SHEIN : "des vêtements jetables" ou "une mode accessible à tous", une boutique éphémère à Lyon fait polémique

La marque chinoise de prêt-à-porter Shein remporte un succès planétaire basé sur une mode à petit prix. A chaque ouverture de boutiques temporaires en France, les files d'attentes se succèdent et les critiques fusent. Dernier exemple à Lyon.

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Le géant chinois du prêt à porter en ligne, Shein, a annoncé l'ouverture d'un "pop-up store", un magasin ouvert pendant trois jours du 11 au 14 mars 2023 à Lyon rue de la Part-Dieu. 

Une aubaine pour les fans qui habituellement ne peuvent pas essayer leurs achats puisque tous les vêtements sont vendus directement en ligne. 300 personnes étaient ainsi massées à l'ouverture de la boutique éphémère ce samedi 11 mars à Lyon.

"On n'a aucun point de vente physique. Ces "pop-up store", c'est l'occasion d'avoir des  échanges précieux, de communiquer en direct avec nos clients" explique Marion Bouchut, responsable communication de Shein en France. 

Le succès mondial de cette marque chinoise tient principalement à ses prix très compétitifs. La première page du site au moment de la rédaction de cet article affiche des tarifs allant de 4 euros pour un tee shirt à 13.25 euros pour un pantalon. 

"Nous voulons permettre à tous d'avoir accès à la mode, on produit des vêtements qui vont à tous les styles et tous les âges", affirme la responsable communication du groupe en France. "Si on arrive à pratiquer de bas prix c'est parce qu'on a un taux de gaspillage de 5%, on produit à la demande et c'est ce qui fait la différence par rapport au reste des acteurs de la mode."

Une mode jetable ? 

Ce modèle de production et de commercialisation est cependant décrié par plusieurs ONG, associations et collectifs de consommateurs qui y voient un des plus gros exemples de fast fashion (mode jetable) au monde.

"Nous devrions tous et toutes boycotter ce magasin de prêt-à-porter qui est une aberration sociale - humaine - sanitaire et une menace pour les petits commerces de proximité" estime l'association Zéro Déchet Lyon. 

"On est déjà bombardé par leurs publicités et leur marketing agressif sur le web, s'ils s'implantent dans nos villes, c'est délétère pour tous les commerçants locaux qui essaient de faire changer ce système", déclare le groupe lyonnais WedressFair. 

Une affaire qui pose également des questions politiques à Lyon, où la municipalité et la Métropole défendent des valeurs écologistes. Si le maire de Lyon s'est refusé à tout commentaire, Camille Augey, adjointe au maire en charge de l'emploi et de l'économie durable a réagi dans un tweet : 

"Shein, avec ses pratiques sociales et environnementales mortifères, est à l'opposé des valeurs que promeut la ville de Lyon : une activité commerciale respectueuse de l'humain et de la planète, privilégiant la fabrication locale et les produits de qualité et durables" a-t-elle commenté.

Objectif : redorer l'image de l'entreprise 

"Notre volonté c'est d'apporter la mode à tout le monde et de plaire à tous. Je sais qu'il y a une incompréhension autour de notre marque. Nous devons faire de la pédagogie. On est dans une logique d'amélioration permanente". 

Des efforts insuffisants, selon l'ONG suisse Public Eye, qui a mené plusieurs enquête sur les pratiques de Shein, envers ses salariés. 

"Une nouvelle enquête portant sur dix centres de logistique chinois de Shein, à Guangzhou mais aussi à Foshan et Zhaoqing, montre que le groupe a étendu sa production à d’autres régions pour répondre à la forte demande. Selon des vidéos mises en ligne par des travailleuses et travailleurs sur Douyin, le TikTok chinois, les journées de 10-14 heures y sont aussi la règle, et les salaires dépendent du volume d’articles traités (mesuré au nombre de codes-barres scannés)" précise l'ONG dans sa dernière enquête. 

Réponse du groupe : "Notre force c'est que tous les produits fabriqués sont vendus. On n'est pas parfait mais on explore la circularité, on a lancé une plateforme de seconde main, et on encourage les clients à aller vers une mode plus durable avec un bac au fond du magasin pour laisser leurs anciens vêtements." 

Sur son site, à la rubrique durabilité, l'entreprise affirme : "Nous protégeons les droits humains des travailleurs de nos fournisseurs et partenaires commerciaux. Nous ne contrôlons pas les pratiques de nos fournisseurs et de nos partenaires commerciaux, mais nous choisissons de travailler avec des fournisseurs et des partenaires commerciaux qui partagent notre engagement envers les droits de l'Homme et démontrent que ces droits sont protégés. Nous avons une politique de tolérance zéro pour le travail des enfants, la traite des êtres humains et le travail forcé des migrants" 

Un commerce étiquetable 

Tandis que le modèle fait débat, il trouve ses consommateurs et ses ambassadeurs par millions. Sur YouTube certaines vidéos ont généré des millions de vues et, sur TikTok, les publications mentionnant le hashtag #sheinhaul ont ensemble 8,7 milliards de vues. Par millions, et dans le monde entier, des acheteurs déballent leurs achats devant la caméra et font des essayages instantanés. 

Une stratégie que l'on retrouve à Lyon, où à la veille de l'ouverture officielle au public de la boutique temporaire, plusieurs influenceurs attendaient déjà leur tour pour essayer leurs habits. Autant d'articles portés et diffusés rapidement sur les réseaux sociaux.

Des tentatives de réponses européennes 

L'Union européenne veut renforcer le recyclage des vêtements pour lutter contre les dégâts de la "fast fashion" sur l'environnement, en imposant un code numérique sur chaque produit mis en vente. 

La Commission européenne a adopté en février 2022 une proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. Une proposition qui "vise à favoriser un comportement durable et responsable des entreprises tout au long des chaînes de valeur mondiales." 

Dans le monde, où la production textile a doublé entre 2000 et 2015, moins de 1% est recyclée. 

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