Jusqu'à ce jour, l'origine de la forme du chou, et notamment du chou romanesco, demeurait une énigme. Après treize ans de recherches associant biologie et mathématiques, des scientifiques n'ont pas fait chou blanc : ils sont parvenus à percer le mystère. L'étude est publiée dans la revue "Science".
Le chou romanesco possède l’une des formes végétales les plus singulières et sa formation restait jusqu'à présent un mystère. Il vient d’être résolu par une équipe menée par des chercheurs du laboratoire de Physiologie Cellulaire & Végétale, en collaboration avec le laboratoire reproduction et développement des plantes (CNRS-ENS Lyon-INRAE). Plusieurs universités étrangères sont également impliquées dans l’étude.
Chou-fleur, chou de Bruxelles, brocoli, chou romanesco... les variétés de brassicacées ont en commun une abondance de tiges comestibles. Cette spécificité est le résultat d'une "guerre de territoires" génétique, expliquent François Parcy (CNRS) et Christophe Godin (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique), principaux auteurs d'une étude qui fait la couverture de la revue Science.
Une fascination pour le chou romanesco
Le premier, biologiste des plantes, s'intéressait au chou ; l'autre, mathématicien, modélisait des mécanismes de croissance végétale. Avec une fascination partagée pour le romanesco et ses multiples terminaisons pyramidales, rappelant les structures en fractale.
Cette forme géométrique, dite "infiniment morcelée" ou "autosimilaire", a la particularité de se révéler à l'identique, quelle que soit l'échelle d'observation. Pour comprendre la morphogenèse du chou, "on s'est fait aider par une cousine de laboratoire", raconte François Parcy. L'Arabidopsis thaliana, plante dont deux mutations génétiques transforment les fleurs en choux.
"Architecte floral"
Les chercheurs ont analysé les luttes d'influence entre les gènes qui régissent la production de feuilles, de tiges ou de fleurs, et mis en évidence le rôle d'un "architecte floral".
"Ce gène décide de l'endroit où une fleur doit se former mais il n'est pas capable de faire le boulot tout seul. Il convoque des renforts pour repousser les gènes de tige. Chez le chou, ces renforts sont absents et les gènes de tige envahissent alors le territoire pour en refaire une", explique le biologiste.
Mais le processus ne s'arrête pas là car le bref passage des cellules de tige à un état de fleur affecte leur "mémoire" ; à la différence des tiges normales, elles poussent sans feuille et le phénomène se reproduit "quasiment à l'infini".
"Finalement, un chou est fait de bourgeons destinés à devenir des fleurs mais qui n'atteignent jamais leur but", résume François Parcy. "Et le fait que l'architecte floral ait déclenché certaines choses désinhibe les bourgeons de tige qui refont alors des pousses", complète Christophe Godin.
Les bourgeons se transforment en tiges qui à leur tour tentent de produire des fleurs et ainsi de suite. Le chou naît d'une réaction en chaîne qui provoque un amoncellement de tiges sur des tiges.
Quelle différence entre un chou-fleur et un romanesco ?
Chez le second, la production de tiges s'accélère, alors qu'elle est constante chez le premier : cela donne un aspect pyramidal à chaque fleurette en faisant ressortir l'aspect fractal en relief. Les chercheurs ont testé cette hypothèse sur l'Arabidopsis et ont obtenu des petits choux de forme conique, "pas tout à fait romanesco mais déjà un peu romanesco", aux yeux d'un collègue allemand enthousiaste.