Rafle de la Rue Sainte Catherine : "C'est important que les jeunes soient acteurs" témoigne l'historienne Sylvie Altar

Les Lyonnais commémoreront dimanche 9 février l'arrestation de 86 Juifs rue Sainte Catherine en 1943. 82 ans plus tard, il ne reste plus aucun survivant de la Shoah à Lyon. Comment se souvenir et surtout transmettre aux plus jeunes ce que fut cet épisode dramatique de l'histoire de Lyon ? Sylvie Altar, historienne, répond à cette question.

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Et d'abord les faits.

Il fait très froid à Lyon le 9 février 1943. Il a même neigé. Rue Sainte Catherine, dans le premier arrondissement de Lyon, non loin de l'Hôtel de Ville, c’est un piège que les nazis sous l’autorité de Klaus Barbie ont tendu au 12 de la rue qui est aussi le siège de la Fédération des sociétés juives de France et du comité́ d’assistance aux réfugiés, réunis au sein de l’Union générale des israélites de France. La Gestapo attend plusieurs heures sur place pour arrêter le maximum de personnes.  

Ils sont tous transportés et emprisonnés au Fort Lamothe, qu’on appellera plus tard caserne du Sergent Blandan. Les 86 hommes et femmes, dont le père de Robert Badinter, Simon, n’y resteront que 3 jours avant d’être transférés au camp de Drancy le 12 février. 80 seront ensuite déportés dans les camps d’Auschwitz-Birkenau, Sobibor et Bergen-Belsen.

 Quatre personnes seulement survivront et deux d’entre elles témoigneront au procès de Klaus Barbie en 1987. 

 

Sylvie Altar est historienne et autrice d’un livre “Anatomie d’une Rafle” (éditions Tirésias- Michel Reynaud).  Elle nous a accordé une interview quelques heures avant la commémoration.

Ne pas oublier la rafle de la rue Sainte Catherine

"La rafle de la rue Sainte Catherine, c’est la plus grande rafle qui cible les juifs pendant la guerre à Lyon. Et elle intervient presque 3 mois après la prise de fonction de Klaus Barbie. Elle montre tout de suite le durcissement des persécutions. Elle fait partie de ce que j’appelle les grandes rafles. Mais ce n’est pas une question de nombre. C’est une question de mémoire. Elle est restée dans notre patrimoine mémorial historique."  

Sylvie Altar, historienne

Jour de visite médicale

 "C’était un jour très important ce 9 février 1943 car c’était un jour de visite médicale. Et comme les réfugiés juifs qui arrivaient à Lyon étaient démunis, ils étaient nombreux à y aller. Il y avait dentiste, il y avait tout. Et puis c’était un jour où il y avait distribution de vêtements. On est en hiver. Et de subsides aussi. Donc quand les Allemands arrivent vers 11 h du matin, il y a déjà 30 personnes qui attendent dans l’appartement du 2e étage." 

Sylvie Altar a travaillé sur un livret pour le 80e anniversaire de la rafle à partir du livre de Serge Klarsfeld à la demande du CRIF. "En creusant", raconte-t-elle je suis tombée sur pas mal de photographies. Ce qui m’a donné l’idée de faire un mémorial à la fin du livre avec le parcours de chacun avec une photo, un papier d’identité, quelque chose qui montre la présence physique de cette personne, qui incarne les victimes de la rue Sainte Catherine. Et c’est devenu un livre.

Ce qui est nouveau ce sont les photographies. Car toutes les informations se trouvent dans les archives du procès Barbie. Mais elles n’avaient pas été suffisamment exploitées par les historiens. Quand j’ai commencé à regarder, je me suis rendu compte qu’il y avait des choses qui étaient passées dans les interstices de l’histoire. Exemple, dans la liste des raflés figure le nom de Salomon Feldhandler. Un nom introuvable. Or sa femme avait témoigné dans les investigations avant le procès Barbie que son mari s’appelait en fait Honingman. J’ai pu ainsi remonter le parcours de Joseph Honingman 

Le visage de Joseph Honingman, arrêté rue Sainte Catherine sous la fausse identité de Salomon Feldhandler, l'un des visages de la rafle. © Archives

Plus de survivants ni de témoins 

Claude Bloch dernier survivant de la Shoah, arrêté en juin 44, est décédé le 31 décembre 2023. Et Robert Badinter, témoin des arrestations, qui a réussi à s’échapper des locaux de l’UGIF, est mort le 9 février 2024. Comment dès lors continuer à raconter ?

Pour Sylvie Altar : "On ne témoigne pas. On transmet une histoire, de manière factuelle et scientifique. C’est très important d’avoir cette démarche scientifique et historique. Et notamment avec les plus jeunes. Et puis on essaie de trouver d’autres supports par exemple des vidéos : le film du procès Barbie, les témoignages numérisés par le Mémorial de la Shoah à Paris. Ça ne provoque pas exactement la même émotion. Mais ça provoque une forme d’émotion qui s’équilibre avec la démarche scientifique historique."  

Le passeport d'Osias Fuhrer, l'un des raflés de la rue Sainte Catherine, retrouvé par Sylvie Altar. Montrer des supports pour transmettre l'histoire, en lui donnant des visages. © Archives

Impliquer les jeunes : une démarche citoyenne

Sylvie Altar, qui est aussi professeure le constate :"Aujourd’hui dans les familles les jeunes n’ont plus d’aïeux qui ont vécu cette période-là. Donc il y a moins de transmission. C’est pour cela il faut compléter ce qui est écrit dans les livres d’histoire en allant sur les lieux. C’est important de faire cette démarche qui en même temps est une démarche citoyenne. Ça marque l’histoire de notre cité. Et il faut que les jeunes y participent.  

C’est très important que les jeunes soient acteurs. C’est essentiel que ce soit eux qui construisent leur démarche, bien sûr encadrés.  

La commémoration est prévue ce dimanche à 11h rue Sainte Catherine. Des jeunes du lycée Ampère liront les noms de tous ceux qui ont été arrêtés ce jour-là, pour la plupart assassinés dans les camps de la mort.

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