Il y a quarante ans, à l'été 1982, une loi mettait fin à la pénalisation de l'homosexualité. A Lyon, Michel Chomarat, activiste gay et spécialiste de la mémoire LGBT, revient sur le climat qui a précédé cette mesure. Dans les années 70, il a lui-même vécu la répression subie par les homosexuels.
"Nous avons été arrêtés pour outrage public à la pudeur". Michel Chomarat se souvient de l'affaire du Manhattan en avril 1977. Ce soir-là, la police fait irruption dans ce bar parisien lors d'une soirée privée. Il est alors un jeune "provincial" homosexuel, un Lyonnais qui "monte" régulièrement à Paris "pour se distraire le week-end". L'affaire enfle, fait les gros titres. Le jeune homme est condamné à une amende pour "outrage public à la pudeur". "On était 13 au départ et on avait été condamnés à 500 francs d'amende, vraiment le strict minimum. Ce qui prouve que l'accusation était très faible." Elevé dans un milieu "très politisé", le jeune homme décide de porter son dossier jusqu'en appel, puis en cassation. L'affaire est alors largement médiatisée.
"Il ne fallait pas que ça se sache"
"A l'époque quand les gens étaient arrêtés pour ce genre de chose, il y avait souvent un article dans la presse locale. Certains perdaient alors leur travail, d'autres ont été poussés jusqu'au suicide. Il ne fallait pas que ça se sache," raconte le Lyonnais.
Entre pression sociale, poids familial, réprobation ou encore peur du scandale, le climat est étouffant pour les homosexuels. "On était perçu comme des êtres de seconde zone." Michel Chomarat ne mâche pas ses mots, évoque même un "climat répressif" pour les homosexuels durant cette décennie 70 qui avait pourtant vu la légalisation de l'IVG ou encore l'abaissement de la majorité à 18 ans. Il évoque un "climat de répression dans l'espace public", avec arrestations "assez tendues" et fichage.
Et les jeunes homosexuels payaient parfois le prix fort pour vivre leur sexualité : "l'homosexualité, certains l'assumaient plus ou moins; bien ou mal. Le seul moment où ils pouvaient l'exprimer c'était souvent la nuit, avec tout ce que ça comportait de risques et de provocations notamment de la part de la police. Il fallait être très fort, solide," raconte l'activiste gay.
"J'ai fait le boulot !"
Avec le tournant des années 80 et l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand, un changement dans les mentalités commence à s'opérer. Michel Chomarat participe à sa manière, distribue des tracts, "fait le boulot". En 1981, la France retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales.
L'autre grand pas en avant, c'est en 1982 avec la suppression de toute pénalisation de l’homosexualité impliquant des personnes de plus de 15 ans. La loi du 4 août 1982 supprime le dernier texte pénal stigmatisant les relations homosexuelles. La loi a aussi mis concrètement un point final à certaines pratiques : "la police ne poursuit plus, ne fiche plus les homosexuels," résume Michel Chomara.
Depuis de nombreuses années, Michel Chomarat explique et expose depuis de nombreuses années sur cette question. Il a même déposé un important fonds documentaire à la Bibliothèque de Lyon qui illustre des décennies de combats.
"C'est un ensemble de choses qui ont conduit au PACS (en 1999), au mariage, à l'adoption... il a fallu passer par là où je suis passé. Aujourd'hui, je rencontre des gens qui me disent RESPECT !". Mais l'activiste Lyonnais reste en alerte et invite les jeunes générations à ne pas baisser la garde. "C'est un combat permanent. C'est ce que je dis aux plus jeunes, rien n'est acquis ! Il faut être très prudent."