À Lyon, un diagnostic minutieux du pont de l'Université vient de débuter. C'est un préalable à de futurs travaux de voirie prévus en 2026. Une vérification indispensable pour ce pont vieux de 121 ans qui a connu quelques accidents de parcours. Le pont métallique va être ausculté dans les moindres recoins.
"Nous n'avons plus aucune archive très détaillée de ce pont ancien. Comme nous souhaitons effectuer des travaux d'ici à deux ans sur cet ouvrage, pour réaliser au mieux ces travaux, il faut qu'on connaisse tous les matériaux présents", explique Bérengère Pisier, responsable du service des ouvrages d'art de la Métropole de Lyon.
Ce diagnostic est un préalable incontournable, "un travail préparatoire" pour de futurs travaux prévus en juin 2026, a confirmé Fabien Bagnon, vice-président de la Métropole, en charge de la voirie et des modes de déplacement. Le pont accueillera une voie lyonnaise.
Pourquoi faire des prélèvements ?
Suspendus au-dessus des eaux du Rhône, des ingénieurs vont inspecter minutieusement l'état du pont de l'Université. La structure métallique est difficilement accessible. Cette campagne va durer trois semaines cet été. Des prélèvements de métal sur l'ouvrage vont être réalisés. Pour les équipes en intervention, travailler encordé est une première. Ils sont d'ailleurs encadrés par des cordistes professionnels.
"Sur tout le mois de juillet, on va se concentrer sur le métal. On ne connaît pas forcément les caractéristiques techniques du métal utilisé au début du 20ᵉ siècle. On fait pleins de prélèvements, ciblés sur les parties d'ouvrage sur lesquelles on devra intervenir", indique Bérengère Pisier. Il s'agit d'inspecter l'état du métal et surtout de définir "les zones à remplacer ou à réparer", d'après Léa Reibel, la responsable du pôle des ouvrages d'art chez Ginger CEBTP. Sur les parties reconstruites après-guerre, il s'agit aussi d'en savoir plus sur le matériau.
L'analyse en laboratoire de ces échantillons permettra de savoir si le métal pourra notamment supporter des soudures avec de nouvelles pièces ou si d'autres techniques d'assemblage devront être utilisées pour les futurs travaux. Faudra-t-il riveter les pièces "comme autrefois" ? Affaire à suivre.
Retrouver la couleur d'origine de l'ouvrage, pourquoi faire ?
Si certains échantillons sont prélevés sur l'ouvrage et expédiés en laboratoire afin de connaître les caractéristiques du métal et sa résistance, la peinture n'est pas non plus oubliée. "Avec des appareils spécifiques, on vient mesurer les épaisseurs de peinture et l'état de cette peinture", explique Léa Reibel. "On va regarder l'état de la peinture, car avec les coulures d'eau, elle a pu être altérée. On va aussi regarder la composition de cette peinture, pour pouvoir définir la meilleure peinture prochaine, le meilleur système anticorrosion à mettre en place sur l'ouvrage", explique la spécialiste.
Mais quelle était au juste la couleur du pont de l'Université en 1903 ? Ce diagnostic vise aussi à l'établir. Et pour cause, le pont se trouve dans le périmètre d'un bâtiment classé Monument Historique, l'ancien garage Citroën.
Dynamité en septembre 1944
C'est un ouvrage d'art que l'on reconnaît entre mille. Avec ses lampadaires, ses sculptures métalliques couronnées par quatre fiers coqs, ses rambardes, ses décorations composées de têtes de coq et de lions, le pont de l'Université est l'un des plus beaux de Lyon. Le pont est composé de trois arches métalliques qui reposent sur des piles de pierre. Sa structure est entièrement constituée de pièces rivetées. Une construction type Eiffel.
Ce pont routier de 267,50 mètres de long qui enjambe le Rhône a été construit au tout début du 20ᵉ par l'ingénieur Jean Résal. Il a été inauguré en 1903. Il relie le quai Gailleton en presqu'île et le quai Claude Bernard dans le 7ᵉ arrondissement. Le 2 septembre 1944, les Allemands en déroute avaient dynamité 22 des 24 passerelles et ponts lyonnais. Parmi eux, le pont de l'Université. Son arche centrale avait été détruite. Il avait été reconstruit après-guerre. Peut-être avec des matériaux de récupération. Le diagnostic permettra d'en savoir davantage.
Percuté en avril 2013
Le pont a connu d'autres accidents. Ainsi, le 2 avril 2013, le bateau de croisière "Viking Europe" avait fait une fausse manœuvre. L'embarcation était venue percuter le pont de l'Université avec son mât de télécommunication. L'arche du pont, côté aval et Rive gauche, avait été endommagée.
Afin d'éviter toute dégradation supplémentaire, la Métropole avait alors décidé de financer sans attendre les travaux sur la structure métallique endommagée. Une pièce maîtresse longue de 15 mètres. Le trottoir de l'ouvrage avait été partiellement neutralisé pendant plusieurs mois. Coût du chantier pour la collectivité : plus d'un million d'euros. La société du bateau "Viking Europe" avait remboursé les travaux, préférant éviter des poursuites en justice.
Réaménagement en perspective
Le pont de l'Université est emprunté par plus de 10 000 véhicules chaque jour. D'ici à 2027, ce pont va faire une plus large place aux modes de déplacements doux. Le diagnostic était donc un impératif avant d'engager ce projet porté par l'exécutif écologiste. Sur ce pont qui nécessitait de lourds travaux de restauration, la Métropole a voulu "faire les choses dans le bon ordre". "Il fallait effectuer les travaux préalablement. Après la réalisation de ces travaux, on aura le réaménagement du pont. On a un projet de voie lyonnaise. C'est la voie numéro 8 qui va passer sur ce pont", a indiqué Fabien Bagnon, vice-président de la Métropole, en charge de la voirie et des modes de déplacement. À terme, le pont accueillera un couloir de bus (ligne C12) et une piste cyclable sera créée sur la chaussée. Actuellement, des bandes cyclables sont présentes sur le trottoir.
La Métropole investit aujourd'hui massivement dans ses ponts, des ouvrages d'art anciens qui "n'ont pas été suffisamment entretenus". "Un problème national" selon Fabien Bagnon. Ce dernier évoque à ce titre "une dette patrimoniale". Au total, 40 millions supplémentaires ont été investis pour la maintenance des ponts de Lyon et des ponts du département dont la Métropole de Lyon a hérité. Au final, ils sont 45 à relever de sa compétence. En centre-ville, les travaux du pont Bonaparte lancés en février 2023 ont duré près de dix mois.