REPORTAGE. "On voit de plus en plus de soirées être organisées" : le karaoké, un éternel succès

On le croyait passé de mode, mais le karaoké connaît encore bien du succès. À Lyon, sur les quais de Saône, ils sont nombreux à chanter du Piaf, mais aussi des titres d'Aya Nakamura ou des stars de la pop coréenne. Entre fausses notes et performances vocales, on s'est glissé dans l'ambiance. Reportage.

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Sous la lumière des stroboscopes, ils ne dansent pas le jerk, mais chantent des titres de Disney, de France Gall, de Matmatah et évidemment de Céline Dion. Le respect des paroles est approximatif, mais qu'importe, sur les quais de Saône à Lyon, un club accueille les fondus de chant comme les novices qui osent prendre le micro.

"Se défouler"

Le club est une adresse bien connue des amateurs de karaoké. Sur la façade, des guirlandes tape-à-l'œil, un néon rouge "Karaoké" et sur les portes une affiche annonce : "Complet". Pour venir pousser la chansonnette, il vaut mieux réserver dans cette institution qui a déjà une quarantaine d'années.

Ici pas de scène, c'est au milieu des tables basses et sous les voûtes de la petite salle qu'on prend le micro. Parmi les convives du soir, un groupe de collègues venus faire la fête, ou plutôt "se défouler après une formation". Céline et Isabelle sont les premières à se lancer pour un duo sur "Il jouait du piano debout". "J'adore, on se lâche, on s'amuse", se réjouit Céline à la fin de sa chanson.

"Ce sont les gens qui assurent l'animation"

Place à un duo masculin pour la "Java de Broadway". William, le plus vieux, enchaîne même quelques petits pas de danse. "On m'a dit que c'était plutôt pas mal", sourit Massi, la trentaine au moment de retourner à sa banquette.

Pour Delphine, une de leurs collègues, hors de question de prendre le micro. Mais une heure plus tard, elle craque et reprend en chœur avec les autres "Ces soirées-là". L'ambiance est festive, bonne enfant, les titres s'enchaînent sous les applaudissements du reste de la salle.

"On va passer entre 80 et 90 chansons dans une soirée."

Isabelle Bouquet, copropriétaire du Elody's Pub

Depuis cinq ans, Isabelle Bouquet et son mari Philippe ont repris les rênes de ce karaoké. "Ici, ce sont les gens qui assurent l'animation, on les voit s'amuser et créer du lien, explique la gérante. Même s'ils chantent faux, on voit dans leurs yeux qu'ils passent une bonne soirée".

"Confession nocturne" : n°1 du karaoké

Pour prendre le micro, il suffit de remplir un petit papier et de le faire passer à Philippe, le maître des horloges, ou plutôt de la playlist. Sur son ordinateur, 58 000 titres. "On en a dans toutes les langues, en français, en anglais, en italien, en coréen..." , énumère-t-il.

Difficile de ne pas trouver au moins une chanson à son goût, mais alors quel est le titre le plus demandé ? "Pendant longtemps, ça a été "Sous le vent" de Céline Dion, mais aujourd'hui c'est "Confession nocturne" de Diam's". C'est très varié : on me demande beaucoup les L5, Larusso, quelques fois Aya Nakamura et puis de la K-pop."
K-pop, comprenez : la pop coréenne, de la musique venue de Corée du Sud, très populaire auprès des adolescents et jeunes adultes français.

Le retour des soirées karaoké

Alors le karaoké est-il ringard ? Certainement pas pour Philippe : "on a des gens entre 18 et 80 ans qui se retrouvent pour chanter".

"Ça fait 19 ans que je vais dans des karaokés, explique Améline, une habituée. Il y a de moins en moins de lieux comme celui-ci, dédiés au karaoké, mais depuis quelques mois, on voit de plus en plus de soirées être organisées." "À Villefranche, beaucoup de bars se sont mis à faire une soirée karaoké par semaine", confirme Sébastien, son compagnon.

Habitués et "Toute première fois"

Si au karaoké, il n'est pas nécessaire d'être un excellent chanteur, certains poussent très haut la note. C'est justement au tour de Giovanni de prendre le micro, chapeau haut de forme sur la tête, canne à la main, il se lance sur le titre "C'est la fête", du film "La Belle et la Bête".

En plus de chanter, il danse, mime les expressions, tout est bon pour faire rire les autres participants. "J'étais d'abord chanteur de salle de bains, puis de voiture et maintenant, c'est le karaoké", résume-t-il.

"Je viens depuis 2014, quand j'ai commencé à faire des études de musique. Ça me permet de tester des chansons que je veux faire sur scène", explique Axel. Le jeune homme joue dans des comédies musicales et il l'assure, on trouve des gens très talentueux au karaoké. "J'ai même recruté ici des personnes pour des spectacles."

"Au karaoké, on discute avec des gens qu'on ne connaît pas, on se fait même des amis pour la vie."

Delphine, une habituée

Pour Frédéric, la soixantaine, chanter au karaoké est loin d'être une habitude, mais il a testé avec une dizaine de collègues. "D'habitude, ont fait plutôt des restaurants le midi", sourit-il en rendant le micro. "C'est une activité obligatoire pour être mieux payé", plaisante Vincent son responsable.

Indémodables

En tout cas, ce soir-là, il y a LA musique qui fait lever et chanter toute une salle en chœur, habitués comme novices. C'est "Les sunlights des tropiques" de Gilbert Montagné. Les voix se mêlent, on n'entend presque pas les fausses notes, certains tentent même des petits effets de style.

Alors que minuit approche, une nouvelle musique démarre à point nommé :"Les démons de minuit" pour le plus grand bonheur des chanteurs d'un soir. Les paroles sont approximatives, mais tous chantent à tue-tête. Il est temps de s'éclipser discrètement, avant de devoir à notre tour prendre le micro.

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