Marine le Pen comparaîtra, mardi 20 octobre, en correctionnelle à Lyon pour avoir comparé, en 2010, les prières de rue des musulmans à l'Occupation, une première pour celle qui a fait exclure son père du FN au nom de ses provocations répétées.
A six semaines des élections régionales, la présidente du parti se rendra devant la 6e chambre, celle de la presse, du tribunal de grande instance: "Je ne vais pas rater une telle occasion", avait-elle assuré il y a un mois à l'annonce de son renvoi devant la justice.
Elle comparaîtra pour "provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion", assistée de son avocat, Me David Dassa Le Deist. Elle encourt une peine d'un an d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.
Elle fera face à quatre parties civiles, dont le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF, ex-Association de défense des droits de l'Homme), qui avait déposé plainte dès le 1er décembre 2011, et le Mrap, qui s'était constitué partie civile
en janvier 2013.
Deux autres structures se sont greffées récemment aux plaignants initiaux: l'Observatoire national contre l'Islamophobie du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) et la Ligue judiciaire de défense des musulmans, association présidée par l'avocat Karim Achoui.
Les propos incriminés remontent à décembre 2010 à Lyon. Le temps de la "dédiabolisation" était déjà venu, et pourtant: lors d'une réunion publique de militants du Front National à la salle du pavillon du parc de la Tête d'Or, Marine Le Pen,
alors en campagne pour la présidence du parti face au Lyonnais Bruno Gollnisch, avait dénoncé les prières de rue des musulmans en les comparant à l'Occupation.
"Je suis désolée mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s'il s'agit de parler d'Occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça c'est une occupation du territoire", avait déclaré Mme Le Pen sous les applaudissements. Et d'ajouter: "C'est une occupation de pans du territoire, des quartiers, dans
lesquels la loi religieuse s'applique, c'est une occupation. Certes, il n'y a pas de blindés, pas de soldats, mais c'est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants".
Ces propos avaient suscité un tollé dans la classe politique et parmi les associations antiracistes. Une première enquête avait été classée en 2011 et le CCIF avait saisi le doyen des juges d'instruction, déclenchant l'ouverture d'une information judiciaire en janvier 2012. En votant le 2 juillet 2013 la levée de son immunité parlementaire, le Parlement européen avait ouvert la voie à une mise en examen de Mme Le Pen.
A plusieurs reprises, depuis l'annonce de sa convocation au tribunal, la présidente du FN a assuré qu'elle ne parlait d'"occupation" qu'avec un petit "o", sans faire référence à la Seconde Guerre mondiale. Elle compte profiter de ce procès pour dénoncer le "fondamentalisme" et une classe politico-médiatique française qui y serait soumise. "Je sais sur quel plan elle va se défendre: elle va essayer de porter confusion entre islamisme extrémiste et simple musulman. En réalité, elle vise évidemment les musulmans", souligne Samy Debah, président du CCIF.
"Aujourd'hui dans au moins deux municipalités frontistes, les maires se sont opposés à la construction de mosquées. On ne peut pas se plaindre des prières de rue qui sont le résultat d'un manque de places et s'opposer dans le même temps à l'ouverture de lieux de cultes dignes", fait valoir M. Debah. "Lorsqu'on tient ce genre de propos face à des partisans du FN, qu'est-ce que ça peut engendrer dans leur esprit? Du mieux vivre ensemble ou de la discrimination et de la haine? On sait très bien qu'on ne vise pas les moines tibétains, c'est bien la communauté musulmane qui est visée", ajoute Me Khadija Aoudia, l'avocate de l'Observatoire du CFCM.