Les restaurants et les bars font du bruit ce vendredi 2 octobre en milieu de journée, pour protester contre les mesures qu'ils jugent trop contraignantes à leur encontre dans la lutte contre le coronavirus.
Ce vendredi à 11h45, les patrons de restaurants, hôtels, cafés, brasseries, traiteurs, bars et discothèques vont "faire du bruit" devant la porte de leurs établissements, un brassard noir au bras, notamment à Lyon.
Ils refusent de "mourir en silence"
Répondant au mot d'ordre du médiatique chef bordelais Philippe Etchebest, relayé par la principale organisation patronale du secteur, l'Umih, ils disent refuser de "mourir en silence", après avoir vu leur activité laminée par 3 mois de fermeture dus au confinement, puis les restrictions imposées depuis la semaine dernière par le gouvernement.Toutefois jeudi 1er octobre, les restaurateurs ont eu le sentiment, en écoutant le ministre de la Santé Olivier Véran, de "commencer à être entendus": le gouvernement "s'est montré sensible à la proposition de la profession de renforcer le protocole sanitaire" pour maintenir ouverts leurs établissements, a réagi l'Umih dans un communiqué.
Prise de température à l'entrée
S'ils sont validés, ces protocoles permettraient aux établissements de rester "tout ou partie" ouverts même dans les zones d'"alerte maximale" au Covid-19, a indiqué Olivier Véran.Ils comprennent trois mesures phares selon Roland Héguy, président de l'Umih:
- La prise de température des clients à l'entrée des établissements
- Le recueil de leurs coordonnées sur un cahier afin de les prévenir en cas de potentielle contamination
- La limitation des groupes de convives à 8, contre 10 actuellement
Le ministre de la santé a indiqué que si ces nouvelles règles sont assez strictes, elles "pourraient permettre aux restaurants, y compris en zones d'alerte maximale, de rester en tout ou partie ouverts".
Ce gérant prend déjà la température des clients
Dans le "café 203" de la rue Servier à Lyon, la porte est ouverte jusqu'à 01h. du matin. L'établissement est déjà aménagé pour la période de covid.
"36,3. 35,8. C'est bon installez-vous. Mais essayez de garder la distance avec la table voisine": depuis une semaine le gérant, derrière sa visière et avec une blouse blanche et des gants jetables, prend déjà la température sur le front de ses clients à l'entrée, uniquement quand il y a beaucoup de monde au même moment, dans son bar comme dans son restaurant.
"Je leur explique que c'est pour le covid. En général ça les intéresse parce que ça leur donne leur température! On rend service en quelque sorte " nous dit-il en souriant.
Il prévient à 21h ses clients qu'il ne pourra plus servir d'alcool après 22h. A cette heure-là, il leur propose donc de s'asseoir au restaurant, en leur proposant des verres d'eau, pour continuer les moments de convivialité. "Quand on vient chez nous, c'est pour le plaisir d'être ensemble. L'alcool est un accessoire de ce moment festif. S'il n'y en a pas, on peut conserver le moment festif."
Lettre ouverte au Président: "Un restaurant, c’est l’incarnation d’un pays"
Dans une lettre qu'il a rendu publique, le chef lyonnais et Meilleur Ouvrier de France William Jacquier invite le Président Emmanbuel Macron à sa table. Selon lui, 20% seulement des restaurateurs "réussisent à garder la tête hors de l'eau", 50% ont eu recours à un prêt relais, 30% d'entre eux l'auraient déjà épuisé. Il faudrait selon lui augmenter de 30% le chiffre d'affaires, "avec une capacité d'accueil réduite d'autant."
"J’ai la passion de mon métier. Mon restaurant fêtera le 7 novembre ses 103 ans. Grâce au travail accompli durant toute ces années, j’ai l’honneur de représenter le savoir-faire et l’excellence françaises à travers le monde" dit-il.
"Les moyens mis en oeuvre ne font que ralentir la chute. Nous ne pouvons demeurer dans l’incertitude et continuer à naviguer sans phare ni boussole. Il faut un cap. Cessons d’imposer des décisions qui nous mènent au naufrage !"
Il ajoute : "Un restaurant est l’expression de liens privilégiés avec les producteurs et les artisans locaux, les professionnels du tourisme et la société dans son ensemble. Un restaurant, c’est l’incarnation d’un pays, d’un lieu, d’une culture. Un restaurant, c’est pour chacun d’entre nous le lieu marquant d’une rencontre et de retrouvailles en famille et entre amis. Un restaurant, c’est tout cela et c’est tout cela que nous sommes en train d’anéantir ! Appliquons des solutions simples à effet
immédiat comme l’aménagement des charges au mois le mois, le temps que les choses rentrent dans l’ordre. C’est une mesure d’urgence et de sauvegarde. Il en existe d’autres pleines de bon sens. Définissons les ensemble !"
"Le deuil de la profession"
Le chef Fabrice Bonnot, du restaurant Cuisine et Dépendance dans le 2e arrondissement de Lyon, nous explique "porter le deuil de sa profession" et décrit une situation déjà très compliquée depuis le début du mois de juin.
Il s'étonne des nouvelles propositions de sa profession car chez lui, les coordonnées des clients sont déjà prises puisque toutes les places sont attribuées sur réservation, le plexiglas est déjà installé, comme le gel hydroalcoolique : "Nous avons mis en place toutes les mesures depuis le 5 juin. Aujourd'hui on ne peut pas faire mieux. Ça a été un très lourd investissement, mais je pense qu'on devait rassurer la clientèle. Tout le monde n'a pas encore le déclic de venir dans les restaurants. On va nous demander de fermer alors que notre situation est fragilisée. On ne peut pas refermer. Même fermer nos restaurants à 22h, c'est impossible. 95% des restaurants français ont appliqué les mesures parce qu'ils ont pris la dimension de la gravité."
Il a fait du bruit en tapant sur une casserole avec quelques collègues qui participaient malgré une météo exécrable.