Le Musée des Tissus, doté d'une exceptionnelle collection de textile, est fermé depuis 2021. Propriétaire de cette institution lyonnaise, la Région Auvergne Rhône-Alpes a envisagé d'importants travaux de rénovation et modernisation des bâtiments. Un projet ambitieux mais retoqué par une enquête publique. Les riverains restent inquiets.
Le projet de rénovation du Musée des Tissus est ambitieux : le chantier, confié à l'architecte Rudy Ricciotti, coûtera la bagatelle de 50 à 65 millions d'euros. C'est la somme nécessaire à cette institution pour sa renaissance. Le Musée, qui a vu le jour en 1864, est installé au cœur de la presqu'île de Lyon, rue de la Charité. Dans ses réserves des trésors : deux millions de pièces textiles, certaines très anciennes.
Un nouvel écrin a été pensé pour mettre en valeur et stocker ce patrimoine inestimable. Mais le projet est loin de séduire les riverains. L'idée de Rudy Ricciotti : reconstruire une extension de verre et de béton... une construction à moins d'un mètre des fenêtres des occupants des immeubles voisins.
"40 familles lyonnaises emmurées"
Sur le papier, le projet prévoit des extensions édifiées "à la limite de toutes les copropriétés", rue Auguste Comte et rue des Remparts d'Ainay. Des constructions à plus de 22 mètres de hauteur qui risquent de dépasser les bâtiments existants.
"Il va y avoir un mur qui va monter à plus de 20 mètres de hauteur, qui va emmurer tous les copropriétaires", explique Isabelle Belval. "On ne va plus rien voir !" s'exclame-t-elle. L'extension du Musée va boucher sa fenêtre. La présidente de l'association "Préservation du quartier du Musée des Tissus" est dépitée. Quid de la disposition des climatisations et évacuations d'air ? Les riverains s'interrogent et redoutent aussi d'être asphyxiés par les rejets d'air chaud.
Ils vont construire au ras des fenêtres, si bien qu'on va être emmurés, c'est incroyable !
Isabelle BelvalPrésidente de l'association "Préservation du quartier du Musée des Tissus"
"On ne sait pas où on va, ça nous empêche de dormir. On sera emmurés, c'est tout ce que l'on sait. Notre vie future, c'est d'être emmurés. C'est d'emmurer 40 familles. Il y a 40 familles concernées par l'extension du Musée des Tissus", martèle Isabelle Belval. Avec ses voisins, elle se bat sans relâche.
Les riverains dénoncent notamment l'opacité du projet mais aussi le mutisme des élus locaux. Aucune information depuis janvier 2021 selon cette habitante de la rue Auguste Comte. "On a tout essayé (...). On n'a aucune réponse, aucune information, aucune concertation (...).Tous ces gens-là nous abandonnent. Je pense que pour eux, on n'est rien", s'indigne Isabelle Belval qui explique avoir écrit à plusieurs reprises aux élus locaux concernant les projets d'extension du bâtiment.
Enquête publique : les réserves
Mais les riverains viennent tout récemment d'obtenir gain de cause. Les travaux nécessitaient la modification du Plan Local d'Urbanisme. Les commissaires de l'enquête publique ont jugé le projet trop flou et trop impactant.
La Métropole, responsable du Plan Local d'Urbanisme, avait dans un premier temps accepté de le modifier. La Région va devoir à présent revoir sa copie. Du côté de la Métropole, on dit avoir entendu les réclamations des riverains. L'avis de la commission d'enquête a été entendu, l'un des points de modification du PLU sera retiré, "retravaillé".
Un bâtiment trop haut et trop prêt des habitations. A la Métropole, on fait un mea culpa du bout des lèvres. "On savait bien que le projet était assez imposant dans cet environnement urbain contraint", admet Béatrice Vessiller, vice-présidente à l'urbanisme, tout en renvoyant la balle dans le camp de l'exécutif régional. "On a voulu permettre un projet culturel porté par une collectivité qu'est la Région. Il n'y avait pas de raison de faire une entrave. On a sans doute pas mesuré ensemble - la Région et Nous - que l'acceptabilité du projet, tel qu'il était à ce moment-là, serait aussi difficile. Mais c'est bien le but des enquêtes publiques", reconnait l'élue.
Les inquiétudes persistent
Pour les habitants du 2e arrondissement directement concernés par la construction, c'est un soulagement en demi-teinte. Ils n'en restent pas moins inquiets et se sentent lâchés. "On ne sait pas ce qui nous attend demain, ce qu'ils vont faire comme modification du PLU, sous quelle forme ... On ne sait rien", déplore Isabelle Belval. "On a l'impression d'être repartis à zéro. On a à nouveau une épée de Damoclès au dessus de la tête. On ne sait pas ce qu'on va devenir. On ne sait pas ce qui nous attend demain. On est super inquiets", explique-t-elle. L'incertitude persiste pour une quarantaine de familles.
De son côté, la Région n'entend pas abandonner le projet. Mais si une nouvelle modification du PLU est demandée, la procédure pourrait prendre deux ans. Les travaux du Musée des Tissus ne commenceraient pas pas avant fin 2024.