Dans une lettre ouverte publiée sur le réseau social Linkedin, une responsable du SAMU social, Maud Bigot, tire la sonnette d'alarme. Elle dénonce : ce vendredi 16 août, un nourrisson de 11 jours a été laissé à la rue à Lyon. Cette lettre est avant tout "un cri du coeur".
"Cette fois c’est 11 jours… Ce vendredi 16 Août, le Samu Social, à Lyon, a laissé à la rue un nouveau-né de 11 jours. Ce soir je pense à toi, tout petit être", écrit Maud Bigot, directrice opérationnelle du Samu Social pour l'association Alynea. "Tout petit être, j’ai tellement honte de l’accueil qu’on te réserve sur cette terre. Ce sont des histoires d’argent et de politique, des gens qui décident que ça coûte trop cher que tout le monde soit logé", ajoute-t-elle un peu plus loin.
"On a honte"
Maud Bigot travaille depuis 15 ans dans le secteur mais n'avait jamais été obligée de laisser à la rue de si jeunes enfants. Plus qu'une lettre ouverte, son message est "un cri du cœur". Elle a voulu exprimer son sentiment d'impuissance et de honte face à la situation rencontrée par ces familles. "Aujourd'hui, on a honte. Quand on est face à une famille avec un nouveau-né de 5 jours (...) on ne peut rien faire. Il n'y a rien de normal à envoyer des travailleurs sociaux distribuer des couvertures à des nouveau-nés, il n'y a rien de normal à sortir de la maternité et se retrouver à la rue pour son premier jour", explique la responsable du Samu Social à notre équipe ce mercredi 21 août.
On a du mal à se regarder dans une glace, ça devient réélement insupportable. C'est insupportable parce qu'on n'est pas missionnés pour faire ça. Notre travail, c'est d'accompagner les gens à faire valoir leurs droits.
Maud Bigot
Et pour cette jeune femme, la situation est plus que préoccupante. "La situation est à un niveau de risque jamais atteint. Actuellement, le Samu Social rencontre à la rue des nouveau-nés qui sortent de la maternité. La semaine dernière, on a rencontré un nouveau-né de 11 jours. Lundi dernier, un nouveau-né de cinq jours et aucune solution n'a pu être trouvée dans le face-à-face avec la famille", déplore Maud Bigot. "Aujourd'hui, c'est un cri d'alerte qu'on lance. On dit toujours que les choses sont de pire en pire. Mais aujourd'hui, on est au pire ! Les femmes sortent de la maternité sans solution".
"Conjonction" de facteurs
Le 115 est régulièrement sollicité pour des hébergements d’urgences. En deux jours, huit femmes enceintes sur le point d’accoucher et neuf nourrissons de moins de trois semaines, nés pour la plupart à l'hôpital Saint Joseph Saint Luc, ont été signalés. Mais depuis mi-juillet, faute de prise en charge à la sortie de la maternité, certaines se retrouvent à la rue.
Pour Maud Bigot, cette situation est due à une "conjonction de plusieurs éléments", à commencer par un dispositif d'hébergement saturé et des logements privés inaccessibles, des délais de plus en plus longs pour obtenir un logement social. Crise du logement et du logement social oblige, les personnes entrées dans l'hébergement d'urgence n'en sortent pas. "14 000 personnes attendent aujourd'hui une place d'hébergement ou de logement", résume Maud Bigot.
Mais à Lyon, deux décisions ont changé la donne pour les nouveau-nés. Depuis mi-juillet, la Métropole de Lyon a cessé de prendre en charge les jeunes mamans et leurs nouveau-nés. Maud Bigot pointe du doigt cette décision de la Métropole de "ne plus héberger les familles relevant de sa compétence, soit les femmes enceintes de plus de six mois et les femmes seules avec des enfants de moins de trois ans".
S'ajoute à cette situation, la position de l'Etat qui demande "un critère de vulnérabilité supplémentaire au fait d'avoir un an". Jusqu'à cet été, il suffisait pour une femme d'être accompagnée d'un enfant de moins d'un an pour être considérée comme vulnérable.
Aujourd'hui, face à la situation de ces familles, la directrice opérationnelle du Samu Social en appelle, "à très court terme", à l'Etat "pour qu'il prenne le relais de la Métropole qui aujourd'hui n'arrive plus à assumer ses compétences". Elle poursuit : "on en appelle aussi à la Métropole pour qu'elle revienne sur sa décision de ne plus prendre en charge les publics qui relèvent de sa compétence." Pour elle, "cette crise peut être l'occasion d'un plan d'urgence au niveau territorial inédit".
Réactions
La lettre ouverte de Maud Bigot, publiée sur le réseau social Linkedin, a fait du bruit. La conseillère municipale Nathalie Perrin-Gilbert a publié une réaction ce lundi 19 août ou plutôt une interpellation à l'adresse de différents responsables politiques de gauche.
Lyon, c'est : 4 députés NFP, 1 maire NFP, 1 président de métropole NFP.
— Nathalie Perrin-Gilbert (@NPG_Lyon) August 19, 2024
Lyon, c'est aussi : un nourrisson de 11 jours à la rue la semaine dernière, un nourrisson de 5 jours à la rue ce matin, et d'autres à venir. #NFP @marinetondelier @faureolivier @mbompard @Fabien_Roussel
De son côté, la Métropole n’a pas donné suite à notre demande d'interview lancée ce mercredi 21 août. Quant à la Préfecture, elle rappelle qu’en dix ans, le parc d’hébergement d’urgence a plus que doublé pour atteindre 8000 places. Elle a cependant expliqué cette situation de ce blocage dans un communiqué : "Aujourd'hui, la fluidité du système est mise à mal pour diverses raisons : un accueil sur le temps long de nombreuses personnes qui n'ont pas de droit sur le sol français; des flux migratoires importants vers la métropole de Lyon alors que la tension sur le logement social est inédite".
Des enfants qui dorment dans les rues de Lyon, Maud Bigot est loin d'être la seule à s'en préoccuper. Le 14 août dernier, le collectif Solidarité entre femmes à la rue a également dénoncé une absence de prise en charge de mères et de leurs enfants et pointe du doigt "le désengagement soudain de la Métropole, au mépris de ses obligations légales". Selon "Solidarité entre femmes à la rue", 200 femmes et enfants du collectif seraient sans solution d'hébergement officiel.