Pédophilie dans l'Eglise : le diocèse de Lyon opte pour le démontage des œuvres du "Picasso des églises", le prêtre Louis Ribes

Les diocèses de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble ont annoncé lundi avoir recensé une série d'agressions sexuelles sur mineurs commises dans les années 70-80 par Louis Ribes, un prêtre artiste décédé en 1994. En aparté de l'affaire proprement dite, il y a celle de ses œuvres qui décorent plusieurs paroisses dans la région.

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Le « Picasso des églises » tel qu'il était surnommé dans le monde ecclésiastique a beaucoup peint pour les lieux de culte et les entourages religieux, des propriétaires privés. S'il est difficile de dire le nombre d'oeuvres qui ont été peintes entre les années 50 et 70, le diocèse estime à une quinzaine de tableaux et une dizaine de vitraux qui décorent ou ornent les églises ou les cures. Face à la demande des victimes du père Louis Ribes dès le mois de juillet 2021 qui se disent blessées par le maintien de ces pièces, le diocèse de Lyon a unilatéralement pris l'option de les décrocher ou de les enlever.  

Informer les élus

Le diocèse de Lyon ne veut d'ailleurs plus en parler pour ne pas remuer le couteau dans la plaie. Les tableaux, qui appartiennent à l'autorité religieuse sont en cours de démontage ou s'apprêtent à l'être. "Pour les vitraux, c'est un peu plus compliqué dans la mesure où ils font partie intégrante des bâtiments, ce qui signifie qu'ils appartiennent aux communes", rappelle Christophe Ravinet, responsable de la communication du diocèse de Lyon. Autrement dit, il revient aux élus de procéder à leur traitement. Le diocèse, indique qu'un courrier devrait leur parvenir pour les en informer. "Ces lettres sont destinées à exposer les faits et expliquer dans quel contexte il est demandé de prendre une décision, selon leur choix".

De fait, la plupart des élus dont les églises sont concernées tombent des nues. Ils étaient loin d'imaginer que l'auteur de ces œuvres aie pu avoir un tel comportement criminel. Inspirés par le cubisme, les vitraux étaient très colorés, plutôt gais, et montraient des scènes bibliques avec un œil neuf. Ils faisaient le plus souvent l'objet de commandes de prêtres officiant dans des paroisses éloignées des centres urbains. C'est le cas à Saint-Catherine où l'on dénombre 6 à 8 vitraux dans les nefs latérales. Ou encore Pomeys, Dième, dans les Monts du Lyonnais, ou Les Sauvages et Chambost-Allières, dans les replis du Beaujolais entre Loire et Rhône, principalement dans les années 60. Mais pas exclusivement.  

Les maires héritiers d'une situation inédite  

Ainsi, à Saint-Catherine, les vitraux ont été placés dans les années 80, du temps de l'abbé Vuaillat, se souvient le maire actuel, Pierre Dussurgey, qui venait de reprendre la ferme familiale. Il avoue ne jamais les avoir plus appréciés que ça, à cause de leur style moderne. Jusqu'à il y a six mois, il ne connaissait même pas le nom du peintre. C'est au cours d'une visite organisée par le diocèse à la fin de l'été, qu'il en a su davantage sur les origines des vitraux. Aujourd'hui, découvrant l'histoire de leur auteur, il se dit dégoûté. "Je ne savais pas que ce prêtre était mêlé à ce type d'actes. Ca me met hors de moi, qui suis chrétien pratiquant".  Alors face à la demande du diocèse de les déposer, il répond "pourquoi pas mais par quoi les remplacer et avec quels moyens financiers."   

Enlever les vitraux, une "question philosophique" 

A une vingtaine de kilomètres de là, à Charly, le maire n'a pas encore pris position mais voit très bien de quels vitraux il est question. Ils avaient été commandés par le père Jacques Vignon, ils avaient été dessinés par le père Ribes et réalisés par un verrier lyonnais. Olivier Araujo considère qu'être informé par la presse et par un communiqué de presse du diocèse est un peu léger.

"C'est bien facile de déposer des tableaux, c'est plus compliqué quand il s'agit de vitraux. D'autant plus que nous sommes dans un secteur soumis aux règles des Bâtiments de France. Ce n'est pas nous qui pouvons seuls, comme ça, prendre la décision de le faire". Olivier Araujo, qui s'estime aujourd'hui héritier d'une situation, demande une explication au diocèse afin de comprendre leur démarche. "J'essaie d'être raisonné et d'être raisonnable. Mais pour des vitraux, ça implique des choses derrière. C'est presque une question philosophique : que fait-on des œuvres de personnes qui sont aujourd'hui condamnables ? Que ferait-on si c'était un peintre connu, reconnu ?" 

Sur ce point, le diocèse a un début de réponse. "Nous sommes en face de victimes vivantes susceptibles de voir ces œuvres. Ils savent que ces œuvres existent et cela les fait souffrir. C'est dans ce contexte de création que les blessés les considèrent, des tableaux ou des vitraux qui leur rappellent les moments où ils ont été les modèles de Louis Ribes", insiste le porte-parole du diocèse de Lyon en rappelant que l'église a clairement fait le choix de leur apporter satisfaction. Et peut-être du réconfort. 

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