Témoignages. Des soignants de plus en plus confrontés à la violence

Des infirmiers à domicile ou des médecins qui font l’objet d’invectives ou de gestes déplacés, ce n'est pas nouveau. Mais depuis quelques mois, la tension monte et la précarité qui augmente donnent lieu à des poussées de violence qui affectent les soignants.

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Il n’est plus rare qu’un médecin voit son cabinet faire l’objet de graffitis tandis qu’il reçoit des lettres de menaces dans sa boîte aux lettres. C’est arrivé au docteur Nogier, généraliste dans le quartier du Point du jour, dans le 5e arrondissement de Lyon. “Beaucoup de gens ont à l’esprit que les médecins peuvent tout faire en matière de santé, ils estiment qu’ils ont droit à la santé, mais ce n’est pas vrai. Pour certains, c'est inconcevable. Et puis il y a ceux qui exigent des jours d’arrêt de travail. On constate un manque de respect et moins de bienveillance envers nous”, reconnaît le docteur Pierre-Henry Juan, président de SOS médecins 69.

Pour les 46 médecins de l’association, le plus délicat est lié à leurs interventions H24. “Pour assurer notre sécurité, nous avons décidé de limiter nos visites à 20 heures maxi dans certains coins de l’agglomération après que certains médecins ont eu des problèmes. Exemples : le boulevard Lénine à Vénissieux, un ou deux squares à Bron, ou encore quelques rues du Mas du Taureau à Vaulx-en-Velin. Mais attention, tout ne se passe pas forcément mal, loin de là, tient-il à préciser. On fait 9000 visites sur Vénissieux, autant sur Vaulx-en-Velin. Le plus pénible ? Le vandalisme de voitures et le vol de matériel médical.  

Naviguer entre les points de deal 

À Vénissieux, dans le quartier des Minguettes justement, les points de deal se multiplient, constate Isabelle, infirmière libérale dans le secteur depuis une vingtaine d’années. À tel point que dans certaines tours, les rendez-vous chez les patients deviennent difficiles à effectuer. “Couramment, on croise des jeunes qui sont drogués et dont on ne sait pas ce que sera leur attitude quand nous arriverons à leur niveau, dans le hall ou dans les étages. Ils ont des réactions imprévisibles et ça peut être dangereux.” Dans ces cas, Isabelle demande à ses patients de descendre au bas de l’immeuble quand le traitement n’exige pas une position alitée ou quand le soin n'est pas trop technique. Dans certains immeubles où elle n’est pas spécialement connue, il lui est arrivé d’être accompagnée jusqu’à la porte du patient par des dealers qui veulent s’assurer qu’elle n’est pas de la police. "Je n’ai jamais été frappée, mais je trouve que ces façons expriment beaucoup de violence où l’on doit sans cesse justifier où l’on se rend." Parfois même, infirmiers ou médecins sont carrément fouillés pour pouvoir accéder à leur patient.

Entre les chariots de supermarchés qui bloquent certains paliers et les ascenseurs régulièrement en panne, moi ou mes collègues qui faisons les tournées, on ne cache pas notre inquiétude. On n’est jamais à l’abri de tomber sur un violent !

Isabelle, infirmière libérale, 20 ans de tournée aux Minguettes 

Difficile avec les cas psychiatriques 

Les infirmiers libéraux dénoncent aussi les situations de plus en plus fréquentes du fait du manque de moyens des établissements hospitaliers spécialisés : ces patients “psychiatriques” qui ne prennent pas correctement leurs traitements entre deux injections de neuroleptiques dites “de retard”. Ce qui, chez certains, entraîne une montée en puissance des périodes “dangereuses”, glisse un infirmier libéral de la première couronne lyonnaise. Afin de se protéger d’éventuelles agressions de la part de ces patients, leurs cabinets en ville sont fermés à double tour. Il faut sonner et montrer patte blanche pour rejoindre la consultation.  

Les raisons qui poussent à la violence sont multiples : depuis la simple demande de telle ou telle injection jusqu’à l’annonce d’un arrêt de prise en charge d’un patient. Un cas qui s’est produit il y a quelques mois et qui a valu à une infirmière d’être prise au piège sur un palier par un couple qui voulait se venger avec un couteau. 

Soignants exposés en première ligne 

Violences verbales, insultes, exigences de rendez-vous sur l’instant. “Les gens voudraient que l’on soit là pour eux tout de suite, à la minute.” Et quand ce n’est pas de l’agressivité caractérisée, c’est de l’incivilité. Ce que ressent plus qu’il ne le voudrait Jean-Pierre, la quarantaine, infirmier à Givors. “Ces situations, on les vit tous les jours. Au fil du temps, on apprend à les désamorcer, explique-t-il. “On travaille tout seul, on est plus méfiants qu’auparavant, il faut dire aussi que lorsque l’on va chez les gens, on voit beaucoup de choses. On suppose aussi des violences intra-familiales ou envers les femmes. Une fois, il m’est arrivé d’intervenir et d’empêcher un homme de frapper sa compagne.” Les soignants ont souvent le sentiment d’être exposés en première ligne.

Le plus difficile pour nous étudiants, c’est l’accueil en cabinet de ville sans équipe autour de nous.

Barbara Begault, Syndicat des internes en médecine générale 

Le manque de généralistes pèse aussi

 

Plus d’une fois, Barbara Begault a dû faire face au mécontentement de patients en colère dans les services hospitaliers où elle fait ses stages, en alternance avec ceux qu’elle effectue en cabinet de ville. En 8e année d’études de médecine, cette responsable lyonnaise du syndicat des internes en médecine générale avoue la complexité grandissante de leurs tâches.

Les gens qui s’énervent après deux heures d’attente dans les services d’urgence au point de s'en prendre au personnel soignant, ça a toujours existé. Mais depuis la fin du Covid, certains accompagnants n’ont plus de patience. Au risque de déraper. “On ressent chez les patients et leurs entourages une très grande inquiétude par rapport à l’accès au soin, note Barbara. Beaucoup ne sont pas sûrs d’une prise en charge.” 

Cela est encore plus vrai en médecine de ville que dans les couloirs de l’hôpital. Accueillir un patient atteint de bouffée aigüe, liée à des pathologies chroniques ou à une décompensation, est très impressionnant. Sans être tournées vers le médecin, ces violences peuvent, selon les cas, être très mal vécues par les étudiants. Voire traumatisantes.  

Pour la future médecin, l’une des explications tient dans la crainte de déclassement médical d’une partie de la population. “Les habitants des zones rurales ou de certaines banlieues vivent pleinement le manque de médecin généraliste, le professionnel de santé de premier recours. Mais également celui qui permet de coordonner le parcours de soins. 

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