Plusieurs voix, parmi les catholiques, réclament de prendre clairement parti contre l'extrême droite dimanche au second tour de la présidentielle, certaines, à l'image du Père Delorme, reprochant à l'épiscopat d'être trop frileux, comme il y a cinq ans.
"Davantage qu'en 2017, la candidate Marine Le Pen a la possibilité de remporter cette élection présidentielle", s'alarme le père Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon, l'un des initiateurs de la Marche des Beurs en 1983, dans une tribune publiée dans le Monde.
Cet homme d'Eglise se désole des scores cumulés obtenus au premier tour par Marine Le Pen, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan chez les catholiques: 40% ont voté pour l'extrême droite, contre 30% dans la population totale, selon un sondage Ifop. "Un échec pour le christianisme", dit-il.
"Je crois que là, la situation est bien plus grave aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 5 ans. Vous savez, on peut dire que entre les années 1970 et les années 2010, dans nos communautés chrétiennes en tout cas, dans l'Église catholique, il y avait une sorte de digue, je dirais, une digue évangélique qui faisait que les chrétiens pratiquants, les catholiques pratiquants, ne se laissaient pas séduire par des théories extrêmes. Aujourd'hui, ils sont 40% à voter pour l'extrême droite C'est ça qui est impressionnant, 40% des catholiques, 40% aussi des pratiquants."
La préférence nationale, le refus d'accueillir l'étranger, le repli identitaire, la peur d'un supposé "grand remplacement", la défense d'une "civilisation chrétienne" sont aux antipodes du message et de la vie du Christ
Père Christian Delorme
Dans sa tribune, le père Delorme réclame d'aller plus loin. Il en appelle "à une parole publique de la part des évêques de France pour que ceux-ci affirment collectivement qu'un vote en faveur d'un(e) candidat(e) d'extrême droite est incompatible avec la foi chrétienne".
L'épiscopat avait pris position contre le Front national en 2002, mais pas en 2017, avant le second tour qui avait déjà opposé Emmanuel Macron et Marine Le Pen, ce qui lui avait été reproché par des catholiques.
"C'est un tsunami qui est en train de se passer" pour le père Delorme pour qui, il s'agit là d'un naufrage spirituel "parce que les théories de l'extrême droite sont les théories anti-évangéliques".
La peur de la division
"On sent également une crainte, dans l'épiscopat, de toute division interne. Il y a, pareillement, la peur de déchirer les communautés chrétiennes et même la peur de devoir faire face à la fronde - ou à la désertion - d'une part importante des forces militantes actuelles du catholicisme français", analyse le père Delorme.
Selon le prêtre, 99% des évêques ne votent pas pour l'extrémisme, certains voteront peut être blancs ou nuls. Mais la majorité est contre cette évolution.
Je dis même dans ma tribune que c'est une sorte d'hérésie qui est en train de se mettre en place.
La France "déchristianisée"
"Bien sûr que la France est "déchristianisée". C'est une donnée qui est prise en compte par tous les sociologues aujourd'hui. On sait bien ce qu'il en est mais ce qui est effarant, c'est qu'elle va se déchristianiser encore plus. Ce n'est pas possible, donc il faut vraiment se ressaisir."
Les musulmans l'ont fait, les protestants, les Juifs. Vous savez, toutes les grandes communautés religieuses ont dit, attention, on est au bord de la catastrophe. Quel que soit le résultat de cette élection, nous serons de toute façon dans une situation extrêmement difficile
A la question, Est-ce que c'est vraiment le rôle des religieux de lancer ce genre de d'appel à l'égard des chrétiens, le père Christian Delorme répond sans hésiter " très certainement, oui."