Yaya est un jeune ivoirien de 22 ans parfaitement intégré en France. Jeudi 25 avril, il était entendu devant la cour d’appel du tribunal administratif de Lyon. Il demande l’annulation de son obligation de quitter le territoire français.
Jeudi 25 avril, 11 heures. Yaya est assis dans la cuisine de son appartement lyonnais. Le jeune homme de 22 ans devrait être au travail. Au lieu de ça, "par le hasard des choses, je me retrouve coincé à la maison", confie l’immigré ivoirien.
Ce hasard des choses, c’est une décision de la justice française. En mars 2023, Yaya obtient une réponse défavorable à sa demande de titre de séjour effectuée trois ans auparavant. Pire encore, il reçoit une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Résultat, son employeur se retrouve obligé de suspendre son CDI signé en janvier 2023. Yaya était opérateur d’embouteillage à Saint-Priest, près de Lyon.
Un parcours exemplaire
"Je ne m’attendais pas à ce genre de choses. Je paye mes impôts. Ce n’est pas comme si j’étais embauché de façon frauduleuse, j’ai des traces, j’ai des fiches de paye", explique le jeune homme qui, en France depuis l’âge de 15 ans, ne comprend pas ce qui lui arrive. "On nous a dit la France, c’est le pays des droits de l’homme. Pour moi, c’est une sorte de maltraitance", renchérit-il.
Dans le dossier, son heure de naissance en Côte d’Ivoire ainsi que le lieu dans lequel a été enregistré l’acte font tiquer la Préfecture. Et d’une suspicion, ils suspendent les droits du jeune homme, sans prendre en considération son parcours exemplaire.
C’est ce que reproche Michelle François, membre du collectif Jeunes RESF69. Elle était jeudi 25 avril présente à la cour d’Appel du tribunal administratif de Lyon pour soutenir Yaya dans sa demande de levée de son OQTF.
"On a suivi sa scolarisation, c’est-à-dire sa scolarisation parfaite. Il a eu un CAP au lycée François Sévère, il a eu un bac pro en apprentissage et puis il a été intégré dans l’entreprise qui l’avait formé en apprentissage pendant deux ans. Il a été embauché, d’abord en CDD, puis en CDI au moment où est tombée cette fameuse obligation de quitter le territoire", déclare Michelle, consternée.
"J’ai tout ici !"
La Lyonnaise décrit un jeune qui s’est parfaitement intégré à la société française, ce que Yaya confirme. "Le boulot me plaît. Il me permet d’être indépendant, de payer mes charges et de vivre comme n’importe quel citoyen qui sort le matin pour aller chercher son pain", souligne le jeune homme, qui n’est pas près d’abandonner son combat.
J’ai tout ici ! Depuis que je suis parti en 2017, je n’ai plus rien là-bas [en Côte d’Ivoire]. J’ai une famille d’accueil qui vit en Saône-et-Loire. Il y a la famille Phillipot qui est comme ma famille et madame Petrin qui habite à Charpennes et avec qui je suis pratiquement tous les week-ends. Je le dis, ma vie c’est ici !.
Yaya DiomandéJeune Ivoirien de 22 ans sous le coup d'une OQTF
À ses côtés, Michelle déplore une série d’abus dans ce dossier et fini par conclure tristement : "Dans la balance, l’intégration scolaire, professionnelle, sociale de Yaya, compte beaucoup moins que ces soupçons".
Une violation des droits fondamentaux
Ce schéma, l’avocate de Yaya l’observe souvent, beaucoup trop souvent.
On a des jeunes, qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance, qui ont toujours été reconnus mineurs pendant une large partie et à qui soudainement, lors de leur demande de titre de séjour, ou lors d’un renouvellement de titre de séjour, on va dire, ’ attendez, je trouve que dans votre état civil il y a un problème’ sans prendre la peine de vérifier auprès des autorités compétentes.
Sandrine RodriguezAvocate de Yaya Diomandé
À la barre, la jeune femme dénonce une violation des droits fondamentaux. Elle évoque notamment le non-respect de la présomption de minorité et du droit à l’identité.
"Comment la préfecture, éclairée par l’ensemble des décisions qui sont intervenues au niveau du comité des droits de l’enfant, au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme, a-t-elle pu se cacher derrière cet arrêt" - l’arrêt de la chambre spéciale des mineurs qui reproche à son acte de naissance le défaut de l’heure de naissance notamment", se questionne la spécialiste du droit des immigrés.
"Et pour le tribunal administratif, c’est encore moins incompréhensif. On n’écarte pas des actes d’état civil parce qu’il manque une virgule ou une heure de naissance avec les conséquences graves que ça entraîne", renchérit l’avocate. La Préfecture n’a pas souhaité s’exprimer concernant ce cas particulier.
Faute d’emploi lui permettant de payer son loyer, Yaya pourrait bien se retrouver à la rue. Il espère en rendu favorable de la cour d’appel administrative de Lyon qui devrait tomber d'ici à trois semaines. En attendant, Yaya garde le sourire et continue d’y croire.