président. Et il ne manque pas de souligner leur absence lors des commémorations rendant hommage aux déportés pour motif d'homosexualité. 

D'une marche à l'autre

Autre symbole d'un activisme qui a changé de mains : la traditionnelle Marche des Fiertés. Pour Philippe Dubreuil, l'avant-dernière Marche lyonnaise, en 2019, a été "un fiasco". Il n'hésite pas d'ailleurs à parler de "sabotage". Le cortège s'est retrouvé "bloqué" dans les environs de la Place Bellecour. "Les Pink Blocs ont tout fait pour bloquer la Marche, nos revendications n'étaient pas assez virulentes", condamne-t-il. Loin de l'esprit d'ouverture des éditions précédentes. 

Quant à la Marche "sectorisée" de juin 2021 à Lyon, le temps ne semble pas avoir calmé l'indignation de ce militant historique : "Je n'y ai pas participé, ce jour-là je suis allé à la pêche ! Le Forum Gay et Lesbien de Lyon a refusé d'y participé officiellement alors qu'il a toujours participé à toutes les Marches, depuis 25 ans !"

Le Forum Gay et Lesbien de Lyon est une association "ouverte à tous" rappelle son ancien président. 

Le Centre LGBTI+ Lyon répond

Contactée la présidence du centre LGBTI+ Lyon répondait le 3 mars dernier. Une réponse mesurée et argumentée. « La défense de TOUTES les minorités est-elle létale pour le cerveau ? » s’interrogent les responsables, évoquant le « Wokisme » qualifié de « cancer intellectuel » par Philippe Dubreuil, ancien président du Forum Gay et Lesbien de Lyon.

Car, le centre LGBTI+ Lyon tient en préambule à rappeler que son objectif premier, « inscrit dans ses statuts », est « la défense de TOUTES les minorités ». Un préalable fondamental pour le centre qui regroupe plus de 35 associations adhérentes à ce jour.

Le Centre LGBTI+ Lyon rappelle surtout que ses actions s’inscrivent dans « la lutte contre toutes les violences et discriminations dont sont victimes les personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelles ou supposées ». Un champ d’action très large dans la lutte contre le sexisme, le racisme et encore la sérophobie.

Le centre LGBTI+ Lyon  rappelle également qu’il a vocation à agir en faveur de « l'égalité des droits et de la santé physique et mentale des personnes lesbiennes, gays, bis, trans, intersexes et +. ». Ses actions militantes  visent « la reconnaissance, la visibilité et l'épanouissement des modes de vie des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, intersexes ou de toute autre personne en interrogation sur son orientation sexuelle ou son identité de genre ».  

Sur la question plus précise de l’organisation de la dernière Marche des Fiertés à Lyon, une marche sectorisée pointée du doigt par Philippe Dubreuil, ancien président du Forum Gay et Lesbien de Lyon, la présidence explique que l’organisation est assurée l’association CFL et non par le centre LGBTI+ Lyon. La présence de groupes non mixtes en début de cortège avait un objectif : « offrir à ceux et celles qui le souhaitaient un espace « safe », et en laissant tout le reste du cortège ouvert à tous et à toutes. »  

Pour le centre lyonnais, qui se veut « apartisan » mais pas apolitique, l’ouverture à tous reste cependant le maître-mot : « Le centre LGBTI+ de Lyon est et sera toujours une espace d’accueil des associations adhérentes, de leurs membres, bénévoles et invités dans le respect de notre règlement intérieur, (document disponible), assurant sérénité et tranquillité », est-il précisé.

Enfin, pour Claire Lamberti et Frank Deleau, co- présidents du centre LGBTI+ la reconnaissance des combats des militants d’autrefois n’est pas oubliée. Bien au contraire: « Le centre a des valeurs universelles de tolérance, peu importe la couleur de la peau, la religion et autres «paramètres » des personnes. Le centre pense que cette ouverture est gage de progrès pour le futur et les jeunes générations, en se souvenant toujours de l’investissement de ceux et celles ayant milité dans le passé et continuant dans le présent. »

Enfin le centre précise sur les combats d’aujourd’hui : «demander des droits égaux a des minorités dans la minorité LGBTI+ est un avancement analogue à celui d’ouvrir des droits égaux entre les personnes LBGTI+ et les personnes hétérosexuelles, ni plus, ni moins. »   Le centre LGBTI+ ajoute en conclusion, que « ce sont les associations adhérentes qui ont le pouvoir ! On ne peut pas être plus démocratique que cela ».

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