Le tribunal de Lyon a annulé les deux ventes successives en 2015 et 2019 d'une maison située sur un terrain pollué à Grézieu-la-Varenne. Les vendeurs initiaux du logement et l'office notarial ont été condamnés.
Annulation des ventes de 2015 et 2019 et remboursement des victimes : c'est la décision rendue le 5 avril 2023 par le tribunal de Lyon dans une vaste affaire de terrains pollués à Grézieu-la-Varenne dans le Rhône. Le tribunal a estimé que les vendeurs et les notaires n'avaient pas informé les acheteurs successifs du logement concerné que la maison avait été bâtie sur le site d'une ancienne blanchisserie industrielle, dont le sol était pollué par des produits chimiques et cancérogènes.
Une maison construite sur un sol pollué
Audrey Marcodini fait partie des dizaines de victimes présumées de cette contamination des sols. L'affaire a éclaté en 2019, quand les habitants du Tupinier, un quartier de Grézieu-la-Varenne, découvrent qu'ils vivent sur un terrain pollué.
Une ancienne blanchisserie, installée sur ces terrains des années 50 aux années 90, avait laissé derrière elle de nombreux polluants particulièrement dangereux pour la santé. Audrey a appris que son terrain était pollué deux ans après l'achat de sa maison. Au moment de la transaction, aucune information sur cette pollution du sol ne lui avait été communiquée.
Des dizaines de victimes présumées
Hydrocarbures, métaux lourds, PCB... De nombreux polluants ont été détectés, à des niveaux très élevés, dans les sols du quartier, alors que des habitants habitaient au-dessus d'émanations nocives, et cultivaient parfois des potagers.
Du jamais vu, de l’aveu même des services de l’État. En théorie, la concentration dite "normale" de trichloroéthylène (TEC) est de 10 μg/m3. Dans la chambre de la fille d'Audrey Marcodini, le taux relevé était de 2137 μg/m3. Un choc. Audrey est alors informée par la Dreal qu’elle va être immédiatement évacuée. Sidérée, elle enchaînera après les événements un arrêt de travail de plusieurs mois.
Depuis, Audrey fait partie des nombreuses victimes à tenter d’obtenir justice. Une vingtaine de personnes se sont constituées partie civile dans le cadre de poursuites pénales, contre les vendeurs et offices notariés, accusés de ne pas avoir informé les acheteurs des risques encourus. La pollution avait été détectée dès le milieu des années 80, mais aucun vendeur ou notaire n’a signalé ces informations aux nouveaux propriétaires.
Les vendeurs, disant ne pas avoir été mis au courant de la pollution, se sont retournés contre Colette Mercier, fille du propriétaire initial de l’entreprise condamnée pour pollution. En 2015, elle avait vendu le bien à un jeune couple, sans évoquer cette contamination des sols. Elle assure n’avoir jamais été mise au courant de l’affaire.
Annulation des ventes et remboursement des acheteurs
Les magistrats ont donc conclu à l'annulation des deux ventes successives du logement en 2015 et en 2019. Ils ont condamné les notaires et Colette Mercier à rembourser les premiers acheteurs de la maison, qui devront eux-mêmes rembourser Audrey Marcodini, acheteuse en 2019. Selon maître Louise Tschanz, l'avocate d'Audrey Marcodini, sa cliente "a une réaction partagée face à la décision judiciaire. Elle est évidemment satisfaite que les personnes assignées aient toutes été condamnées mais elle est déçue que le préjudice lié à la perte de chance de réaliser une plue-value sur la vente de sa maison n'ait pas été pris en compte. En clair, elle craint de ne pas pouvoir racheter un bien de même valeur aujourd'hui".
Les notaires et Colette Mercier sont également condamnés à verser 69.519 euros à la plaignante au titre du préjudice matériel et moral. Ils ont un mois pour faire appel de la condamnation.