Le théologien a été présenté, ce vendredi, devant trois juges d'instruction en vue de sa mise en examen. Tariq Ramadan, confronté à l'une de ses victimes présumées, a refusé de signer le procès verbal au terme de sa garde à vue. Elle l'accuse d'un viol commis en 2009 à Lyon.
Le parquet de Paris a requis vendredi la mise en examen pour viols et le placement en détention provisoire de l'islamologue controversé Tariq Ramadan, une affaire qui a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans la communauté musulmane en France. Au terme de ses deux jours de garde à vue, le théologien musulman de 55 ans, accusé par deux femmes, était présenté vendredi en fin d'après-midi à des juges d'instruction à Paris.
Le parquet avait décidé d'une information judiciaire pour viol en 2012 et viol sur personne vulnérable en 2009. Trois juges d'instruction ont été désignés, selon des sources concordantes, signe de la complexité de l'affaire ou de l'amplitude des investigations envisagées. Selon une de ces sources, des femmes ayant témoigné anonymement pendant l'enquête préliminaire pourraient déposer plainte à leur tour.
Peu après midi, les avocats de Tariq Ramadan, Mes Yassine Bouzrou et Julie Granier, se sont rendus au pôle de l'instruction du palais de justice de Paris pour préparer l'audition de leur client devant les juges.
A la suite du scandale lié au producteur américain Harvey Weinstein, qui a entraîné dans de nombreux pays une libération de la parole de victimes d'abus sexuels, deux femmes avaient accusé, fin octobre, le théologien de les avoir violées. Ce petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, accusé par ses détracteurs de promouvoir un islam politique, avait alors dénoncé "une campagne de calomnie".
La première plaignante, Henda Ayari, accuse l'islamologue de l'avoir violée dans un hôtel de la capitale en 2012. Cette femme de 41 ans avait déjà raconté la scène dans son autobiographie en 2016, désignant son agresseur présumé par un pseudonyme. Mais sans se résoudre encore à porter plainte à l'époque.
Une cicatrice à l'aine au coeur de l'enquête
La seconde plainte avait été déposée une semaine après la première, fin octobre, par une femme de 40 ans, que certains médias ont présentée sous le pseudonyme de "Christelle". Elle accuse l'universitaire de l'avoir violée et frappée lors de leur unique rencontre dans un hôtel à Lyon en 2009, en marge d'une des conférences très courues du prédicateur."Coups sur le visage et sur le corps, sodomie forcée, viol avec un objet et humiliations diverses, jusqu'à ce qu'elle se fasse entraîner par les cheveux vers la baignoire et uriner dessus, ainsi qu'elle l'a décrit dans sa plainte", rapporte le magazine Vanity Fair, qui a rencontré la plaignante.
Tariq Ramadan et "Christelle" ont confronté jeudi en fin d'après-midi leurs versions devant les enquêteurs. Au terme de trois heures d'une audition très tendue, le théologien, qui nie tout rapport sexuel avec cette femme, a refusé de signer le procès-verbal.
"Chacun est resté sur ses positions", a précisé une source proche du dossier. Selon elle, l'islamologue a été mis en difficulté par la connaissance qu'avait
son accusatrice d'une petite cicatrice à l'aine, indécelable sans un contact rapproché.
Avant de convoquer M. Ramadan, les policiers ont enquêté pendant trois mois et ont entendu les plaignantes au début de leurs investigations, à Rouen et Paris. Selon une source proche de l'enquête, de nombreux échanges à caractère érotique ont été versés au dossier et des dizaines de personnes ont été entendues, notamment des femmes témoignant de faits similaires mais qui n'ont pas porté plainte à ce jour.
L'essayiste française Caroline Fourest, qui combat médiatiquement Tariq Ramadan depuis plusieurs années, a également été auditionnée. Les avocats de l'intellectuel ont riposté en déposant une plainte contre elle pour subornation de témoin.
Après l'ouverture de l'enquête, qui a fait resurgir des accusations d'agressions sexuelles sur ses élèves à Genève dans les années 1990, Tariq Ramadan s'est mis en congé, d'un commun accord, de l'université britannique d'Oxford, où il enseignait comme professeur d'Etudes islamiques contemporaines. Il continue toutefois de diriger un Institut islamique de formation à l'éthique (IIFE) à Paris.