Ancienne cheffe de cuisine dans un restaurant étoilé à Lyon, Sonia Ezgulian est passionnée par le sujet au point, désormais, de consacrer son temps à écrire des livres de recettes. Elle conseille, également, l’industrie agroalimentaire et l’hôtellerie. Elle a partagé ses passions sur le plateau de "Vous êtes formidables" sur France3.
Sonia est d’abord une grande adoratrice de la Bretagne. « C’est l’endroit où je me ressource si possible, chaque année, au mois de mai. Je me retrouve dans une petite maison isolée sans réseau, pour y faire une vraie parenthèse. L’idée c’est de faire des grandes marches au bord de l’eau, avec ce vent qui nous fait oublier nos soucis et le stress. Et aussi des grandes siestes devant un paysage magnifique et un ciel qui change d’heure en heure. »
Et la cuisine n’est jamais bien loin… « C’est tout sauf une corvée. En Bretagne, je cuisine différemment. Là-bas, on va au marché, c’est magique. On rapporte des coups de cœur. Là-bas, les poissons sont magnifiques, très bon marché… On peut faire du homard, des langoustines… »
L’histoire d’amour entre Sonia et la cuisine a débuté très tôt, lorsqu’elle n’avait que 4 ou 5 ans. Sa grand-mère Payloun, d’origine arménienne, était maraichère à Saint-Genis-Laval. « Elle cuisinait pour toute sa famille. On était très nombreux autour de la table, avec les cousins, les oncles. Pour moi, la table a toujours été synonyme de grand moment, de bonheur et de partage. Et puis… elle m’avait dit que je si je ne savais pas cuisiner… je ne trouverais pas de mari ! », confie-t-elle amusée.
Souvenirs de recettes arméniennes
Sonia se souvient que cette grand-mère faisait des plats simples, avec les restes du marché. « On avait tous les légumes et les fruits à disposition. Moi j’aimais particulièrement sa poêlée de haricots verts avec des œufs. Une sorte de brouillade qui ne parait pas extraordinaire… Et pourtant j’ai encore le souvenir de ces haricots avec le goût inimitable de mon enfance. »
Des souvenirs qui lui rappellent aussi les jours de fêtes « Ces jours-là, les arméniens font des grands plats en aluminium avec des feuilletés au fromage. Et aussi le manti, qui comprend des petits raviolis croustillants autour d’une boulette de viande. C’est très joli, long à préparer. On les dispose en serpentin dans un plat. Ma grand-mère m’avait appris toutes les astuces pour faire cette pâte… Il fallait simplement obtenir une texture qui ressemble à celle du lobe de mon oreille. »
Lorsqu’il s’agit d’évoquer sa grand-mère, Sonia est inénarrable. « Elle ne parlait pas très bien le français. Elle n’avait donc pas la possibilité de me transmettre des recettes écrites, pesées et très exactes. Tout m’a été appris par des images, des onomatopées. C’est vraiment joli de pouvoir garder cela, et le transmettre aussi, de temps en temps…», s’enthousiasme-t-elle.
Journaliste à Paris-Match
Parmi ses autres références, elle évoque volontiers un dessert : le halva. « Ça aussi, c’est magique. Et malheureusement, je ne sais pas le faire, mais il m’arrive, de temps en temps, d’en goûter. Il en existe de nombreux… Mais ce halva là, à base de farine, de sucre et d’un peu d’huile… et c’est cuit. Comment vous le décrire ? Ca ressemble à un tout petit coussinet extrêmement moelleux. Franchement, c’est délicieux. C’est vraiment très ancré dans ma mémoire. »
Avant d’être cuisinière, Sonia a travaillé comme journaliste durant une dizaine d’années à Paris-Match. Elle a fini par y imposer une chronique gastronomique, pour laquelle elle interrogeait des chefs. C’est ainsi qu’elle a rencontré son futur mari, le photographe Emmanuel Auger, qui est devenu son complice.
Une vie de restaurateurs à Lyon
Ensemble, ils ont ouvert un restaurant, « l’Oxalis », en 1999 à Lyon. « En 1995, On ne trouvait pas dans les journaux d’actualité ou people de rubrique de cuisine. C’était vraiment réservé aux magazines féminins. Mon métier consistait essentiellement à comprendre les tendances. J’ai mis un an à convaincre mon rédacteur en chef, car j’étais vraiment sûre que la cuisine allait devenir un sujet important dans la vie des gens. »
C’est ainsi que Sonia a découvert le monde de la cuisine pour la première fois. « Au cours d’un reportage, on est allés au Louis XV, chez Alain Ducasse, à Monaco. Cela m’avait intéressé, mais je trouvais qu’il y avait trop de luxe, trop d’or, de serveurs… Un des chefs de Ducasse m’a proposé le lendemain d’aller dans le potager de sa maman. Là, j’ai ressenti une grande émotion. Tout me plaisait. Je retrouvais tous les légumes que j’adorais, plein de variétés de basilic, des oignons qui séchaient, un four à bois dans le jardin… On a mangé un repas extraordinaire cuit sur une petite cuisinière à bois. Il y aurait tellement de détails à raconter. Ce jour-là, je suis partie en larmes. Je me suis dit : si on peut à ce point faire passer cette émotion-là, c’est ce que j’ai envie de faire. Faire la cuisine pour ce partage et cette émotion. » Une nouvelle vocation est née, et l’aventure de son restaurant durera sept ans.
Sentir les futures tendances
Pourtant, un jour, elle décide de tout arrêter. « J’ai adoré ces sept années, mais je ne pouvais plus vivre en déconnexion totale avec la vie réelle. A l’époque, on travaillait cinq jours par semaine, des grosses journées entre 12 et 16 heures. Quand on était un peu libres, les gens travaillaient… » L’absence de vie sociale et culturelle l’a poussée à changer, à tourner une page.
Mais elle n’abandonne pas la cuisine pour autant. Le duo publie depuis quinze ans de nombreux ouvrages consacrés à ce sujet. En s’appuyant à nouveau sur ses souvenirs, et notamment les conseils de son autre grand-mère, auvergnate, elle a créé sa marque de fabrique : savoir utiliser les restes, avoir recours au recyclage, éviter le gaspillage. A nouveau, elle a pris un temps d’avance sur une tendance qui, aujourd’hui, est omniprésente.
Sonia Ezgulian, qui privilégie le partage avant tout, insiste sur l’importance d’être attentif. « Les tendances ne déboulent pas, un jour, comme ça, dans notre vie. Il faut sentir les frémissements, les petites choses qui se mettent en place. »
A titre d’exemple, elle cite un ouvrage paru l’an dernier, rédigé autour de potager de... son papa. « Tout le monde autour de moi trouvait ça formidable, et avait envie de faire un potager. Mais, bien avant le confinement, on voyait déjà que les gens avaient besoin de retrouver le temps… de faire les choses. »
La cuisine internationale en partage
En collaboration avec le cuisiner lyonnais Grégory Cuilleron, Sonia Ezgulian vient de publier, à l’occasion des 40 ans de handicap international, « La cuisine en partage », livre comprenant une quarantaine de recettes venus de 27 pays différents.
L’auteure les a réalisées en partant de l’inspiration de personnes bénéficiaires de cette association, à la suite d’accidents. « L’idée n’était pas de faire un livre sur les cuisines du monde. C'était plutôt de solliciter ces bénéficiaires pour qu’ils nous offrent une recette. Handicap international a fait le relais avec eux dans le monde entier. Des vidéos ont été tournées pour bien voir les détails de chaque recette. Et ensuite, comme on ne dispose pas toujours forcément de certains ingrédients, je les ai simplifiées pour chaque lecteur puisse les réaliser, en pensant à ces bénéficiaires. » résume Sonia Ezgulian.
REPLAY : Voir ou revoir l'intégralité de "Vous êtes formidables" avec Sonia Ezgulian