Le 26 mai 1944, un déluge de bombes alliées s'abat sur Lyon faisant des centaines de victimes, des milliers de sinistrés. En gare de Vaise, un train avec 600 enfants en cours d'évacuation échappe au pire grâce à deux cheminots. Grégoire Guendjian a mis 65 ans pour retrouver la trace de ses sauveurs.
Grégoire Guendjian a aujourd'hui 87 ans. Le Brondillant avait 12 ans le 26 mai 1944. Cette journée est resté gravée dans sa mémoire. Ce jour-là, c'est une pluie de bombes alliées qui s'abat sur la ville de Lyon. Si des points stratégiques sont ciblés comme le quartier de la Mouche, le déluge de bombes américaines touche également des civils. A Lyon, les bombes font des centaines de morts. Officiellement, le bilan fait état de 717 morts, 1129 blessés et 25 000 sinistrés.
Le 26 mai 1944, le quartier de Vaise n'a pas été épargné. Alors que les bombardiers américains approchent, un train arrivé de Perrache et transportant près de 600 enfants est stationné en gare de Vaise. Sur ordre des autorités, les petits doivent être évacués loin de Lyon, dans le Beaujolais. Mais la mesure de protection aurait pu tourner à la tragédie ...
Un acte de désobéissance qui sauve 600 enfants
Alors que les sirènes retentissent, que l'alerte aérienne est donnée, le chef de gare tergiverse, hésite, veut faire descendre des enfants des wagons... La situation est confuse et le danger se rapproche. C'est finalement le conducteur du train qui passe à l'action en désobéissant à sa hiérarchie qui lui demande de ne pas faire bouger le convoi.
De sa propre initiative, le mécanien remonte en catastrophe dans la locomotive, fait sortir le train de la gare et met le convoi à l'abri dans le tunnel de Saint-Rambert. Ce geste sauve la vie de ces centaines de petits passagers. Grégoire Guendjian et son petit frère âgé de 10 ans se trouvaient dans le train. Après-guerre, le père des deux enfants, lui-même rescapé du génocide arménien, tentera de retrouver la trace et le nom des deux cheminots qui ont sauvé ses fils pour les remercier ... en vain.
65 ans pour retrouver ses deux sauveurs : la longue quête de Grégoire Guendjian
Grégoire Guendjian en fait la promesse à son père : il fera tout pour retrouver ses deux "sauveurs". De la persévérance et de tenacité, le Brondillant n'en manquera pas tout au long de sa vie. SNCF, archives municipales et départementales, musée de la résistance de l’armée, historiens .... durant 65 ans, il va frapper sans succès à bien des portes et passer d'innombrables de coups de téléphone. Sa crainte: que son histoire et surtout que l'acte de bravoure des deux cheminots ne tombe dans l'oubli. Les années passent et le rescapé du bombardement de la gare de Vaise ne baisse pas les bras. Il garde espoir de pouvoir un jour remercier les deux hommes. Une tenacité payante.
C'est son appel dans un article de la presse locale qui va finalement tout déclencher.
En 2009, un article du Progrès fait écho dans la mémoire de Marc Jaspard. Ce dernier a entendu parler de l'histoire du train des enfants. Un de ses collègues de travail n'est autre que le fils même du cheminot. Mais il n'en a entendu parler qu'une seule et unique fois ... "le cheminot ne s'en vantait." Il entre alors en contact avec Grégoire Guendjian. C'est ainsi que le rescapé retrouve la trace du cheminot 65 ans après le 26 mai 1944 et apprend enfin son nom : Gabriel Filhol. Ce dernier est hélas décédé dans les années 70. Mais Grégoire Guendjian rencontrera ses descendants : son fils, aujourd'hui disparu et ses petits-enfants. Le rescapé mettra un peu plus de temps pour apprendre le nom de l'autre cheminot : Joseph Prenat.
Cérémonie d'hommage : les élus aux abonnés absents
Grégoire Guendjian metta ensuite tout en oeuvre pour que leurs noms figurent sur une plaque commémorative, installée devant la petite gare de Vaise. Celle-ci sera dévoilée en 2012. Chaque année, le 26 mai 1944, Grégoire Guendjian se rend avec d'autres rescapés devant la plaque pour un hommage silencieux. Fidèles au rendez-vous depuis leur rencontre avec Grégoire Guendjian, les petits enfants de Gabriel Filhol ont fait le déplacement ce dimanche matin pour honorer la mémoire d'un grand-père dont ils sont très fiers. Des anonymes aussi étaient présents.
Bientôt nonagénaire, Grégore Guendjian à l'origine de cet hommage a aujourd'hui un gros regret: cette année encore, malgré ses sollicitations, la cérémonie n'a pas déplacé les élus locaux. Mais pour le rescapé aujourd'hui, c'est la reconnaissance à part entière du bombardement de Vaise qui lui tient à coeur.
Le reportage ...
Leur grand-père, ce héros ... le témoignage de deux des petits-enfants de Gabriel Filhol